Le Grand prix de Montréal est certes un événement majeur qui a des retombées touristiques et économiques importantes, mais il entraîne aussi d’importants coûts sociaux et environnementaux difficiles à chiffrer. Sans compter d’importantes injections d’argent des contribuables pour soutenir une industrie de luxe qui ne profite qu’à une minorité de fortunés.
Retombées économiques Les commerçants montréalais vont empocher plusieurs dizaines de millions de dollars dans les prochains jours avec la tenue du Grand Prix du Canada Sylvain Lefebvre, directeur du Groupe de recherche sur les espaces festifs (GREF) à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) estime les retombées totales à 75 M$. Les hôteliers, les restaurateurs et les détaillants de produits de luxe se retrouvent parmi les commerçants qui brasseront d’excellentes affaires avec le Grand Prix. Une étude de la banque ING arrive à un résultat similaire, 74M$. Tourisme Montréal évalue que 20% des dépenses touristiques sont réalisées dans le secteur de l’hébergement, 25% dans le domaine de la restauration, 24% dans celui des transports alors que 10% des dépenses sont liées à l’achat de billets et 21% à des emplettes dans des commerce de détail.
Est-ce que le passage du grand cirque automobile représente une vitrine internationale aussi bénéfique qu’on le prétend?
Certains spécialistes de Marketing estiment que le fait que pendant deux heures, 600 millions de téléspectateurs dans le monde vont entendre le nom de Montréal aux cinq minutes, décuple la notoriété de la ville. Mais le fait que je regarde le Grand prix de Bahreïn, par exemple, n’implique pas nécessairement que je connais en profondeur les réalités et les atouts de ce petit royaume. Les images qui retiennent mon attention sont majoritairement celles de la piste de course et des bolides et vaguement quelques zooms sur la ville de Manama.
Retombées économiques surévaluées Les limites de l’évaluation des retombées économiques des grands événements touristiques sont connues. Chaque organisateur a tendance à gonfler les chiffres afin de justifier l’octroi de subventions par les gouvernements. Par exemple, es recettes fiscales potentielles du GP de Montréal sont calculées à partir des dépenses de l’ensemble des touristes attirés par l’événement. Hors. selon les statistiques officielles, seulement 40% de ces touristes proviennent de l’extérieur du Québec. On peut supposer que les 60% de Québécois auraient dépensé leur argent ailleurs au Québec, s’ils ne venaient pas au GP de Montréal (cinéma, restaurants, voyage en région, etc) – et créeraient autant de retombées économiques et d’emplois. Difficile de parler de gains économiques réels pour la province dans ce cas. Ces retombées sont largement surévaluées car elles font l'hypothèse que l'argent dépensé par les résidents du Québec n'aurait pas été dépensé ailleurs. Elles font aussi l'hypothèse qu'en l'absence du GP, tous les hôtels et restaurants auraient été complètement vides. Ce qui n’a pas été le cas en 2009 (année sans GP) malgré une légère baisse. Par ailleurs, « les évaluations des retombées économiques des grands événements touristiques ne font aucune mention des subventions allouées et des dépenses d'infrastructure. Pour avoir une idée des retombées nettes, il faudrait tenir compte de ces dépenses publiques » soutient Claude Montmarquette, pdg du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), vice-président, Politiques publiques et professeur émérite à l'Université de Montréal.
Des retombées soutenues fortement par l’argent des contribuables À l'heure actuelle, les trois paliers de gouvernement (Ottawa, Québec et Montréal) déboursent 15 millions $ CAN par an pendant 5 ans, soit une bagatelle de 75 millions pour la tenue du GP à Montréal. En matière de recettes fiscales (impôts, taxes de vente, etc.), on anticipait, à partir de savants modèles mathématiques, des revenus annuels de 10,2 millions pour Québec et de 7,8 millions pour Ottawa. L'entente actuelle prendra fin après le Grand Prix de 2014. Si la Ville de Montréal souhaite accueillir le Grand Prix du Canada au-delà de 2014, elle devra se soumettre aux exigences du patron de la Formule 1, Bernie Ecclestone qui a la réputation de manipuler et de tenir les politiciens par les couilles. Le grand manitou exigerait que la Ville effectue pour 15 millions $ de travaux de réfection au Circuit Gilles-Villeneuve avant de parler d'un éventuel renouvellement de contrat, qui pourrait se prolonger jusqu'en 2024. En cette période de crise sociale, la Ville de Montréal a déployé un impressionnant arsenal de sécurité digne des jeux olympiques afin d’assurer la sécurité des amateurs de la F1. Cette overdose de sécurité à un coût qui se chiffre en millions qu’il faudrait également déduire des fameuses retombées économiques.
Les profits générés par la F1 sont savamment cachés dans les paradis fiscaux Le détenteur des droits commerciaux dérivés de la F1, Bernie Ecclestone, est un grand utilisateur des paradis fiscaux. Le journaliste suisse Sylvain Besson, dans sa recherche intitulée L’argent secret des paradis fiscaux citant notamment The Economist, révèle que les droits d’exploitation de la F1 sont consignés sur un mode emboîté impliquant une entreprise anglaise, différents holding à Jersey et un avocat suisse. Les jeux d’écriture comptable que cet agencement permet mettent les milliards des Grands Prix à l’abri de l’impôt. D’ailleurs Bernie E. n’a pas hésité à faire comprendre clairement à nos décideurs son aversion à payer des impôts dans les pays qui accueillent son show de boucane. Au moment où divers mouvements sociaux au Québec revendiquent d’être entendus, l’heure est aux choix de société. Est-il si avantageux que les citoyens du Québec subventionnent le Grand Prix à coup de dizaines de millions de dollars par l’entremise des fonds publics, au bénéfice de quelques entreprises privées ?
La question environnementale Au terme du week-end que durera le Grand Prix, près de 10 000 tonnes de gaz à effet de serre auront été libérées dans l’atmosphère. Ce qui, en soi, n’est pas si impressionnant, puisque c’est à peine supérieur à l’émission de GES aux heures de pointe d’une journée à Montréal. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les principaux responsables ne sont pas les bolides sur la piste mais bien les spectateurs ! En effet, tout événement de masse est très polluant, et les spectateurs – leurs déplacements, leurs consommations accrues en tout genre, etc. – sont responsables de plus de 60% de l’émission de gaz à effet de serre d’un événement comme le Grand Prix.
En conclusion, le Grand prix de Montréal, ce sont des retombées économiques surévaluées profitant à une minorité, des subventions gouvernementales massives sous la menace du roublard et autocrate Bernie Ecclestone, d’importants coûts d’infrastructure et de sécurité, des impacts sociaux et environnementaux néfastes mais difficiles à chiffrer, beaucoup de vitesse et de décibels pour 3 jours de plaisir. Ah, soyons honnête, c’est aussi quelques activités sociales pour ramasser de l’argent aux hôpitaux pour enfants de Montréal, histoire de se laver un peu la conscience après tant de péchés d’abondance et d’opulence.
Vroum Vroum Vroum ! Place au spectacle !