Et les regards se tournent sur la même personne, Angela Merkel.
Crise espagnole, confiance française
L'Espagne ne pouvait plus emprunter. La nouvelle était une catastrophe malheureusement attendue depuis des semaines dans la zone euro. Le ministre espagnol du Trésor a reconnu, mercredi, que les taux d'emprunt étaient hors de prix pour son pays: « La prime de risque signifie que l'Espagne n'a pas d'accès au marché ». Vendredi dernier, l'écart de taux entre l'emprunt d'Etat espagnol à dix ans et son équivalent allemand atteignait le niveau record de 548 points de base.
Ce jeudi, Madrid avait quand même pu emprunter un à deux milliards d'euros. Le pays n'avait pas encore sollicité d'aide européenne. Le Parti Populaire Européen, à qui appartient l'UMP au Parlement européen, a réclamé 80 à 100 milliards d'euros pour sauver les banques espagnoles, plombées par la crise immobilière.
En France, le clan sarkozyste promettait le sort de l'Espagne à la France si Hollande remportait l'élection: « Vous voulez la gauche, vous aurez la crise comme en Espagne » promettait Nicolas Sarkozy. Mais ce vendredi, l'agence franco-américaine Fitch a préféré dégrader la note espagnole de trois crans, mais pas la française. Après Moody's, Fitch a également jugé le plan français de redressement des finances publiques « crédibles ». Quelle mauvaise nouvelle pour ... l'UMP.
Les mauvaises recommandations de Mme Merkel
Mercredi, le gouvernement écrivait à son homologue français qu'il refusait d'ajouter un volet sur la croissance au pacte budgétaire. La missive était secrète, mais fut révélée par le Monde. Le texte était titré « Plus de croissance en Europe : emplois, investissements, innovation ».
Prenant exemple sur le le Canada, la Finlande, les Pays baltes et l'Allemagne avant la Grande Crise, le ministre allemand des finances a décrit la formule miracle: « Par le biais d'une consolidation favorable à la croissance, les déficits publics ont pu être réduits, une vigoureuse croissance économique a été dans le même temps rendue possible, des réformes sur le marché du travail ont provoqué une augmentation soutenue du nombre d'emplois.»
Mme Merkel a toujours ses solutions miracles pour sauver l'Europe: il faudrait d'abord « lutter contre le chômage des jeunes », « renforcer les entreprises en rendant l'administration plus efficace », via notamment « des privatisations nécessaires ». Tout juste accepte-t-elle l'utilisation de 7 milliards d'euros de fonds structurels pour lutter contre le chômage des jeunes. Mais pas question d'investissement publics européens (« il est important de faire appel à plus de capitaux privés »).
A Washington, le président américain a pris son téléphone, ces derniers jours, pour débloquer la situation. Un porte-parole de la Maison Blanche a expliqué vendredi que « les dirigeants se sont accordés sur l'importance de mesures à prendre pour renforcer la résistance de la zone euro et la croissance en Europe et dans le monde, et se sont mis d'accord pour rester en contact ».
La croissance, toujours la croissance.
« Créée à Athènes, aggravée à Berlin »
Angela Merkel était isolée. Elle joue sa réélection dans 10 mois. Le parti social-démocrate allemand a récusé ses propositions jugées insuffisantes. Pour le satisfaire, la chancelière allemande s'est précipitée à accepter le principe d'une taxe européenne sur les transactions financières internationales dans la journée de vendredi, lors de la venue de David Cameron. Mais ce dernier y est hostile. Retour à la case départ...
Angela Merkel n'avait sans doute pas envie de lire The Economist. L'hebdomadaire britannique, pourtant libéral, faisait sa une sur un dessin humoristique figurant un cargo baptisé « Economie mondiale » en train de couler au fond de l'océan; de la cabine de pilotage venait une question: « S'il vous plaît, pouvons commencer à démarrer le moteur, Mme Merkel ? »
L'éditorial débutait par un sinistre constat pour la chancelière allemande: « L'économie mondiale est en grave danger. Beaucoup dépend d'une femme.» Et d'ajouter: « quand des gens sont prêts à payer le gouvernement allemand pour le privilège de détenir sa dette à deux ans et prêter au gouvernement américain à 10 ans pour un rendement inférieur à 1,5%, ils s'attendent à des années de stagnation et de déflation ou ... un immense désastre.» L'hebdomadaire accusait directement Angela Merkel d'être co-responsable d'une nouvelle Grande Crise, en pointant trois erreurs pour lesquels « l'essentiel du blâme revient à l'Allemagne »: « l'obsession d'austérité; la succession de plans de sauvetage à moitié soutenus; le refus d'une stratégie claire d'intégration fiscale et bancaire ».
Bien sûr, rien n'est gagné. Mme Merkel peut s'obstiner, ruser, bloquer.
Vendredi, elle a tenté de reprendre l'initiative, évoquant la nécessité de constituer rapidement une union politique.
Sans blague ?
Et qui va gouverner ?