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O Négatif Chapitre 2 - Le fil d'O.
Il est gentil avec moi, un peu trop à mon goût, un peu trop avenant, un peu trop attentif à mes faits et gestes. J’ai beau mettre cette distance entre lui et moi, il est mon boss, il revient toujours à la charge avec une sensibilité exacerbée. Il m’agace. Je me sens obligée de le remettre à sa place, sa place de chef d’entreprise. Il n’est ni mon collègue, ni un ami.
Pourtant, il ne me laisse pas indifférente. Si je réfléchis bien, la façon dont je réagis quand il s’approche de moi, ou lorsqu’il est si doux et compréhensif, me fait vraiment peur.
Dès le début, j’ai bien vu que je lui plaisais. Mais je préférai me fermer complètement à toutes ces attentes inconscientes qu’il me met sur les épaules. Physiquement, c’est un bel homme, de taille moyenne, son visage reflète l’intelligence, sa carrure est parfaite. Et il dégage ce petit truc en plus qui me fait dire que cet homme est sensuel. Maintenant, je ne m’étais jamais envisagé dans une relation quelconque que ce soit avec lui ou avec d’autres hommes. Mon cœur est blessé, et appartient à mon fils. Depuis que je suis ici, des sensations réapparaissent, je pensais les avoir perdu pour toujours, mais ce n’est pas le cas.
Lorsqu’il s’approche de moi, mon corps réagit et s’électrise. Je sais qu’il sait, d’autant plus que mon visage me trahit. Je rougis comme cette adolescente devant son premier flirt.
Lorsqu’il me parle, sa voix douce et suave, me fait perdre mes moyens si je n’y prends garde.
Le pire, c’est son regard. Ses yeux me pénètrent, et je me sens si fragile, si vulnérable, j’ai cette impression d’être à découvert. Comme s’il connaissait mes pensées les plus secrètes. D’où mon agacement.
J’oscille entre deux envies, celle de garder le pourquoi je suis ici, pourquoi être inconnue à ses yeux, et l’envie de me laisser aller. J’hésite entre ma raison et mon cœur, tout le paradoxe de cette situation si compliquée, si dur à vivre pour moi. Je suis comme enfermée dans ma tête, je contrôle tout, jusqu’à ma propre respiration, pour ne rien laisser transparaître. Je vis dans cette peur, qui m’empêche d’avancer, d’être avec un homme, comme le ferait n’importe quelle femme. Je m’empêche de vivre pour avoir cette possibilité si mince de faire exister mon fils.
Et là comme ce soir, je suis lasse, j’aimerais qu’une main tendu m’apaise, me réconforte et me rassure. J’ai besoin qu’un homme me soutienne, j’ai envie de ne plus être seule, j’ai envie d’être aimée. Et ça, il y a quelques jours, je n’y pensais même pas. Ce sentiment d’avoir besoin d’un homme dans ma vie, n’était même pas illusion. Et là, à cause de lui, à cause de ce qu’il provoque en moi, à cause de ce qu’il est, il me fait douter de la route que je me suis fixée. A cause de cet homme, je suis en colère contre moi, parce que je suis faible, parce qu’il me rend fragile.
Mon loulou dort profondément, alors je sors de cette pièce qui me rend dingue et file tout droit vers le patio. Je m’assois et respire l’air marin.
Quand j’entends des pas derrière moi.
- Je peux m’assoir avec vous ?
Je le regarde et hoche ma tête en signe d’accord. Aucun son ne peut sortir. Je reste immobile en attendant qu’il me dise un mot, une phrase. Mais rien de tout ça. Il me regarde longuement, parcours mon corps de ses yeux, me caresse par sa douceur et s’approche de mon oreille. Le murmure de sa voix me fait frémir, ma chair de poule apparente me trahit.
- Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas un méchant type. J’ai juste envie de vous parcourir, de vous faire vibrer. Je veux vous aimer le temps d’une nuit.
Mon regard se figeait. J’étais tétanisée, je ne respirais plus. Il parlait si doucement, que je devais tendre l’oreille …
- Je te promets que rien ne nous engage, je te promets que je ne te ferai pas de mal. Je te promets que seule toi peux décider de ce qu’il va se passer ou pas. Je te promets …
Je me retourne, je ne le laisse pas finir sa phrase, et je l’embrasse avec toute la colère et le désespoir que j’ai en moi …
Page 7 Chapitre 2 / Mimilie.
