A propos de Le grand soir de Gustave Kervern et Benoît Delépine
Benoît Poelvoorde, Albert Dupontel
Benoît, alias « Not » (Benoît Poelvoorde) est un punk vieillissant qui traîne ses chaussures montantes et son chien dans les rues de Bègles. Il échoue dans une zone commerciale, à proximité d’un restaurant tenu par ses parents (Brigitte Fontaine et Areski Belkacem) et d’un magasin de literie dans lequel son frère Jean-Pierre (Albert Dupontel) travaille comme vendeur. Lorsque Jean-Pierre s’aperçoit que « Not » ne quitte plus la zone commerciale, il le met en garde qu’il n’hésitera pas à prévenir la sécurité et à le chasser à la moindre histoire. Mais les problèmes personnels et professionnels du frère de « Not » s’accumulant, Jean-Pierre décide de tout quitter et de rejoindre son frère dans son mode de vie et un périple périlleux. Au grand désespoir de leurs parents…
Cinquième long métrage de Gustave Kervern et Benoît Delépine, Le grand soir (dont ils signent également le scénario) est non seulement la confirmation que l’inspiration de l’ancien duo « grolandais » ne tarit pas mais l’affirmation de leur style.
On sent d’ailleurs, comme dans Mammuth, l’urgence des deux réalisateurs de créer, dans le côté granuleux, un peu sale et sur-éclairé de leur image. Comme dans leurs films précédents, Le grand soir décrit la trajectoire incertaine de deux personnages abîmés par l’existence, deux frères inadaptés ici à la société et que l’on qualifierait péjorativement de « marginaux ».
Jean-Pierre a pourtant tout du quadragénaire rangé au début du film. Père de famille sérieux, salarié d’un magasin de literie, rien ne semble prévoir que son existence va imploser. C’est pourtant ce qui se produit quand son patron raille ses capacités commerciales et menace de le licencier s’il n’améliore pas ses ventes. La goutte d’eau fait déborder le vase de Jean-Pierre lorsqu’il réalise que ses comptes ont été siphonnés par sa femme. Alors, toute sa vie bascule brusquement. Jean-Pierre « pète un plomb » et rejoint son frère dans sa roue libre en devenant lui-même un punk. Ensemble, ils vont connaitre l’errance et programmer la « révolution ».
On se souvient que Mammuth et Louise-Michel n’étaient pas des pures comédies mais plutôt des chroniques douces-amères teintées d’absurde et de loufoque sur des gens qui « merdent ». Peu étonnant donc que dans Le grand soir, l’humour soit grinçant et qu’on ne rit pas aux éclats ni à gorge déployée. Aux frasques et à l’excentricité du duo comique (et qui s’entend à merveille) formé par Dupontel et Poelvoorde fait écho la perdition dans laquelle semble sombrer chaque jour davantage leur mère (Brigitte Fontaine), dépassée par les évènements pour ne pas dire à côté de la plaque.
Qui sont Jean-Pierre et « Not » et que cherchent-ils ? Leur désir de faire la révolution (tout brûler pour mieux reconstruire) et la rage qu’ils portent en eux renvoient à une forme de frustration et à un désir de revanche sur la société qu’ils ne contrôlent pas. La scène du mariage en dit long sur leur côté « barré » mais aussi la violence qu’ils portent en eux. Sans que leur projet ne paraisse très abouti…
C’est là que le bât blesse. La folie de ces deux personnages s’accompagne d’une forme d’aigreur non maitrisée et qui ne fait pas vraiment rire. C’est ce qui rend le film et ces deux portraits plus profonds que la simple comédie déjantée qu’il semblait annoncer.
Avec son cortège de fous, son lot de personnages étranges (Bouli Lanners et Gérard Depardieu dans des rôles respectifs de vigile et de voyant) tantôt à la dérive, tantôt illuminés, Le grand soir confirme la belle trajectoire du duo de réalisateurs, bien aidés par un solide duo d’acteurs principaux et les compositions originales de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem. En espérant que la suite soit du même tonneau…
http://www.youtube.com/watch?v=hXks0xSg9kA
Film français de Benoît Delépine et Gustave Kervern avec Benoît Poelvoorde, Albert Dupontel, Brigitte Fontaine, Bouli Lanners, Areski Balkacem… (1 h 32).
Scénario de Gustave Kervern et Benoît Delépine :
Mise en scène :
Acteurs :
Dialogues :
Compositions de Brigitte Fontaine, Areski Belkacem et des Wampas :