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Journal d’un corps, Daniel Pennac

Par Mango
Journal d’un corps, Daniel PennacLe 3 août 2010, le narrateur écrit une lettre à sa fille Lison pour qu’elle aille chercher un cadeau post mortem chez son notaire. Il s’agit du journal qu’il a tenu en douce sa vie durant, de sa douzième à sa quatre-vingt-huitième année,  qui n’est ni  un journal intime ni le compte rendu de sa vie professionnelle  mais le journal de son corps, uniquement.
Plus on l’analyse, ce corps moderne, plus on l’exhibe, moins il existe. Annulé à proportion inverse de son exposition. 
Le narrateur y raconte tout ce qui est tu d’ordinaire, par honte, bienséance ou habitude et ce n’est jamais gênant. Je l’ai trouvé simplement juste, vrai, précis et toujours  plein de réalisme, avec une pointe d’humour et beaucoup d’autodérision. 
Fils d’une mère castratrice et d’un père très aimé mais absent pour faits de guerre, il est sujet à des peurs paniques durant son enfance  jusqu’au jour où il  décide de tout dire dans son journal et de vaincre ainsi ses peurs. Il se permet tout alors, comme ces deux pages  consacrées  à la mort de sa nounou bien aimée où il répète indéfiniment: «Violette est morte, violette est morte» suivi de sa décision de ne plus se nourrir. 
Comme toujours chez Pennac, on tombe souvent sur des épisodes admirables qui étonnent, déconcertent ou font sourire. J’ai surtout aimé la dernière partie quand vraiment son corps n’en finit pas de perdre petit à petit tous ses moyens, sans doute est-ce plus nouveau que les récits d’enfance,  même si ceux-ci ne se focalisent que  sur les souvenirs corporels.  A travers des remarques assez anodines  comme sur un détail de mode par exemple, c'est  derrière le miroir qu'il passe pour relever les travers d'une société qui se cache et se rassure à la fois  derrière les apparences. 
Le nombre de barbus de trois jours à cette soirée de quadragénaires ! Curieuse époque, tout de même, la moins aventurière qui soit, assureurs, avocats d’affaires, banquiers, communicants, informaticiens, boursicoteurs, tous salariés d’un monde virtuel, tous en surcharge pondérale, sédentaires à en trouer le plancher, le cerveau confit dans leur sabir d’entreprise, mais des têtes de baroudeurs, tous,   retour d’expédition, fraîchement revenus du Ténéré ou redescendus de l’Annapurna, au moins. Bref, la mode par antiphrase. 
C’est un livre très réussi que j’ai beaucoup apprécié, comme l’ont fait Clara, Brize, Véronique, Mirontaine, Valérie, Cécile, Journal d’un corps, Daniel Pennac ( Gallimard, 2012, 400 pages)

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