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Les purs chez Balzac (2/2) : Eugénie Grandet

Publié le 09 juin 2012 par Sheumas

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Dans une certaine mesure, la jeune Eugénie Grandet, originaire de Saumur est « cousine » de Rastignac. Elle n’a vécu que dans l’ombre et le sillage de l’odieux Grandet, avare tonnelier occupé simplement à augmenter sa fortune par des spéculations à n’en plus finir sur ses bouteilles de vin, sur ses peupliers, et... sur la mort de son frère dont il reçoit le fils chez lui. L’apparition de cet enfant pur et élégant révèle à l’innocente Eugénie la noirceur de son père et la grandeur de la passion.

   Un passage du roman artistement écrit révèle, à travers la description du jardin vu à travers la fenêtre de la chambre d’Eugénie, les ravages du trouble amoureux qui l’inonde. Les fleurs, les plantes, les arbres, cessent d’être un décor figé comme les paires de chaussettes que ravaudait la jeune fille pour son père. Elle entrevoit l’immensité du Sentiment. Elle rappelle dans un autre genre l’Agnès de l’Ecole des Femmes et annonce la frénésie libérée de Jeanne dans une Vie. Mais Jeanne n’a pas à subir la tyrannie d’un père qui lui impose ses vues et l’empêche d’exercer la générosité dont elle voudrait montrer les signes à son cousin. Pas de sucre dans le café, pas de chandelle allumée le soir, pas de feu dans la cheminée... Cet univers auquel elle s’était habituée sans l’analyser lui est soudain révélé par les feux de la passion. Elle vivait dans un monde « éteint » et Charles est une lumière qui s’allume.

   La passion est d’autant plus belle qu’elle est partagée et qu’elle contraste avec le milieu dans lequel elle se déploie. Le tempérament romantique des deux candides les verse dans un éblouissement réciproque dont la référence est trouvée dans l’œuvre de Goethe. Pour pallier aux difficultés financières de son cousin, la jeune fille sacrifie ses économies alors que son père (qui sait se faire passer pour un miséreux) tire parti de la situation. Il s’arrange aussi pour faciliter le voyage vers les Indes de son neveu et ainsi le pur Charles s’en va loin des yeux, loin du cœur et se durcit, se lance dans des commerces interlopes, vend des esclaves... Se construit une fortune et lorsqu’il revient à Paris, fait un beau mariage. Eugénie est bien loin comme en témoigne la froide lettre qu’il lui envoie !


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