Sortez les fusils taxatoires : la traque de l’exilé fiscal commence !

Publié le 07 juin 2012 par Copeau @Contrepoints

L’État a faim. Il a deux solutions : réduire son tour de taille, ou manger plus. Grâce au retour miraculeux des politiciens providentiels de la gauche qui marche sur l’eau mais sait rester normale, nous ne sommes plus en période d’austérité. La réduction du tour de taille n’est donc pas à l’ordre du jour. Pour l’État, il faudra donc manger plus…

Et pour « manger plus », l’État, comme tout organisme papivore, va donc à la chasse.

Il pourrait y aller comme un vendeur de tapis tente de fourguer son produit en sonnant à chaque porte, en vantant son épaisseur, la qualité de son tissage et en se prenant, une fois de temps en temps, un bon vent des familles lorsque le client putatif a autre chose à faire qu’écouter ses boniments. Mais l’Etat ne procède pas comme ça, en réalité. Et puisque nous parlons vendeur de tapis, on peut immédiatement introduire Xavier Bertrand qui, dans une interview passée relativement inaperçue, déclare cette vérité si évidente :

« Je sais où se montent les dossiers, je sais où il y a de l’argent, je sais à quelles portes il faut taper. »

Ici, ce n’est pas le VRP qui parle, mais le futur ex-homme d’État : l’argent, il existe, on sait où il se trouve, et on sait à quelle portes, dans quels portefeuilles et sur quelles mâchoires il faut taper pour l’extraire promptement.

Cette attitude, décontractée, assumée, logique de la part de ces gens qui n’ont vécu que pour, justement, pouvoir regarder dans les poches des autres, se retrouve à tous les échelons du pouvoir. Après tout, ce fameux pouvoir, c’est, en définitive, celui d’utiliser la force, soit pour défendre la veuve, l’orphelin, la République et les petits fours pour les réceptions à l’Élysée, soit pour s’assurer que le moutontribuable ne ruera pas dans les brancards lorsqu’on va le tondre.

Et en cette période difficile où les mauvaises nouvelles s’accumulent autant que manque l’argent dans les caisses publiques, l’un des groupes de moutontribuables qui agace le plus l’État et ses sbires est bien celui des expatriés.

L’État a déjà fait ses petits calculs. Plusieurs fois.

Tout d’abord, le premier élément évident, c’est que l’État français a tant fait pour ces expatriés ! Il leur a fourni, rappelons-le, une Éducation de Qualitay, que le monde entier nous envie au point de ne surtout pas la copier. Il leur a fourni des cadres d’études, d’épanouissement et de vie absolument magnifiques, avec du monument classé par ci, de la culture millénaire par là, du phare du monde moderne et de la liberté qui guide le peuple ici, là et là, et — surtout — des penseurs philosophiques d’un calibre inégalable comme les célèbres frétillants abrutis BHL, Onfray, Généreux, Attali, Badiou, ou même le trio naphtaline de fossoyeurs momifiées, Hessel, Morin et Rocard… L’État aura tôt fait de rappeler que sans sa Sécurité Sociale en platine massif, les petits bébés français qui se sont ensuite lâchement expatriés n’auraient pas été vaccinés, qu’ils seraient morts de dysenterie, de choléra ou de peste bubonique (au moins). L’État aura raison de souligner que ces fuyards fiscaux n’auront jamais assez de leur vie pour rembourser les montagnes d’argent, de travail et d’abnégation qu’il aura fallu mobiliser pour faire d’eux des hommes raffinés et subtils comme un Fabius taclant Obama sur les prémices de la crise économique !

Autrement dit, l’État a investi pour vous, expatriés. Il a misé un gros paquet de biftons sur votre tête en pariant que vous alliez rapporter un maximum à votre pays, et voilà-t-y pas que vous partez, bandes d’ingrats ! Car oui, surtout, un expatrié, c’est un Français qui ne paye pas d’impôts. Enfin, qui en paye dans un autre pays, ce qui est une honte ! Tout ce bel argent gagné là-bas et dépensé là-bas ne profite pas à l’économie d’ici, et quelque part, c’est un peu un affront de la part de ces Français de laisser tomber leur mère-patrie qui a tant fait pour eux !