Pour une fois je ne pense plus à la maman d’Antoine, plus rien, comme une absence qui se prolonge. J’ai juste cette sensation en moi, le plaisir de goûter ses lèvres, la sentir, j’aime tellement le parfum qui se dégage de sa peau. J’ai le temps aussi de repenser à mes derniers mots, je me dis que je suis fou, ce n’est pas moi mais après tout l’important c’est maintenant et notre désir.
En l’embrassant j’ai la sensation que la carapace qu’elle garde en elle comme à s’effriter. J’ai pleinement conscience de la troubler, pleinement conscience de jouer de mon charme et de mon charisme. Je n’ai pas honte, j’ai juste envie d’elle, plutôt envie de me blottir en elle, de la toucher de la respirer, d’être très proche d’elle pour justement tenter de mieux la comprendre. Je me laisse envoûter par ce plaisir partagé, je laisse glisser mes mains le long de ses bras, j’effleure, je n’ose pas la toucher mais la sensation est bien présente, la chaleur de sa peau ne me trompe pas.
Puis plus rien. D’un coup d’un seul plus de sensations, je me vois de loin, de très loin, j’ai le temps de me demander ce que je fais, la peur de mes gestes de mon attitude, l’impression de tout gâcher. Mais je suis collé à ses lèvres, impossible de m’en sortir, impossible de fuir.
Enfin après un long moment nos lèvres se quittent. Tendrement, très lentement, sensuellement, j’avoue ne jamais avoir senti une sensation aussi forte en un seul baiser. Cette femme me perturbe, elle est mystérieuse et son désir pour moi me trouble. Ma main reste collé sur son sein, elle ne dit rien, me regarde juste, je baisse le regard j’ai trop peur de croiser le sien.
« Vous… tu crois que…enfin rien ne doit remettre en question ta présence ici. Je suis désolé, j’avais juste très envie je dois bien l’avouer. »
Elle me regarde juste, aucun son ne sortira de sa bouche ce soir. Ma main se décolle lentement de son chemisier. Il fait tellement bon à Elven ce soir-là. La nuit nous enveloppe, je suis bien, elle ne dit rien mais je suis bien. Nous restons un long moment dans le patio, au même endroit de notre baiser, je suis incapable de parler d’avoir un sujet de discussion, en même temps je n’ai pas envie de briser le silence, j’ai juste envie de rester ici près d’elle.
En fermant les yeux l’espace d’une seconde pour me concentrer sur l’odeur de son parfum elle vient me donner ses lèvres, je me laisse guider comme un novice. Mes mains sont croisées le long de mes jambes, j’ai le cœur qui palpite à une vitesse folle. Les sensations m’envahissent… .
Je vois un appartement, vide, un appartement en bordel une odeur nauséabonde, des papiers par terre, une table et des chaises renversées, je vois son fils au milieu de ce capharnaüm.
Je retire mes lèvres dans la seconde. Je suis fou, je deviens dingue à la limite de ne plus me reconnaître. Je ne veux pas lui montrer ma faiblesse, cette vision est stupide, cette scène est ridicule. Elle vient se blottir le long de mon épaule, nous nous endormirons dans la même position, dans notre chaleur et je suis bien, j’aime sa présence.
Ma vision viendra me hanter cette nuit. Elle ne me quittera plus, même à l’heure où j’écris ces lignes.
Page 8 Chapitre 2 / Leshaker.
Cette journée sera rude.
