“Le sel tue”… mais ne le dites à personne. Poursuivi pour diffamation par le lobby du Sel (le comité des salines de france), Pierre Meneton, chercheur de l’Inserm a été débouté par le tribunal correctionnel de Paris. Cette victoire redonne un peu d’espoir dans ce monde dominé par des lobbies peu scrupuleux de la santé humaine et de l’environnement.
Il y a quelques mois (janvier 2008), le Canard Enchaîné avait publié un article qui évoquait un procès qui opposait un chercheur de l’Inserm au lobby du sel français. L’article expliquait que Pierre Meneton avait dénoncé les méfaits sur sel, il y a 5 ans déjà , et précisait qu’on dénombrait “[…] 75 000 accidents cardiovasculaires –dont 25 000 décès- provoqués chaque année par la montagne de sel déversée en loucedé dans nos plats cuisinés, soupes en sachet, biscuits, etc. “. Bon appétit !
Bref, on savait depuis longtemps qu’une surconsommation de sel est mauvaise pour la santé, mais pour des raisons de profits on préférait ne pas en parler. Une fois de plus, c’est “le profit avant l’homme”1.
Les propos dénoncés par le Comité des salines de France (CSF) qui ont valu le dit procès, remontent à 2006 où Pierre Meneton avait déclaré, dans le mensuel TOC, que “le lobby des producteurs de sel et du secteur agroalimentaire (était) très puissant” et “désinform(ait) les professionnels de la santé et les médias”.
D‘après le quotidien Libération, l’article, intitulé “Scandale alimentaire : sel, le vice caché”, était accompagné d’une boîte de sel où figurait la mention “le sel tue”, comparable à celle figurant sur les paquets de cigarettes ce qui avait également conduit le journaliste et le directeur de la publication d’être poursuivi.
Le tribunal les a aussi relaxés, considérant qu’une appréciation critique portée par un scientifique n’était pas diffamatoire. Pour le tribunal, « il ne s’agit que de l’évocation d’une question d’ordre général sur l’utilisation excessive d’un produit naturel qui, quelle que soit sa pertinence, ne dépasse pas les limites autorisées de la liberté d’expression dans une société démocratique ». Selon quotidien Le Monde, les juges ont précisé que « le titre de l’article et la mention portée sur la boîte de sel (…) s’analysent comme la critique d’un produit ». Or « les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations n’entrent pas dans les prévisions » des lois françaises sur la diffamation.
Selon l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), les spécialistes scientifiques admettent généralement que 4 g de sel sont suffisants pour combler les besoins quotidiens d’un adulte. Or les Français en consomment deux à trois fois plus. Pierre Méneton soulignait notamment que les entreprises salines minimisent les quantités de Sel “préincorporé” dans l’alimentation (plats préparés, surgelés…).
On ne peut que se féliciter que des lanceurs d’alerte soient reconnus pour le travail d’information qu’ils mènent parfois au dépend de leur carrière.
Pour en savoir plus
- Poursuivi pour avoir accusé les producteurs de sel de désinformation, un chercheur de l’Inserm a été relaxé, Le Monde, 13/03/2008
- Lien vers l’article de TOC : http://sciencescitoyennes.org/IMG/pdf/TOC.pdf
- Le lobby du sel perd son procès contre un chercheur de l’Inserm, Libération, 13/03/2008
- livre de Noam Chomski [↩]