Cronenberg décide d’adapter le roman « sulfureux » de DeLillo. Roman jugé inadaptable car dense et surtout métaphysique sur bien des points. Et le pari est audacieux : trois quarts de l’action se passe dans une limousine équipée haut de gamme, surtout côté technologie, tourne autour de dialogues souvent surréalistes, avec un personnage central froid et blasé comme peut l’être n’importe quel capitaliste omnipotent.
Le choix de l’acteur était primordial, et avouons le, quand j’ai vu que Robert Pattinson était celui retenu, j’ai eu des doutes. Certes pour jouer un vampire sexy dans Twillight, pourquoi pas, mais là, on parle d’un rôle intense, et surtout central : tout le film sur ses épaules ! Mais d’un autre côté, je me suis dit que Cronenberg savait ce qu’il faisait, et qu’un géni du cinéma comme lui avait surement vu ce que nous ne sommes pas en capacité de ressentir. Et bien, autant le dire : Robert Pattinson est un excellent acteur ! Il y a du Brando dans son jeu, mais surtout une élégance formelle qui offre un cynisme au personnage qu’il était difficile d’imaginer atteindre.
Passant de scènes de culbutes (le personnage central se shoote au sexe et au brandy) à des purs moments de surréalisme assumé (procession mortuaire pour un rappeur, anarchisme cathartique au cours d’une manifestation, examen prostatique dans une limousine, etc…) le film dresse un portrait clinique et froid de notre monde. Et c’est en cela que le film est dérangeant : il nous interroge sur nous même, sur « de quel côté de la barrière nous nous trouvons ».
Sommes nous aussi insatisfait de notre société au point de la changer ou juste envieux et donc prêts à tout pour faire partie d’une élite nauséabonde ? Avons-nous une réelle cohérence dans nos haines ou ne sont-elles que des dérivatifs de nos propres peurs ? Orientons nous sereinement nos tristesses ou sommes nous sélectif au point de préférer pleurer la mort d’un seul plutôt que celle de milliers ? Voilà quelques questions (parmi d’autres) que soulève le film.
Avec une maitrise du rythme (volontairement lent), du sens de la mise en scène (sublimant ses acteurs, Amalric et Binoche en particulier) et des effets, le réalisateur réussi là un des meilleurs films de ces dernières années. Le film tétanise par son horreur réaliste décrite, nous triture l’égo et frappe là où cela fait mal, à condition d’accepter que ce morceau d’anticipation d’une mort du capitalisme est aussi celui de l’interrogation du sens de notre vie. Car qu’est Pattinson si ce n’est l’incarnation parfaite de notre égoïsme / égotisme ?
A voir donc, pour moi, et de toute urgence.