Au petit matin elle n’est plus sur mon épaule, je me lève il est très tôt, j’ai conscience que je dois faire des dizaines de choses aujourd’hui. J’ai la tête dans le brouillard, je file boire un café prendre le temps de me poser, plutôt prendre le temps de simplement me réveiller. C’est même la première fois que je ne parle pas tout seul dans ma cuisine à me raconter ma vie, mes choix, mes peurs et mes doutes. Je ne dis rien. Je suis vide. C’est le mois d’août en ce moment, il fait bon et le soleil brille. J’ai le temps subitement d’organiser ma journée et de me dire qu’il serait envisageable de lui faire découvrir le site, le projet et le village. La grande maison que j’habite avec mon fils est un peu à l’écart, j’ai apprécié la calme et la beauté des lieux, je voulais trancher avec les trépidations de la capitale. Au loin j’ai mon projet, cette grande demeure, ce manoir, ce château comme dirais mon fils mais ce n’est qu’un manoir. Et heureusement. J’ai le projet de le restaurer de lui redonner vie et d’organiser des séminaires au sein cette bâtisse. Sa présence est importante, sa volonté aussi, elle m’aidera et s’occupera en grande partie de la décoration des salles.
Antoine vient de se réveiller. Chocolat chaud au programme, la tête droite dans le bol, mon fils est habitué à un rythme cérémonial pour déjeuner, il tient cela de sa mère. Lui aussi est silencieux ce matin, c’est étrange. J’ai le temps de glisser un œil dehors et elle est là, droite, figée, elle regarde le lointain. Son fils est à côté avec un livre, il parle mais je suis incapable de distinguer sa voix. Je m’empresse de passer sous la douche, je demande à Antoine de venir dehors, qu’il fait beau et que c’est une journée qu’il faut passer dehors. Mon fils me fait signe de la tête qu’il restera là et je n’insisterais pas.
Elle est émerveillée par la demeure et j’en suis heureux. Elle semble m’écouter, je lui présente le projet et son travail. Elle ne dit rien, décidément c’est la journée du silence. Elle me fait comprendre par sa froideur qu’elle semble conquise et cela me suffit. J’ai un sentiment de culpabilité avec notre rapprochement d’hier soir, c’est stupide. Nous parcourons les salles, parcourons le domaine, les jardins sont sublimes et je tenais à lui présenter sur la fin. Toujours son fils derrière nous, il ne dit rien lui aussi, il me fixe, pas un seul instant il ne m’a quitté des yeux. Nous quittons les lieux et elle se retourne vers moi :
« Vous connaissez l’histoire de ce manoir ? »
« Je dois bien avouer que non. J’ai tenté de poser des questions aux gens du coin mais tu sais ici c’est difficile de dialoguer avec les gens »
« Je vais aller me balader dans le coin, prendre la température me situer, pouvez-vous me garder mon fils je reviens dans une petite heure. »
Je rentre vers la maison je propose aux enfants de jouer ensemble dans le jardin mais ils déclinent avec insistance, la timidité sans doute. Le temps pour moi de l’attendre, elle va certainement croiser le vieux Galvinec, un grand père de 93 ans mais en pleine forme. Il l’observera certainement du coin de son œil derrière sa fenêtre. J’ai du travail, des factures à payer, j’en profite pour faire du rangement dans mes papiers, mais se sera de courte durée je saigne abondement, j’ai dû certainement me couper en ouvrant une enveloppe.
Page 9 Chapitre 2 / Leshaker.
J’ai honte de ce qu’il s’est passé cette nuit, je le fuis mais ça me donne une excuse de quitter cet endroit.
Elle est là, comme à son habitude, un livre à la main dont le titre ne m’évoque rien. Elle est toujours aussi belle, elle a à peine changé. Ses longs cheveux bruns de l’époque, sont désormais courts et blanc. Son charisme est intact, moi qui pensait que l’âge aurait adoucit ses traits, je me suis trompée. Son assurance est telle, que plus je m’approche, plus mes épaules s’affaissent. Je redeviens la petite fille qu’elle a laissé sur le coin de la route, pour une raison que je ne saisis pas.
- Maman
- Bienvenida, comme je suis heureuse de te voir. Je me doutais que tu finirais par venir me trouver.
- Je … (plus aucun son de ne peut sortir de ma bouche, le ton de sa voix si froid, si dur, me glace le sang, alors même qu’elle essaye d’être chaleureuse)
- Veux-tu boire un café, de l’eau ? Tu as peut-être faim ?
Sa façon d’être m’énerve, c’est comme si rien ne s’était passé. Elle est là à me proposer diverses choses, sa politesse, sa serviabilité, m’agace. Quand est ce qu’elle va comprendre que je la déteste ? Quand est ce qu’elle va arrêter de fuir cette réalité qu’elle a elle-même causé par sa fuite, sa lâcheté.
