Par Michel Sallé - Même si un certain nombre de personnes, notamment Jacques Mer que je ne remercierai jamais assez, m’ont aidé à leur rédaction, les lignes qui suivent engagent ma seule responsabilité.
On pardonnera au rédacteur l’abus de «progressif» et «progressivement», involontaire mais assumé ; la conjoncture économique islandaise nous a habitués à des mouvements beaucoup moins maîtrisés. Faut-il crier victoire ? C’est ce que voudraient nous faire dire les nombreux journalistes qui souhaitent rendre compte de ce nouveau « miracle » ; les Islandais auraient ils trouvé les bonnes recettes ? Que devraient s’approprier les Grecs ? Le FMI aurait, dit-on en Islande, franchi le pas en proposant à Steingrímur Sigfússon, aujourd’hui Ministre de l’Activité Economique, un contrat de six mois pour prendre en charge le « cas grec ». Et ceci ne manque pas de piquant si l’on se souvient que Steingrímur a été un farouche opposant à l’intervention du FMI en octobre novembre 2008 alors qu’il était encore dans l’opposition. En fait il y a peu de points de comparaison entre les situations grecque et islandaise, et chacun en Islande sait bien, Steingrímur le premier, que ce succès est fragile, très exposé notamment à la mauvaise conjoncture européenne, et qu’il a bénéficié de circonstances favorables : hausse des cours mondiaux de l’aluminium et du poisson, accueil de migrants par la Norvège… Il n’empêche, les résultats sont là, obtenus dans de meilleures conditions que prévu, qui reposent en partie sur des choix originaux, mais aussi sur le calme et la solidarité sans faille de la population, elle-même concrétisée par l’accord de stabilité entre employeurs et employés souvent cité ici. Pourtant il reste beaucoup à faire pour une relance de l’économie en ligne avec les prévisions. Le 14 mai le gouvernement annonce un plan d’investissements publics de 88 milliards d’Ikr (540 millions €) d’ici 2015, dont 17 venus de la nouvelle taxe sur la pêche. Il doit permettre la création de 11000 emplois.
L’actualité politique Il est difficile de ne pas attribuer ce succès, au moins pour partie, au gouvernement, notamment, mais pas seulement, à Steingrímur Sigfússon, Ministre des Finances puis de l’Activité Economique et Président d’un parti, la Gauche Verte, pourtant peu docile. Mais les électeurs n’en semblent pas reconnaissants, puisque les sondages mois après mois donnent le même résultat : l’actuelle majorité perdrait largement les élections. Deux projets de loi ont fait l’actualité, qui tous deux sont le respect d’engagements pris après les manifestations de l’hiver 2008-2009 : la réforme des quotas de pêche et celle de la constitution. Auxquels il faut joindre l’élection présidentielle…
Les quotas Sur le premier aucun texte n’a encore été discuté en séance plénière de l’Alþingi ; le débat, très âpre, a lieu en coulisses et porte pour l’essentiel sur le montant de la taxe que les armateurs devront payer. Pour les uns elle aurait pour effet de conduire la majorité des armateurs à la faillite, et donc générer du chômage, pour les autres elle permettrait de financer des grands travaux abandonnés pour cause de crise, et donc de créer des milliers d’emplois…
La réforme constitutionnelle De celle-ci il a souvent été question ici; du sérieux du travail réalisé comme de l’embarras de la classe politique face à un texte pas toujours clair et surtout l’exigence d’un référendum. En imposant un choix binaire sur un texte abordant des domaines différents, allant de la gestion des ressources naturelles, à l’organisation du pouvoir judiciaire, en passant par le rôle effectif du président de la république, la procédure référendaire montre ses limites. Tout au long du mois de mai l’Alþingi connaît de ces batailles qu’il semble affectionner. A lui seul le scrutin dure 4 heures. 35 députés se prononcent pour, 15 contre, 13 ne prennent pas part au vote. Conformément à la constitution, le référendum sera indicatif ; il doit avoir lieu avant le 20 octobre 2012. Six questions seront posées : la première sur l’ensemble du texte, les autres sur les dispositions concernant les thèmes suivants : la propriété collective des ressources naturelles non privées ; la place de l’Eglise Nationale et la laïcité ; les candidatures hors partis aux élections ; le poids des élus selon les circonscriptions; l’utilisation du référendum. Où l’on voit que manquent les sujets les plus sensibles traités dans la proposition de la commission, tels que le rôle du président de la république, la nomination des juges ou encore le non cumul entre les fonctions de ministre et celles de député. Cette réforme exige décidément beaucoup de l’électeur : choisir entre 527 candidats les 25 membres de l’assemblée constituante, puis se prononcer sur 114 articles contenus sur 15 pages mais qui nécessitent près de 200 pages d’explications ! Combien vont résister ?