Bref.

Disette financière. Économie en déroute. Perspectives moroses. Il n’y a que deux solutions : se ressaisir et relancer la machine, donner un vigoureux coup de rein pour lancer le pays vers de nouveaux horizons avec des matins qui chantent et du Ricoré à gogo. Ou cogner sur les expatriés, ça marche aussi, à court terme.

Une telle idée, aussi idiote que délétère, ne pouvait germer que dans le cerveau malade d’un xénophobe. Par nature, les thuriféraires de l’État français sont xénophobes (eh oui : les étrangers, et les états étrangers encore plus, ne sont tous que des enquiquinements pénibles dans l’acquisition du pouvoir, après tout : ce sont des compétiteurs).

Sur le marché politique, Mélenchon fut donc le premier à lancer ouvertement l’anathème sur les expatriés, « traîtres à la Nation » : en effet, bien que ne bénéficiant plus de ses services publics pourris et bien que payant leurs impôts dans leur pays de résidence pour d’autres services publics parfois nettement moins pourris, ces margoulins devraient payer, encore, des impôts franco-français histoire de bien sentir le lien charnel et financier les retenant à leur nation, non mais. Au passage, on notera que le socialisme et le nationalisme, c’est d’abord une histoire de pognon…

Dans la surenchère baveuse de la campagne présidentielle, le méluche à poil dru a bien vite été rattrapé par la mimolette à pâte triste qui a proposé d’aller chasser l’exilé fiscal sur les terres suisses, luxembourgeoises et belges. À la suite de quoi, tout le monde s’en est donné à cœur joie et ce fut rapidement la course à l’échalote de celui qui allait trouver l’idée magique pour ratiboiser le plus efficacement les riches citoyens d’outre-France, y compris ceux qui, frontaliers, ont le culot d’aller bosser dans des pays limitrophes et d’utiliser le différentiel de niveau de vie à leur avantage, les fats.

Il est important de souligner que si Mélenchon fut l’un des premiers à lancer l’idée de choper de l’exilé par la peau des fesses, il n’avait fait en l’occurrence que reprendre une idée américaine. L’anti-américanisme habituel doit céder la place au pragmatisme fiscal lorsqu’il s’agit de détrousser les compatriotes cossus, surtout lorsque l’incertitude des finances de l’État pèse sur les émoluments des élus. Eh oui : l’idée d’imposer au-delà de ses propres frontières nous vient donc d’un Oncle Sam que pourtant on nous dépeint toujours comme ultralibéral (comprenne qui pourra).

Concrètement, la situation américaine est à ce point ubuesque que certains préfèrent carrément abandonner leur nationalité devant le fardeau taxatoire débile. Les politiciens ont beau jeu ensuite de fermer leurs petits poings et serrer leurs petites mâchoires en éructant menaces et quolibets, le résultat de la manœuvre est clair : le pays n’y gagne rien, la nation perd un créateur de richesse, les finances publiques s’étiolent et les tenants de la chasse aux riches se retrouvent gros-jean comme devant, ce qui est très rigolo (mais coûteux).

Pour le moment, en France, nous n’en sommes pas encore là puisque les lois fiscales correspondantes ne sont pas encore passées.

Mais la Gauche Miraculeuse et son Leader Charismatique Normal, d’ailleurs suivis en douce par la Droite La Plus À Gauche Du Monde et ses Leaders Pléthoriques, n’en resteront pas là, soyez-en sûr : il faudra bien, d’une façon ou d’une autre, que tous ces riches expatriés qui ont découvert que l’herbe était bel et bien plus verte hors de France payent pour l’impudence de leur découverte !

Quant à vouloir mettre en œuvre les conditions minimales pour que les expatriés reviennent, volontairement, dans le pays, il n’en est pas question ! Ce serait une double trahison puisqu’on admettrait ainsi que ces renégats avaient raison en premier lieu, et on laisserait impuni leur insolence anti-républicaine !

La conclusion est évidente : la chasse est ouverte, et tout montre qu’elle ne se fera pas au petit calibre.
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