- Non, maman assieds-toi, nous devons parler et je n’ai que très peu de temps devant moi !
- C’est comme tu voudras …
- Je suis là parce que tu dois me raconter mon histoire, et pour une fois ne te défiles pas. Je ne suis pas là pour réparer notre passé. Pour moi, tu n’existes plus. Mais pour lui, je me dois d’être ici et d’écouter ce que tu as à me dire.
Elle ne me regarde plus, n’a pas l’air de m’écouter auxquels cas, elle aurait réagit.
- Maman mais tu m’écoutes ???
- Oui oui … Que veux-tu répondre à tes phrases assassines ? Je t’ai dit dans une lettre, que je souhaitais parler de notre passé ensemble, de ton histoire, tu as mis 8 ans à venir. Nous pouvons tout de même savourer cet instant avant de rentrer dans le vif du sujet ? Ou faut il que je cède à ton caprice et te délivre ce lourd secret avant même de t’expliquer la raison de ta naissance ?
- Maman ne commence pas à me faire culpabiliser et racontes moi !
- Tu te précipites sur ton histoire, tu as attendu des années pour savoir, tu peux encore patienter quelques heures ! De quelques manières que ce soit, tu sauras la vérité. Mais saches que je ne peux te la donner comme ça, il y a un rituel à suivre, une autre personne doit être présente.
- Quoi ? Mais qui ? Et pourquoi un rituel ?
- Ma fille, tu poses trop de questions. Je comprends ton impatience, mais tu n’as pas le choix. Essayes de contrôler tes émotions et de garder la tête froide, les jours à venir vont être éprouvants pour toi.
- J’ai besoin de toi maman, il faut faire vite. J’ai essayé de me voiler la face, je ne voulais pas voir la réalité, mais là maintenant, le danger est réel. Je me dois de trouver une solution.
- Je sais Bienvenida, mais patience. Retrouves moi demain soir à 23h, tu passeras par la véranda derrière et frapperas 3 fois.
A ces mots, elle se leva, me regarda une dernière fois et rentra chez elle sans un sourire.
Page 10 Chapitre 2 / Mimilie.
Je rentre au château, sans trop savoir quoi penser. Je n’ai aucun recul sur la situation. Impossible pour moi de relativiser. Ma mère, cette femme qui m’a abandonné à chaque fois que j’essayais de revenir vers elle. Cette femme qui m’a laissé sans se retourner alors que j’avais tant besoin d’elle.
Merde c’est de ma mère que je parle, c’est hallucinant son comportement si froid, si dur envers moi. Je n’ai jamais compris pourquoi elle me détestait. Bien qu’elle me dise le contraire, je sens qu’elle ne m’aime pas, en tous les cas pas comme moi je le souhaiterais.
Dans mon cœur de petite fille, j’aurais tellement aimé avoir une maman douce, présente pour moi de jour comme de nuit, qui calmerait mes angoisses, qui serait là à chaque instant de ma triste vie.
Je ne la comprends pas, je ne vois pas pourquoi elle est si dur. Qu’ai-je fais ? Est-ce moi qui l’a mets dans cet état ? Suis-je un monstre pour qu’elle me repousse dès que je m’approche trop de sa vie, de ce qu’elle est ?
C’est fou, je marche, et je me retrouve encore une fois avec toutes ces questions anxiogènes qui n’ont jamais eu de réponses. Maintenant, en plus de s’en prendre à moi, elle rejette mon fils. Son petit-fils qui n’a rien demandé à personne. Cette femme n’a aucun cœur, elle est de pierre et de roche. Je la hais de me faire subir tout ça. Et comme à son habitude, elle me jette et me demande d’attendre, encore et toujours le lendemain. Comme à chaque fois, elle fuit ses responsabilités. Mais demain je serais là à 23h tapante.
J’arrive enfin, je dois avoir une tête affreuse. Je file discrètement me rafraîchir dans ma chambre. Tiens c’est bizarre, je sens une présence. Quelqu’un s’est assis sur le lit …
Il est là derrière la porte de la salle de bain. Je sursaute et m’énerve.
