Concert mardi 5 juin au Théâtre de l'Onde à Vélizy. Racha Arodaky propose un programme en compagnie de Paco El Lobo, chanteur et guitariste, interprète de Flamenco. Ce soir là, les sonates pour clavier de Domenico Scarlatti s'entremêlent au cante jondo, au chant andalou.
Racha Arodaky a sélectionné pour cette occasion des sonates parmi les plus ibériques. On sait à quel point Domenico Scarlatti était fasciné par la culture espagnole. Il a séjourné plusieurs années à Séville à partir de 1729 où il a justement étudié le Flamenco et a terminé sa vie en Espagne pour mourir à Madrid en 1757. Racha Arodaky et Paco El Lobo ont choisi de mêler au déroulement des sonates, l'intensité et les couleurs des chants andalous. Le résultat est splendide, très prenant.
L'allegretto de la sonate K 193 en mi bémol majeur, avec ses couleurs tellement hispaniques dès les premières mesures, fournit une introduction idéale pour que le chant de Paco El Lobo vienne nous attraper avec la force et la vivacité typiques du Flamenco : mélange de complainte et de rythme hypnotique.
Il en est de même avec la sonate K 429 en la majeur, où Scarlatti préfigure de façon saisissante Albeniz et Granados.
Ce concert nous a particulièrement procuré deux émotions fortes dans des registres différents : la première, dans celui de l'intensité et du rythme : l'entremêlement du déroulement de la superbe sonate K 141 en ré mineur, interprétée avec les splendides couleurs que seule Racha Arodaky est capable de restituer sur Scarlatti, ponctuée par le frappement des mains typique du Flamenco de Paco El Lobo, donne littéralement le frisson.
La deuxième émotion, du domaine de la mélancolie et du rêve, s'est révélée de la façon la plus poignante qui soit, lorsque Racha Arodaky démarre avec une délicatesse de toucher exceptionnelle le sublime thème de la sonate K 208 en la majeur et que vient se poser, comme un voile, la complainte improvisée de Paco El Lobo. Splendide.
Paco El Lobo s'est montré un interprète inspiré, d'une humilité rare et surtout, d'une humanité extraordinaire. La générosité des deux interprète a conquis le public et a permis de savourer à quel point ces frontières que l'on établit parfois entre les genres musicaux sont absurdes et, qu'au contraire, la création musicale est surtout faite d'influences révélées ou inconscientes.
Il faut absolument que ces deux interprètes, dont la complicité musicale est d'une évidence rare, se produisent à nouveau pour démontrer à quel point la musique baroque, interprétée avec le coeur et l'esprit libre de toute convention, apporte une sensation de liberté, une lumière d'une belle intensité. Le génie de Scarlatti, en cohabitant avec les racines populaires qui l'inspirent, n'en n'est qu'encore plus révélé.
Ce post me permet de rappeler d'ailleurs, comme dans la note du 19 septembre 2006, à quel point Racha Arodaky est l'interprète la plus inspirée de Domenico Scarlatti au piano. Son disque, paru en 2006 avait été un véritable choc pour moi comme pour bon nombre de mélomanes.
Pour vous permettre d'imaginer l'entremêlement évoqué, je vous propose les passages musicaux suivants tirés des "deux mondes".
Sonate K 1 en ré mineur - Racha Arodaky, piano - Label Zig Zag Territoires.
Maestro Ramón - Paco El Lobo, chant et guitare - Mi Camino Flamenco / Collection Musique du Monde - label Buda Records.