Dimanche, les Français votent à nouveau. Un premier tour des élections législatives pour lequel les sondeurs nous prédisent une forte abstention. Comme à chaque fois, ce scrutin porte quelques combats symboliques. Jean-Marc Ayrault a multiplié les déplacements. Mais François Hollande restait hors de la mêlée. Le comportement normal du président normal n'en finit plus d'agacer la droite.
Ce devait être la catastrophe, l'exode des riches vers la Suisse ou la Belgique; une nouvelle dégradation de notre note de crédit par les agences en quelques heures, une faillite de l'Etat en « deux » jours. « Vous voulez la gauche, vous aurez la crise comme en Espagne » nous promettait Nicolas Sarkozy il y a quelques semaines. Finalement, cinq semaines après l'élection de François Hollande, le moral des Français s'est brutalement redressé.
Pourtant, la situation restait grave, extrêmement grave sur tous les fronts.
Crise européenne
En Europe, rien n'était joué, le pire est à venir. Le couple Merkozy n'est plus, mais Angela Merkel fait encore des ravages. Pendant la campagne, Sarkozy plaidait pour le pacte budgétaire qu'il avait négocié avec l'Allemagne et les autres membres de la zone euro. Cette semaine, ce traité reste un objet de fixation et de blocage. Angela Merkel a besoin du SPD pour l'adopter. Pour ce, elle fut prête, cette semaine, à lâcher la création d'une micro-taxe sur les transactions financières internationales. Quitte à déclencher l'ire de son collègue britannique David Cameron.
Angela Merkel avait aussi décidé de frapper fort. Pour mieux récuser le souhait français d'inclure un volet sur la croissance dans le pacte budgétaire européen, la chancelière allemande proposa mercredi davantage d'intégration politique et budgétaire au sein de la zone euro. La démarche n'était pas forcément incompatible avec les objectifs visés par François Hollande. Mais l'obstination de Mme Merkel à reporter le soutien à la croissance soulevait des critiques tous azimuts. L'hebdomadaire conservateur The Economist dénonçait une crise « créée à Athènes, aggravée à Berlin ».
De Washington, Barack Obama téléphona à Merkel et à d'autres dirigeants européens pour leur demander de s'accorder sur un plan en faveur de la croissance et débloquer la situation.
Pour l'heure, il y avait l'Espagne à sauver. L'agence Fitch a dégradé de deux crans la note de nos voisins hispaniques. Mardi soir, le ministre des finances espagnol confirmait que son pays ne pouvait plus emprunter sur les marchés. Jeudi, la rumeur d'un probable soutien européen allégeait la pression. Samedi, l'Espagne sollicitait officiellement l'aide de l'Eurogroupe. Encore 40 milliards d'euros à prévoir pour éviter que les banques espagnoles ne sombrent et l'euro avec elles. Globalement, l'Espagne est endettée à hauteur de 700 milliards d'euros (1.000 milliards de moins que la France !), dont 515 milliards auprès de ses voisins européens. La France est le premier créancier européen (22%), juste derrière l'Allemagne (28%). Un malheur n'arrivant jamais seul, Moody's a prévenu qu'elle dégraderait sans doute les autres notes européennes si la Grèce ou l'Espagne sortaient de la zone euro...
Crise nationale
En France, François Hollande restait zen, mais la situation est catastrophique. Le bilan de 5 années de crises et de sarkozysme immobile se dévoilait jour après jour, rapport après rapport. Ainsi lundi dernier, les Echos révélaient l'existence d'un bilan de l'Inspection Générale des Finances sur les économies à réaliser pour tenir l'équilibre budgétaire en 2017, soit 5 milliards d'euros par an.
François Fillon osa dénoncer l'irresponsabilité du gouvernement Ayrault. En cause, une nouvelle mesure, cette fois-ci sur les retraites.
Mercredi 6 juin 2012, il pleuvait encore sur François Hollande quand il était à Caen, pour célébrer le 68ème anniversaire du débarquement de Normandie. Le matin même, la ministre des affaires sociales avait présenté en conseil le projet de décret qui amende la réforme Sarkozy des retraites. Chose promise, chose due: les Français, quelque soit leur statut, qui ont commencé à travailler à 18 ou 19 ans pourront partir à la retraite à taux plein dès 60 ans s'ils ont cotisé leurs 41 annuités. Environ 20% des départs à la retraite chaque année sont concernés.
Le coût de cette mesure était également chiffré à 2 milliards d'euros par an (3 en 2017) pour le régime de base. Il était intégralement financé par une augmentation de 0,2 point des cotisations sociales retraite.
Evidemment, il y avait des grincheux. La gauche et les syndicats étaient satisfaits mais certains réclamaient davantage. Quelques éditocrates, comme pour excuser les caricatures dont ils avaient abusé ces derniers mois à l'encontre du projet Hollande, maugréèrent que ce n'était pas vraiment un retour à la retraite à 60 ans pour tous. Et non, ce n'était pas un retour à la retraite à 60 ans pour tous. C'était simplement et très exactement l'application d'une promesse de campagne.