- Mais que faîtes vous ici ? C’est encore ma chambre, mes appartements. Je vous interdits d’y venir sans y être invité.
Sans aucun mot, il me regard, s’approche et m’embrasse avec fougue.
En colère, je le repousse violemment. Mais il s’est pris pour qui ? Il a l’air ahurit de mon comportement, ne doit pas comprendre ce qu’il m’arrive. En même temps, nous ne nous sommes rien promis. Il ne dit rien, juste me dévisage avec un voile dans les yeux, son regards semble si triste, que je me calme aussitôt.
- Ecoutez, je n’ai rien contre vous. Mais vous devez entendre que tous les deux, nous ne pouvons être ce que nous avons fait la nuit dernière.
- Je sais, je suis désolé, je voulais, j’espérais …
Il part en courant. Je m’assois sur le bord du canapé et m’écroule, les larmes coulent sans discontinuer.
Page 11 Chapitre 2 / Mimilie.
J’ai déposé cette lettre sur le canapé ou elle est en train de dormir. Je le regrette déjà.
« Il faut me pardonner.
Je ne sais pas si tu en es capable, je ne sais rien de toi et je crois que je n’en connaitrais pas plus demain. Il faut juste me pardonner et te dire que ce n’est pas moi. Ce n’est pas moi dès le premier jour, dès le premier instant où j’ai croisé ta route sur le quai de la gare. Je ne suis pas ainsi et je ne suis pas comme ça. Je ne me reconnais plus et pourtant je ne demande pas le pardon, juste espérer que tu puisses comprendre. Ce désir cette passion, cette envie, cette attirance pour toi je suis incapable d’en expliquer la raison, il m’est juste impossible de te résister. Je le regrette. Nos lèvres ne devraient plus jamais se croiser. Ton parfum devrait s’éloigner de moi.
Tu me jugeras certainement, tu auras tort. Ce mystère, cette froideur, ce secret, cette façon systématique de ne jamais intégrer ton fils à nos discussions, pourquoi ? Tu ne répondras pas, tu ne répondras jamais, pour moi c’est une évidence. Tu ne dis rien pour ne jamais te trahir, mais en toi sommeille des choses, des choses dont je devrais te parler si j’étais certain de ne pas devenir fou. Cette pièce, cette chambre ou cette salle, je ne sais pas, les meubles autour, les meubles et les chaises sans dessus-dessous. Ce fils, ton fils au milieu qui me regarde, qui me glace le sang, ton fils qui ne cesse de jeter ce regard morbide sur moi, sur nous, dans cette putain de pièce. Un cauchemar tous les soirs, une image qui me hante tous les nuits ou je ferme les yeux et pour la première fois la fatigue et mon ennemi, fermer les yeux et ma douleur.
Il faut espérer que tu puisses comprendre ce que je ne parviens pas à expliquer, ce que je me refuse d’écrire. Le soir, la nuit, mon fils celui que j’aime pleure, il pleure comme jamais. Moi je rêve de cette scène et lui il pleure. Tous les soirs. Je vais le retrouver, le consoler, lui parler et le rassurer. Puis tranquillement comme une évidence j’appliquerais sur la plaie de sa joue un coton pour effacer le sang qui coule le long. La nuit mon fils saigne bordel, la nuit mon fils pleure et il saigne et moi je suis comme impuissant.
Au fond si je t’écris c’est dans l’espoir que tu viennes vraiment me parler et m’expliquer, mais je sais que tu ne le feras pas.
Je ne sais pas ce que tu décideras demain, je t’en laisse le soin d’en décider, Il te sera facile de prendre tes affaires et de partir. Je tenais à poser des mots sur mes douleurs, mes doutes et ton silence. Cette fâcheuse impression de t’appartenir et de te comprendre en te sentant si loin et totalement effacée. Un paradoxe que je vis, un mystère qui me torture.
Ne me juge pas. Je peux t’aider. Tu le sais. A bientôt. »
Page 12 Chapitre 2 / Leshaker.
Je suis à Elven depuis plus de quatre mois. Légèrement retiré de la ville, un peu au loin. Ce sont juste quelques mois avec un espoir secret, stupide, tout effacer, tout recommencer, tout oublier, mais les cicatrice ne s’effacent pas aussi facilement, les souvenirs perdurent, et j’ai l’envie souvent de vouloir m’endormir.
