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Tabish Khair : L’assassin n’est jamais celui auquel on pense

Publié le 09 juin 2012 par Les Lettres Françaises

L’assassin n’est jamais celui auquel on pense

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Apaiser la poussière, le premier roman de Tabish Khair, l’un des auteurs les plus excitants du sous-continent indien, fut publié en 2010 par les Editions du Sonneur. A propos d’un thug est le troisième roman (sélectionné pour The Hindu Best Fiction Prize et The Man Asian Literary Prize en 2010) de cet écrivain né en 1966 dans l’Etat du Bihar et qui est aussi poète, essayiste, critique littéraire, et enseigne la littérature a l’université d’Aarhus, au Danemark. La traduction de ces deux ouvrages, modèle d’élégance et de précision, affronte avec bravoure les indianismes de l’anglais de Khair.

Qu’est-ce qu’un thug? Un adorateur de la féroce déesse Bho­wani, membre d’une secte active en Inde du XIIIe au XIXe si6cle, qui pratique le vol et le meurtre par strangulation, actes qu’il considère comme un rituel religieux.

Un jeune écrivain de nos jours découvre, dans la maison de son défunt grand-père, médecin a Phansa, ville imaginaire de l’Etat du Bihar, le manuscrit persan d’un certain Amir Ali a Londres en 1837, un journal de la même époque annongant le meurtre par décapitation d’une  « Créole ou Bohémienne dans le quartier de Spitalfields », et une coupure de presse annongant la disparition, toujours à la même époque, de lord Battestone, aristocrate et phrénologue d’un détermi­nisme ultra. Dans la bibliothèque du grand-père, il y a aussi des livres, bien sur, notamment Notes a propos d’un thug: caractère et circonstances (1840), du capitaine William T. Meadows, autre adepte de la phrénologie mais tempéré par sa foi en la raison et l’éducation. « Qu’elles soient authentiques ou non, dit l’écrivain, ces voix sont véridiques. Superbe définition de ce qu’est (ou devrait être) le travail du roman.

Je ne dirai rien ici de l’intrigue principale, un suspense dans la grande tradition du roman policier, qu’il ne faut pas déflorer. Le livre est un feuilletage aux innombrables narrateurs, qui font chatoyer les innombrables aspects de la fiction : l’écrivain et son point de vue d’aujourd’hui, en particulier son rapport aux langues, le capitaine Meadows et son étude sur le prétendu thug Amir Ali qui lui raconte ce que les Blancs veulent entendre (les coutumes barbares des Indiens arriérés et superstitieux, leur vénération pour les colonisateurs anglais, seuls capables d’octroyer la rédemption aux misérables sauvages, etc.), les lettres persanes d’Amir Ali à la jeune servante anglaise dont il est amoureux, qui disent sa véritable histoire mais qu’elle ne sait pas lire, le discours et les agissements du fanatique lord Battestone, mais aussi, mais surtout, Londres au début du XIXe siècle, la ville monstre, sa pyramide sociale qui va de l’aristocratie toute-puissante et de sa police aux bas-fonds, avec la vie épouvantable des domestiques, des pauvres, des épaves venues des confins de l’Empire colonial et qui luttent avec une intelligence, un humour et des ruses magnifiques.

Voila une belle gifle au très officiel écrivain indo-anglais sir V. S. Naipaul et à sa littérature de soumission.

Marie-Noël Rio

À propos d’un thug,
de Tabish Khair. Traduit de l’anglais
par Blandine Longre.
Éditions du Sonneur, 2012, 285 pages, 20 euros.


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