A droite, on cachait l'amertume. Certains, emmenés par Jean-François Copé, répétaient des éléments de langage pourtant caduques dès mercredi: cette réforme serait une catastrophe pour les finances publiques ! « 5 milliards d'euros par an » pour le seul régime de base !! D'autres, emmenés par le rival François Fillon, préféraient moquer le « petit coup de canif ». Bref, les anciens sarkozystes étaient schizophrènes. Eric Woerth, Valérie Pécresse et même Bernard Accoyer réclamèrent une audition expresse que la ministre des affaires sociales Marisole Touraine refusa. Ces caciques de l'UMP faisaient mine d'oublier que l'Assemblée s'était mise en congés depuis le 7 mars dernier. La ficelle était bien grosse.
Normalisation politique
La presse tentait également de meubler. On s'amusait d'un excès de vitesse de la voiture présidentielle de retour de Caen; on s'indignait d'une déclaration de la secrétaire nationale écologiste - par ailleurs ministre - Cécile Duflot en faveur d'une dépénalisation du cannabis (quel scoop !). Le Canard Enchaîné révéla que Nicolas Sarkozy avait broyé tout le courrier de félicitations reçus à l'Elysée par François Hollande, avant la passation de pouvoir.
Pourtant, François Hollande ne chômait pas. D'abord, il normalisait peu à peu le fonctionnement de nos institutions. Toute la semaine, il avait aussi multiplié les rencontres diplomatiques. Outre ses échanges avec les représentants des partis français en vue des sommets européens et de Rio, il avait reçu Stephen Harper, le premier ministre canadien; l'émir du Qatar puis Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne. « Sur le terrain », il était parti à Caen célébrer le 68ème anniversaire du débarquement de Normandie, puis dans l'Oise, visiter une école maternelle. Lundi, il recevait les représentants de Florange, satisfaits de leur rencontre.
Les élections législatives motivaient peu, à tort. Quelques affrontements locaux n'attiraient qu'une attention discrète. A Marseille, la mairie UMP censura l'affichage de la couverture du Nouvel Obs qui faisait la part belle à Marie-Arlette Carlotti, la candidate socialiste de la 5ème circonscription contre Renaud Muselier, le maire adjoint et député sortant. A la Rochelle, le dissident socialiste Fallorni espérait récupérer les voix UMP locales pour gagner contre ... Ségolène Royal. A Hénin-Beaumont, Jean-Luc Mélenchon bataillait contre Marine Le Pen. A Levallois, Patrick Balkany, le grand ami de Nicolas Sarkozy, portait plainte contre un site internet qui le qualifiait d'inutile.
Quelques-uns des anciens sarkozystes les plus zélés se cachaient du spectacle médiatique. Ils voulaient se faire oublier. Laurent Wauquiez avait refusé que des
journalistes nationaux l'accompagnent dans sa circonscription de Haute Loire. Thierry Mariani, l'ancien ministre des Transporte, Frédéric Lefebvre, l'ancien lobbyiste de Sarkofrance, et Marie-Anne Montchamps, ex-villepiniste débauchée par Sarkozy en 2009, croyaient s'être assurés d'une élection facile en choisissant des circonscriptions d'expatriés. Quelle ne fut pas leur surprise quand le vote révéla leur échec !
Pourtant, l'UMP avait un bilan et un programme. L'attention médiatico-politique aurait pu s'y concentrer. Côté bilan, la lutte contre le chômage du précédent gouvernement Fillon était un échec, vue la continue progression du nombre de demandeurs d'emploi depuis 12 mois: le chômage dépassait les 10% de la population active en France, annonça le Bureau International du Travail vendredi... Côté insécurité, les atteintes aux personnes avaient progressé de 380.000 à 500.000 par an entre 2002 et 2011, dont +8% sur le seul dernier quinquennat. Côté budgétaire, la dépense publique avait progressé de 15% entre 2007 et 2011.
Si l'UMP l'emportait, avec son allié du Nouveau Centre, on en connaissait le programme: c'était celui de Nicolas Sarkozy, défait le 6 mai dernier: augmentation généralisée de la TVA en octobre prochain (+11 milliards d'euros); réduction des dépenses publiques (non détaillée), poursuite du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, sauf à l’école primaire, obligation d’avoir résidé 10 ans et travaillé 5 ans en France pour toucher le RSA; etc. Bref, du Sarkozy, mais sans Sarkozy et avec Jean-François Copé premier ministre...
Mais vu l'état désastreux du pays, l'héritage calamiteux du quinquennat précédent, avions-nous vraiment envie d'une alternance ?
Vendredi, trois
témoins à charge avaient été confrontés à Patrice de Maistre, l'ancien
gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. Les accusations de
financement politique illégal de la campagne de Sarkozy en 2007 furent maintenues. Le juge Gentil traque la source de quelque 4 millions d'euros...
Ami sarkozyste, où es-tu ?
Magazine France
5ème semaine de la France d'après: Hollande "normalise" sur fond de crise
Publié le 09 juin 2012 par JuanDossiers Paperblog
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