Personne sans doute. À moins de vivre retiré sur une île déserte privée de tout média. Donc vous avez forcément entendu parlé de la performance (raclements de gorge appuyés) de Robert Pattinson et lu quelques bafouilles sur l’adaptation du roman de Don DeLillo (heu ? on fait tous comme si on le connaissait, mais en fait c’est qui ce mec ??? perso je confesse, je suis totalement inculte sur ce coup là).
Curiosité oblige et aussi envie de ne pas gâcher les dernières places de ma carte d’abonnement ciné (ben oui, il me reste encore 5 films à voir d’ici qu’elle soit périmée le 11 juin, alors c’est un peu marathon ciné ces jours-ci) je décide de m’embarquer pour une séance VO de COSMOPOLIS.
Malheur à moi ! Belle & Cultivée nous avait bien mis en garde avec un très médiocre 10/20… Je serai beaucoup moins généreuse !
Indéniablement se trouver en compétition officielle au festival de Cannes n’est PAS une garantie de qualité.
J’avais assez apprécié eXistenz, j’ai détesté COSMOPOLIS. J’ai cru mourir d’ennui. D’ailleurs la salle déjà peu remplie a vu pas mal de spectateurs la déserter avant l’épilogue.
La première partie est un huis clos sordide dans une limousine “proustée”. Et là ça se veut intello. Au fait pardon, on ne parle pas de limousine ici, mais de limo s’il te plait ! Putain tu la vois la super référence, non, sans déc’ : “prouster” sa limo tu vois, l’insonoriser avec du liège pour tenter de la couper du bruit de la ville tel Marcel Proust protégeant sa chambre des perturbations du monde extérieur… Wahou, trop profond !
LA limo blanche omniprésente
Et attention, ça ne s’arrête pas là. Déjà qu’est-ce qu’on fiche pendant plus d’une heure dans une limo ? (Enfin une heure pour nous spectateurs, facilement les 3/4 de la journée pour Paker-Pattinson.) Simple conséquence à l’envie obsédante d’une coupe de cheveux de la part du golden boy milliardaire (alors que la circulation est quasi impossible)… Enfin milliardaire en sursis. Non parce que tu vois il n’a pas su anticiper la chute du yuan tu vois.
Alors voilà la limo avance à deux à l’heure dans toute la ville, parce que le coiffeur il est à l’autre bout de la ville et qu’il y a plein d’embûches pour freiner Paker-Pattinson. Genre l’enterrement d’un ponte du rap (en plus il en super fan notre Eric Paker, au point qu’il a fait installer sa musique dans l’un de ses deux ascenseurs privés, trop stylé quoi) , la venue du président des Etats Unis (mais en fait t’apprends qu’il est vachement moins important et moins puissant que Paker dans ce monde capitaliste près à s’effondrer), une manif’ avec des rats omniprésents (chouette moment : on peut assister à un joli lancer de rongeurs dans un bistrot!) et l’ombre d’une menace de mort qui plane sur le héros (enfin si on peut appeler ça un héros).
Les rats, symbole des manifestants et du déclin de la société…
La pauvre limo saccagée
Dans la limo proustée petit défilé de personnages pour faire passer le temps.
- Deux associés mâles du golden boy, deux associés “femelles” (sans doute pour promouvoir l’égalité des sexes et occasion de débattre de l’économie, du capitalisme, tout ça quoi),
- une ancienne conquête galeriste (prétexte à une scène de cul sans intérêt avec Juliette Binoche et discussion éthérée sur l’impossible achat d’une “chapelle” sans prix, oeuvre qui doit rester accessible au public, oooohhhhh comme s’est profond, oui profond sera MON ADJECTIF PRÉFÉRÉ pour décrire ce chef d’oeuvre),
D’abord du sexe cru à l’arrière de la limo…
…et discussion profonde sur l’art, le sens de la vie et l’argent !