Ma femme Hélène est morte dans un accident de voiture, en revenant d’une soirée organisée par son travail. Plus tard j’apprendrais qu’elle n’était pas à cette soirée mais chez son amant. J’ai gardé la version officielle pour mon fils et la famille. Hélène est morte le samedi 5 novembre à 2h41 du matin, la voiture terminant sa course folle contre un mur. Un putain de mur. Le plus dur ce sont les mots, trouver les mots pour l’enfant, affronter sa souffrance, sa douleur. J’ai pris la solution de baisser la tête et de partir.
Le matin à Elven est plutôt calme. Aujourd’hui je dois travailler sur le chantier, il faut que j’avance mais j’ai tellement honte de moi, de cette lettre de mes réactions. Elle est là, bien présente ce matin, elle est toujours là, elle ne bouge pas, je pensais ne plus la revoir après cette missive. Le matin est calme à Elven, trop calme, finalement absorbé par mes pensées je décide ne pas bouger, de me tenir fixé par ma tasse de café. Antoine est à l’école. Tout va bien, pour l’instant tout va bien.
L’après-midi à Elven est calme. Je reste fixé à cette tasse, sans bouger, ce n’est qu’en allant chercher mon fils que je ferais la plus grosse action physique de ma journée. J’ai l’impression d’être un sportif fatigué, mes jambes me lâchent, mes muscles fondent, je suis pris d’une fatigue intense.
Le soir c’est calme à Elven. Mon fils dort, je suis dans la salle, le téléviseur m’inonde de son silence, ce n’est que vers 23h42 que j’entendrais les pas de l’autre côté du mur. Des pas, une chaise qui bouge, des mots qui flottent dans l’air, elle est là, bien là, de l’autre côté. Je n’ai pas osé l’approcher aujourd’hui, je laisse passer l’orage, on verra demain si mon corps me donne de l’envie et le désir de me confronter.
La nuit à Elven est une douleur. En pleine nuit, 3h26 du matin, je sursaute une nouvelle fois, cette image cet appartement dévasté, son fils au milieu, depuis son arrivée cette image me hante, c’est décidé dès demain j’irais consulter, je ne vais pas bien c’est aussi simple que ça, je ne vais pas bien tout simplement.
Page 13 Chapitre 2 / Leshaker.
Je veux fuir, partir très loin d’ici, m’en aller avec mon fils sous le bras et faire comme ci jamais cette soirée ne s’était passée.
Comme prévue, je filais discrètement chez elle à un peu avant 23h. Connaissant sa maniaquerie des horaires, j’attendis sagement accoudée à l’arbre, l’heure fatidique. Mais un sentiment étrange m’envahissait, impossible d’en dire plus, juste une perception de danger.
23h, je fis le tour et frappa 3 fois à la porte. Rien
J’accolais mon oreille à cette porte mais aucun son ne résonnait. C’est étrange, mon corps tremblait alors que la nuit était si douce.
Le silence pesait sur mes épaules, je regardais par la fenêtre, mais ni lumière ni présence n’aurait pu rassurer cette angoisse.
Je me décidais à ouvrir la porte, quand un bruit derrière me fit sursauter. Loin de moi, j’aperçu deux yeux rouges qui me fixaient puis plus rien. Terrorisée, j’ouvris la porte pour m’y cachée.
Mes yeux s’habituaient vite à la pénombre du salon, je distinguais le canapé au fond, la table de la salle à manger sur ma droite. J’avançais à tâtons, ne sachant pas ce que j’allais découvrir.
Des bruits de pas là haut, me tétanisèrent. Il me fallait me cacher vite, je me cache derrière le rideau en espérant vraiment que je pourrais m’enfuir par la fenêtre.
J’arrive à Elven, il est 4h passé. Mon fils à l’air de dormir. Je dois faire nos valises, je tremble, suffoque, je ne peux plus continuer comme ça.
Je me mets soudainement à pleurer comme une gamine, mes nerfs lâchent, je ne peux plus penser, ni même trouver une solution.
