LES POEMES MORTS
Je les regarde : ils sont figés,
imprimés
solennellement
sur la page de la revue
ou du recueil,
je les relis.
Ils m’échappent…
je ne peux plus
les modifier,
ils sont finis.
Ils sont morts
et c’est le dégoût
qui s’insinue
dans ma psyché,
une sorte de goût amer,
goût de fin,
de page tournée
qui gonfle ma poitrine d’un
soupir, et mes yeux
se détournent.
Je ne peux pas expliquer ça,
ce désespoir
qui me saisit
à les voir ainsi, désormais
cloués sur le papier sérieux,
sur le papier définitif,
affichant avec vanité
caractères
d’imprimerie.
Cloués
dans leur imperfection.
Je m’en détourne
avec dédain,
qu’ont-ils encore à voir avec
cette fièvre de création
embrasant chacun de
mes jours ?
Plutôt que de les contempler,
je n’ai qu’une hâte : les fuir
pour m’en retourner marauder
dans mes chimères, mes tourments.
Ce qui m’intéresse à tout coup
c’est le texte encore en chantier,
celui qui, sous mes doigts, s’écrit
fourmillant d’hésitations,
marbré de quêtes
frémissantes.
C’est le poème encore bien
vivant
qui bouge et qui va vers
et qui scarifie le papier
de l’urgence de son élan.
C’est le poème haletant
qui se rue
vers sa destinée,
qui sans discontinuer jaillit
spontané, fébrile et brouillon,
touffu tel un buisson, tel un
trop-plein d’énergie pantelante !
Patricia Laranco
le 15/08/2006.