"Textes taoïstes: Lie Tseu, Yang Chu: le Jardin du plaisir" est un petit recueil de textes anciens présentant la Voie du Tao. Ils constituent une base documentaire des fondements du Tao et viennent expliquer la seconde phase de développement de ce courant spirituel chinois; la première originelle étant ponctuée par les écrits de Lao Tseu (peut-être juste premier intervenant dans l'écriture et pas le fondateur); la seconde de développement et la dernière de dégénérescence.
Le texte est constitué de petites histoires métaphoriques. Le contenu spirituel est assez complexe. J'imagine qu'il faut revenir sur le texte plusieurs fois pour bien saisir cette philosophie. Mais l'intérêt du livre est pourtant conséquent même à la première lecture. Ne serait-ce que dans l'introduction distinguant le chrétien et le taoïste, le premier croyant en une présence suprême, le second en une impersonnalité de la Nature, évolution, création...
****Dans les écrits de Lie Tseu (Lie Zi), "Textes taoïstes":La cosmogonie présentée est pour moi la plus ardue à comprendre. L'idée de circularité, de cycle, est bien présente avec la mort comme un état de repos, de sommeil, quand la vie est réveil. La vie se doit d'être comprise avec la mort, inclue. L'acte de vie est aussi un vol de ce que la Nature nous octroie.
Les actes ne sont bons pas forcément par abstinence des désirs, ni par leur aspect sensitif mais parce qu'ils viennent de la voie intérieure. Lie Tseu propose pourtant des vies douloureuses, éprouvantes comme si elles étaient seules capables de laisser libre l'esprit, de ne pas l’accaparer. En ôtant la résistance et la réserve, l'esprit serait alors calme et permettrait d'accomplir des actes physiquement impossibles (voler, passer un mur du feu etc...) ou d'apprivoiser des animaux sauvages. Un esprit livré à lui-même, libre, non forcé, non ciblé vers un objectif même de valeur, arriverait à cette "étherréalisation" du corps...
Cette compréhension des besoins, des causes des colères permettrait de ne pas faire acte de résistance et d'être satisfait. Les animaux et les humains seraient ainsi équivalents en esprit et compréhension.
La Voie du Tao serait plus que l'acte de ne pas faire de mal par peur, plus que de ne pas avoir envie de faire mal mais bien un désir amical de faire le bien. Les sensations et les rêves égarent. Et encore cet aspect d'une vie pas forcément magique: mieux vaut une vie dans la souffrance ou dans une certaine amnésie dû à une infirmité pour acquérir ou garder un esprit sans agitation. Les efforts ne prédisposent pas à une destinée favorable.
La sagesse est aussi plus à entrevoir dans les comportements, les qualités intrinsèques étant plus inexprimables. Aucune règle n'est là pour suivre le Tao, le bon et le mal sont présents et temporels, le seul point à suivre et de laisser aller son esprit naturellement.
De belles réflexions sont proposées sur l'acte humain malveillant à ne pas tant réprimé mais de mettre en avant la sagesse, d'élever la population; ainsi que le soupçon qui déforme la réalité.
****Les écrits de Yang Chu, "Le Jardin du plaisir" offrent une vision de la sagesse de la vie beaucoup plus fraiche et gaie.
La vie se doit, pour lui, d'être vécue sans anxiété, sans examen, mais dans sa temporalité, vivre le moment présent, en jouir avant de mourir. La mort n'est plus un repos mais un état, le même pour tous, égalisateur.La sagesse n'est pas là une recherche vaniteuse, une célébrité possible, car sinon cela annihilerait le bien dans l'acte. La sagesse serait plus une satisfaction sensorielle, une réponse aux besoin, sans aucune prise en compte de rituels ni d'idées de survivance ou de postérité. La sagesse serait une non-recherche car le temps passé à celle-ci serait réduit à celui de la vraie présence.
Cette apposition de deux courants de la spiritualité taoïste est la bienvenue, elle offre cet ascétisme presque connu et aussi un rapport beaucoup plus "hédoniste". De quoi ne pas limiter l'apport de celle-ci.
Livre lu dans le cadre de Masse critique de Babélio que je remercie, ainsi que les éditions Myoho. Le retard étant dû à un texte court mais dense et non à un désintérêt.