Je ne sais pas où est ma mère, ce qu’il a pu lui arriver. Nous devions nous voir ce soir à 23h, et rien. Pas de mots, pas d’explications, c’est étrange. Elle tenait tellement à me parler de mon passé. Que s’est il passé ?
Seule, je n’y arriverais pas, je dois demander de l’aide mais si je lui dis... Il va me prendre pour une folle, si je lui raconte mon fils, ses expériences morbides, ses paranoïas aigues, ses voix qu’il entend. Il ne me comprendra pas, il voudra sûrement l’emmener voir les psy. Le traiter comme n’importe quel autre sujet, cas clinique, souffrant d’une pathologie connu mais rare, la schizophrénie infantile. Seulement, comment une schizophrénie pourrait survenir dès la naissance ou presque ?
Je passe de l’eau sur mon visage, je m’observe, je fais peur à voir.
Je frappe à sa porte …
Page 14 Chapitre 2 / Mimilie.
Il est 4h du matin, je rentre dans sa chambre, le regarde à peine.
- Je je je ne sais pas par où commencer. Je sais juste que j’ai besoin de vous là maintenant.
Il me regardait terrifié, il a du sentir depuis le début que quelques choses ne tournait pas rond. Mais comment lui dire, comment aurais-je pu lui dire sans qu’il ne prenne peur. Moi-même j’étais dans une impasse, je ne saisissais pas tout et je continuais de me battre la peur au ventre. Alors un inconnu …
- Vous savez, j’ai une famille étrange. Ma grand-mère était une catholique espagnol très pratiquante, elle avait un don : celui de parler avec les morts. Ma mère, elle aussi très pratiquante, a quant à elle, celui de voir au-delà de l’impensable. Moi je n’ai rien. Mais je suis perceptive, peut être un peu trop. Dans ma famille, nous ne sommes que des femmes depuis des générations. Nous n’avons eu à ma connaissance aucun garçon. Je suis l’exception à la règle. Quand j’ai appris ma grossesse, ma mère que je ne voyais plus depuis des années, est revenue vers moi. Elle cherchait à me dire quelques choses, mais trop blessée par le passé, je l’ai fui. A la naissance de mon fils, elle m’a écrit une lettre.
Je la lui tendis, et il lu en silence. Sin visage était d’une froideur glaciale, il ne montrait rien, pas un regard de soutien, aucune chaleur. J’hésitais vraiment à lui en dire plus … Il la relu plusieurs fois, s’arrêta, me regarda, replongea dans la lecture, tout ceci plusieurs fois. J’avais l’impression que cela durait des heures, quand il me rendit la lettre. Je cru voir un léger sourire alors je poursuivis.
- Je ne comprenais pas pourquoi avoir un fils dans cette famille de femmes auraient pu être dramatique. Au contraire, je l’ai vu comme une bénédiction. Enfin un mâle, enfin on pourrait trouver un équilibre. Chez nous les femmes décident, les hommes se taisent et se soumettent. Comme nous étions de toute façon en conflit permanent, ma mère et moi, j’ai rejeté cette lettre, ce secret, j’ai préféré vivre ma maternité loin de toute cette pression. Seulement, plus les semaines passaient, plus les étrangetés se faisaient sentir. Quelques jours après notre sortie de la maternité, j’allais pour aller me reposer, quand je me suis mise à saigner de la joue. C’était presque imperceptible, c’est la douleur d’une piqûre qui m’a fait réagir. Devant le miroir, la goutte de sang perlait et je n’en connaissais pas l’origine. Cette situation s’est répété des centaines de fois. A 5 ans, il était à mes côtés, nous marchions tranquillement. Il m’a regardé sombrement, et mon corps s’est plié en deux. La douleur m’a plaqué au sol, je ne pouvais plus bouger. Mes membres étaient paralysés. Lorsque j’ai pu enfin ouvrir les yeux, j’ai cru apercevoir un rictus sur la bouche de mon fils. Il avait l’air content de ce qu’il m’était arrivé. J’ai préféré fermé les yeux, je l’avoue, je ne pouvais pas accepter que ce soit lui, j’étais incapable d’imaginer qu’il pouvait me faire du mal, moi, sa mère. Mon mari avait fui la maison dès la naissance, ils nous avaient lâchement abandonné. Il n’arrivait pas à prendre