L’élection présidentielle S’il était besoin de justifier la nécessité d’une révision de la constitution, la campagne en cours pour l’élection présidentielle y contribuerait pleinement. J’ai fait allusion dans ma dernière chronique au débat sur le caractère « politique » de la fonction. Début mai, quand les sondages le donnent derrière Þóra Arnórsdóttir, Ólafur Ragnar fait feu : Le Premier Ministre Jóhanna est partie en guerre contre lui car elle ne lui pardonne pas d’avoir voulu consulter le peuple sur Icesave, Þóra aurait des convictions pro-européennes secrètes, et n’a de toute manière aucune compétence en matière internationale : « il est grave que celui ou celle qui se présente à la fonction de président explique que son rôle sera de soutenir le ministre des affaires étrangères du gouvernement ». Ainsi appuyé par la droite du Parti de l’Indépendance (discrètement animée par Davíð Oddsson) et la gauche de la Gauche-Verte, toutes deux très nationalistes, ainsi que le Parti du Progrès, Ólafur Ragnar reprend la tête des intentions de vote, et pour consolider sa position annonce qu’il provoquera un référendum sur les quotas de pêche en refusant de parapher la loi à venir. Pour l’heure Þóra est en congé de maternité, après avoir donné naissance le 18 mai à une fille de 4.5 kg et 55 centimètres. C’est son troisième enfant avec Svavar Halldórsson, son compagnon, et le sixième pour lui. La photo ci-contre l’aidera-t-elle à regagner le terrain perdu ?
La réduction du nombre de ministères Autre loi âprement discutée : la réduction de 12 à 8 du nombre de ministères. Cette réduction est voulue par Jóhanna Sigurðardóttir qui en attend plus de cohésion ; une équipe gouvernementale et non une addition de ministres pour qui l’appartenance partisane doit l’emporter sur la discipline gouvernementale. Il est vrai que ce point de vue la Gauche Verte a montré une exceptionnelle capacité de polémiques publiques qui a beaucoup contribué à la perte d’autorité du gouvernement. La loi doit être mise en œuvre avant le 1er septembre 2012. Les ministères seront les suivants : Activités Economiques (industrie, agriculture, pêche, travail), Commerce et Finances, Environnement et Ressources Naturelles, « Bien Etre » (santé, sécurité sociale), Intérieur (justice, droits de l’homme, transports), Education et Culture et Affaires Etrangères.
L’actualité économique Rien dans l’actualité de mai ne vient contredire les prévisions mentionnées plus haut, jusqu’à l’inflation qui marque légèrement le pas puisque l’indice des prix reste stable en mai, sous l’effet d’une diminution de près de 4% des prix des produits pétroliers. Néanmoins la Banque Centrale préfère augmenter à nouveau de 0.5% son taux de base pour le porter à 5.5%. Bonne nouvelle pour les amis des baleines : la société Hvalur renonce à chasser le rorqual commun, faute d’un accord satisfaisant avec le Syndicat des Marins et parce que la demande japonaise n’est pas revenue à son niveau de 2010.
Relations internationales En ce mois de mai, l’actualité internationale est surtout européenne :
- Össur Skarphéðinsson participe le 4 mai à la réunion des ministres des Affaires Etrangères des Pays Nordiques à Stavanger (Norvège). L’un des objectifs est de préparer la prochaine réunion de l’OTAN à Chicago,
- Le 16 mai, la Norvège et le Lichtenstein, derniers membres avec l’Islande de l’AELE, annoncent qu’ils soutiendront l’île devant la Cour de Justice de l’AELE. Selon leur lecture de la réglementation bancaire européenne rien n’oblige un état à apporter sa garantie pour le remboursement des clients en cas de faillite d’une banque,
- Conscient des nombreux nuages qui s’amoncellent sur la négociation avec l’UE, Stefan Füle, Commissaire à l’élargissement, est à Reykjavík le 23 mai afin d’y rencontrer les membres du gouvernement et de l’opposition et tenter de lever les malentendus autour de certaines positions de l’UE, qu’il s’agisse de Icesave, du contrôle des changes ou de ce qui est en passe de devenir une «guerre des maquereaux». Il espère que les négociations seront terminées avant les élections législatives (avril 2013).
- Le 20 mai Jóhanna et Össur font le voyage de Chicago pour intervenir au sommet de l’OTAN.
- 07.05 : le Conseil de l’Eglise a accepté de participer à la construction d’une église médiévale à Skálholt,
- 11.05 : selon un rapport de l’ONG « Save the Children » l’Islande est le meilleur pays au monde pour les enfants et le deuxième, après la Norvège, pour être leur mère,
- 16.05 – Sigurður Einarsson, ancien président de la banque Kaupþing est condamné à rembourser 500 millions d’Ikr (3 millions d’euros) à la banque et tous ses avoirs sont gelés,
- 23.05 : alors que le travail du Procureur Spécial pour les affaires liées à la crise s’intensifie, on apprend que deux membres de son équipe, anciens policiers, ont vendu des informations pour 30 millions d’Ikr
- 24.05 : les Français ont au cours du premier trimestre de 2012 augmenté de 45% leur consommation de morue islandaise et de 90% celle d’églefin.