- un médecin (histoire d’un check-up quotidien, électrocardiogramme en règle [et là tu peux admirer ses trop belles ondes cardiaques magnifiquement régulières] et l’auscultation de la prostate la plus longue du siècle (du coup après le coiffeur, les rats et le yuan, la prostate asymétrique devient un des autres termes récurrents du film, youpi!),
- un pote du rappeur décédé (presque un saint homme ce chanteur, des derviches tourneurs accompagnent son cortège funéraire et on apprend qu’il a même vécu dans le minaret qu’il avait fait construit à côté de sa demeure, encore des infos ultra utiles à l’intrigue, si intrigue il y a).
Ouf de temps en temps la caméra nous entraîne en dehors du véhicule.
On ne sait comment la voiture se retrouve plusieurs fois sur le chemin de la femme officielle (et richissime, il va s’en dire) de mister Paker. La limo n’arrive pas à avancer mais la belle épouse(toujours pâle comme la mort et semblant sur le point de défaillir) elle a l’air de pouvoir aller où elle le souhaite sans encombre (genre dans sa bibliothèque, au théâtre et Cie).
“Oh tu fumes ! Je ne le savais pas”… profond je te dis !
Du coup Paker sort de temps en temps de son embarcation, le temps d’aller manger avec sa femme (enfin lui il mange, elle vois-tu n’a jamais faim, sinon comment conserverait-elle son teint diaphane ?…).
Trois repas partagés, mais à aucun une bouchée elle n’avalera… Tu vois elle refuse de manger, elle refuse de coucher… Intello on te dit !
Encore de joyeux dialogues, très profonds. (Mais non je ne suis pas ironique du tout). Il fait ce qu’il peut pour essayer de la convaincre de consommer leur union. Echec sur toute la ligne “sois gentil” lui répète-t-elle inlassablement et “tu sens le sexe“. Lui “mais non chérie, ce que tu sens c’est mon désir pour toi.” Ben voyons, ça et le fait qu’il se tape tout ce qu’il peut : La Binoche-galeriste, son garde-du-corps-sexy-aux-gros-seins et prend limite son pied avec son assistante qui astique sa bouteille d’eau pendant que lui subit la vérification de sa prostate (le fameux organe asymétrique).
Tu la sens ? La tension sexuelle pendant l’auscultation…
Paker en joue, souhaite se prendre une décharge de 100 000 volts, mais rien à faire, la belle ne tire pas… Quelle déception.
Là encore, la vache. C’est fou ce que ce film ne cesse de m’épater de profondeur. Vous aussi vous voyez tout le paradoxe. Toutes les femmes sont à ses pieds. Sauf la sienne. Qui finira d’ailleurs par rompre leur union sans s’être jamais offerte à lui. Quelle force, quel symbolisme, quelle réflexion ! Ah oui, j’allais oublier, quelle PRO-FON-DEUR !
Et puis au moment où les premiers spectateurs quittent la salle, l’action quitte la limo.
- Un entartrage (par Mathieu Amalric) assez moyen (encore une parabole : la menace peut devenir réalité à tout moment et toucher sa cible !),
Oh ! un rare moment d’action !
L’entartreur maîtrisé, entre deux diatribes et un passage à savon.
- un meurtre devant un terrain de basket (faut bien se débarrasser du garde du corps trop protecteur),
- une demi coupe de cheveux (scène à moitié nostalgique et sentimentale sur l’enfance de Paker),
“Tu te rappelles quand t’es venu ici la 1ère fois avec ton papa?” Et “Tu veux manger mes aubergines ?”
- une révélation : on apprend enfin où dorment les limo la nuit (autre question qui hante le golden boy)
- et alléluia enfin LA rencontre avec LE mec qui en veut à la vie du milliardaire dépressif et déprimant.
Tellement autodestructeur et en quête de sensation qu’il se tire une balle dans la main !
Vu que j’ai déjà raconté 99.99 % du film, je ne conterai pas la fin et j’omets aussi consciemment deux-trois détails hautement capitaux. Faut juste savoir qu’en cette funeste conclusion l’asymétrie de la prostate prend enfin toute son importance ! Trop fort. (Le livre était peut être bien, mais porté à l’écran, cette critique parabolique de notre société ne vaut pas grand chose…)