son fils dans ses bras, il ne pouvait le câliner, lui donner à manger ou même changer sa couche. Alors il est partit sans un mot. Vous comprenez que je ne pouvais pas penser que c’était mon fils le responsable de ses bizarreries. Il a été abandonné par son propre père, lâchement. Je me devais d’être là, même s’il peut être un monstre. Une mère doit aimer son enfant quoi qu’il fasse, c’est ce que je fais. Mais les épisodes se sont succédés, de plus en plus violents, cette fois sur d’autres personnes de mon entourage, des amis, des enfants d’amis, des connaissances. Il y a deux ans, j’ai rencontré un homme. Nous nous sommes aimés très fort, mon fils a tout fait pour le faire fuir, lui faisant du mal. Au départ, cet homme fermer les yeux, ne pouvant penser à l’impensable. Puis il a eu un déclic, il y a quelques semaines. Une nuit, lorsqu’il a vu mon fils, aux yeux rouges, nous regardant dormir et murmurant des paroles incompréhensibles, il a fait le lien entre la réalité et son esprit. Il a compris. Nous avons eu une dispute violente, et là mon fils, a fait quelques choses de terrible, il a pendu cet homme par les pieds et a lacérés son visage. A ce moment, j’ai eu le choix, soit abandonné mon fils, soit fuir en essayant de trouver une solution. Ma mère était la clé.
Il était abasourdi, stupéfait de ce que je lui narrais. Je finis par lui raconter la fin, le pourquoi ici, les deux visites chez ma mère. Puis, il sortit de la pièce en trombe en prenant soin de claquer la porte.
Page 15 Chapitre 2 / Mimilie.
Il dort, je l’observe par le rétroviseur et il dort. Les kilomètres défilent je ne sais pas où je vais, pas d’idée sur la destination. Je suis vide, je suis triste, je devrais penser à ce que je viens d’apprendre mais j’en suis incapable. C’est la première fois de ma vie ou je suis vide à ce point, il m’arrive de temps en temps de sombrer dans le silence mais à ce point, jamais. Les kilomètres défilent le plus important c’est la distance entre elle et moi, sans oublier son fils. Je n’ai rien pris, j’ai oublié mes papiers, je suis sans téléphone, et le doudou d’Antoine est resté dans son lit. Je vais me réveiller de ce cauchemar, c’est une évidence.
5h16 la fatigue me gagne je m’arrête sur une petite bordure en pleine lumière. L’angoisse me gagne et je ne supporte plus le noir. Il règne un silence profond dans le véhicule, en y réfléchissant je n’ai pas d’idée sur notre point de chute, mais je dois être loin. Loin d’eux. Impossible de fermer les yeux, je cherche un souvenir heureux, comme le départ d’un voyage lointain avec ma femme Hélène, le plaisir du départ, le bonheur de la valise, et la joie du retour. Un souvenir trop court, l’angoisse me gagne de nouveau je décide de repartir. Antoine dort.
6h07. Les questions arrivent et font surface. Qui sont-ils ? Pourquoi ? Les questions sont nombreuses, c’est bien un meurtre, cet enfant est un criminel, un enfant envoûté, au fil des kilomètres je me rends compte que je n’ai rien compris à son histoire, et si seulement elle était folle. Une chose m’importe rouler, rouler, m’enfoncer très loin dans la paysage, le plus éloigné possible de cet endroit.
6h42. La fatigue trop présente me force à l’arrêt. Heureusement une station-service pointe son nez. Je trouve refuge sur une place en pleine lumière et il est temps pour moi de fermer les yeux.
7h28. Antoine se réveille, il pleure, j’ai le temps de la calmer et de lui dire que nous devons encore rouler, il réclame son petit doudou qui ne le quitte jamais. Heureusement il se rendort. J’ai de la chance. Je ferme une nouvelle fois les yeux mais le jour cette fois-ci me dérange vraiment. Mon gilet fera un parfait volet pour me yeux.
8h16. Un bruit vient frapper ma fenêtre. Un œil, puis un second, une silhouette, une femme que je devine, elle se présente. C’est elle. Elle vient nous chercher, je sais que c’est elle et pourtant je ne l’ai jamais vu.
Page 16 Chapitre 2 / Leshaker.