Mais quelle mouche a donc
bien pu piquer Ayrault pour aller proclamer cette règle absurde qu’un ministre
battu aux législatives se devait de quitter (piteusement) le
gouvernement.
Faute d’un argumentaire précis de la part du premier ministre de Hollande,
je vais m’en référer à celui que nous avait asséné en son temps le premier
ministre de Sarkozy, sur ce point, au moins, les deux hommes doivent avoir un
avis assez proche.
En effet, en 2007, Fillon nous avais sorti la même ineptie, en la justifiant
de la manière suivante : « En démocratie, on choisit des hommes
et des femmes, on les envoie siéger au Parlement pour représenter le peuple, et
parmi ceux qui siègent au Parlement, on choisit les ministres »….
« Je suis très attaché à ce que les membres du gouvernement aient la
légitimité non pas seulement de la nomination, mais de l'élection. On ne peut
pas avoir la responsabilité de conduire un ministère et ne pas avoir la
confiance des habitants de son territoire » avait-il
ajouté.
Je ne sais pas si Ayrault pense tout à fait la même chose mais à l’époque
j’avais trouvé ce genre de justification pour le moins contestable. Avec cet
argument, on tombe dans l’absurde et l’incohérence la plus totale.
Tout simplement parce dans la forme que prend la démocratie en France, dans
le cadre de la 5ème république, c’est le Président de la République qui choisit
ses ministres pour appliquer le projet sur la base duquel il a été élu
!...rien, absolument rien n’impose d’aller les pêcher au sein de l’Assemblée
nationale, à plus forte raison lorsque celle-ci est constituée après la
formation dudit gouvernement. La légitimité des membres du gouvernement est
évidemment étroitement liée à celle du Président de la République, il n’y a pas
besoin d’y rajouter une pseudo-légitimité basée sur le vote de quelques
électeurs dans des circonscriptions souvent sans danger !
D’autant plus sans danger qu’avec cette menace on voit mal un fraichement nommé
ministre aller prendre le risque de tout perdre en se présentant dans une
circonscription qui ne lui soit pas déjà acquise…comme celle ou se présente
Duflot par exemple !
C’est donc clairement une incitation au parachutage ce qui fait perdre tout son
sens à la fois à la notion de «confiance » et à celle « de son
territoire ».
En outre, il existe une séparation entre le législatif et l’exécutif et
exiger que les ministres soient élus députés constitue un mélange des genres
tout à fait préjudiciable à cette nécessaire séparation des rôles.
Le Parlement, même du même camp, est censé contrôler l’exécutif et non pas le
noyauter, même si ce noyautage s’effectue à travers un obscur suppléant auquel,
à peine élu, on a laissé sa place.
Tiens, prenons le cas de Duflot, suite aux accords avec le PS là voilà qui
s’est fait accordé une circonscription facile, de longue date à gauche. Or,
pour ne pas trop froisser la député PS sortante, celle-ci a été nommée
suppléante de Duflot. On se retrouve donc avec la situation ou les électeurs
vont voter pour une candidate Verte et bien verte puisqu’il s’agit de la
Secrétaire Générale de EELV mais en fait ce sera une socialiste qui siégera à
sa place avec d’autant plus d’autonomie que Duflot sera contrainte à un strict
respect de la discipline gouvernementale.
D’ailleurs de nombreux ministres d’un des gouvernements Fillon n’étaient pas
députés (Lagarde, Kouchner, Mitterrand, ….) et que je sache, leur légitimité
n’a jamais été contestée…du moins pas pour cette raison !
Enfin, le risque est fort que dans certaines situations, les intérêts locaux
l’emportent sur les intérêts nationaux et que ces responsables nationaux soient
tentés d’utiliser leurs prérogatives pour favoriser des intérêts de leur
circonscription qui leur assurerait une ré-élection post-gouvernementale
!
Accessoirement, cela a pour effet immédiat, qu’un ministre à peine nommé
doit se consacrer à sa campagne pour les législatives, comme s’il n’avait pas
mieux à faire !
Et pour ceux qui évoqueraient la situation éphémère d’un pauvre ministre
sans travail dont on a retiré le portefeuille, je rétorquerais que c’est le
propre de toute fonction politique et qu’un ex ministre n’a que rarement à s’en
faire pour son avenir.
Bref, la règle qu’aurait du édicter Ayrault et qui aurait résolu toutes ces
questions, ce n’est pas « ministre
battu, ministre foutu » mais qu'entre ministre et député il faut
choisir.