Un homme arrive au Caire. C'est un émigré qui a quitté son pays depuis fort longtemps et alors qu’il est dans l’aéroport, il cogite sur ce retour, il appréhende l’univers qu’il va découvrir ou redécouvrir, sa famille. Les tracasseries policières sont un indice de l'adversité à laquelle il va être confronté. Un taximan à la sauvette le récupère pour le conduire vers la demeure familiale. Notre homme, dans ce taxi, contemple la ville capitale métamorphosée quand il fait soudain un malaise et tombe dans les pommes.
A son réveil, il est installé dans une chambre quelque part dans la ville, dans une maison d’hôtes. Le taximan a disparu. Ses affaires et sa mémoire ont pris leurs jambes au cou et se sont barrées. C’est dans cette maison d’hôte tenue par Sett Baheyya avec ses résidants multiples et aux profils variés que notre homme va tenter de retrouver son identité.
Je m’attendais en lisant le titre de ce livre (je n’accorde que très peu d’intérêt à la quatrième de couverture) à une exploration de la plus grande ville africaine. Une plongée dans les bas-fonds ou dans les quartiers chics cairotes. Mais Khaled Osman m’a surpris en centrant son texte sur la reconstruction de l’identité de ce migrant de retour au bercail. Le lecteur sait grace à l’introduction que le personnage est amoureux des lettres et de la poésie arabe. Et la reconstitution de ses bribes de mémoires se vautre dans le principe ressassé que la culture est ce qui nous reste quand on a tout perdu. D’ailleurs, cette amnésie n’est-elle pas une forme de refus du réel pour l’option de l’évasion, de l’idéal que la fiction rend possible parfois, l’esthétique du cri porté par le poète qui rend le quotidien plus supportable.
C’est cette intériorité que Khaled Osman choisit d’explorer. C’est aussi, malgré les dégradations des conditions de vie au cœur du Caire, de la corruption, un hymne à la solidarité, au partage, un rapport à l’autre que le personnage, dont on a perdu le prénom et renommé Nassi (l'oublieux) par les pensionnaires de Sett, semblait fuir quittant l'Europe et revenant en terre natale. L’atmosphère de cette maison d’hôte est-elle trop enjolivée, portée par de trop bons sentiments ? Chacun se fera son idée. C’est dans cet environnement quasi-familial et désintéressé que l’oublieux a la possibilité de se reconstruire alors que la sécurité d’état égyptienne a lancé contre lui ses limiers les plus tenaces pour retrouver un infiltré venu semer la zizanie en Egypte. Est-ce lui?
Le Caire à corps perdu est un roman intéressant qui parlera aux amoureux de la littérature, à ceux qui sont peuplés par les mots des autres et qui ont du mal à définir leur propre sillon.
Bonne lecture,
Khaled Osman, Le Caire à corps perdu
Editions Vents d’ailleurs, 1ère parution en 2011
Je vous conseille de lire l'interview que Khaled Osman a accordé au journal El Watan