L'écrit, l'oral et le numérique

Publié le 07 juin 2012 par Fmariet

Greta Komu-Thilloy, Anne Réach-Ngô, L'Ecrit à l'épreuve des médias du Moyen Age à l'ère électronique, Paris, Classiques Garnier, 2012, 514 p. Index, 48 €
Ensemble de 24 contributions confrontant l'écrit aux médias. Expériences diverses, de diverses époques, le récent étant souvent confronté à l'ancien pour qu'émergent les propriétés peu visibles. L'ensemble fait voir la complexité et la variété des expériences de l'écrit que le numérique stimule et parfois met à jour, révèle.
A titre d'illustration, voici évoquées quatre de ces contributions.
  • "Les petits riens du quotidien". Les documents écrits sur écorces de bouleaux (beresta ou gramota) échangés en Russie (Novgorod) du XIe au XVe siècle. L'auteur, Marion Appfel, les rapproche des SMS : brièveté, oralité transportant indifféremment des messages de gestion et des messages de sentiments, "du phatique à l'émotionnel".
  • "Le traficotage des textes"et "la markétisation de la littérature". Olivier Bessard-Banquy traite du marketing littéraire, c'est à dire du retravail d'un texte d'auteur chez l'éditeur pour l'adapter à la cible : le "grand public" littéraire (femme, citadine, CSP+) et sa presse. Points culminants de cette markétisation : Paul-Loup Sulitzer et Harlequin. Standardisation, calibrage, travail de nègres. Contre cet appauvrissement, il y a pour les auteurs et les lecteurs la solution des petites maisons d'édition et les publications sur le Web. Le Web peut se constituer un espace de liberté littéraire. Mais l'auteur veut y ajouter des éditeurs pour sélectionner, affirmant un postulat : "pas d'édition sans éditeurs". Ah!
  • "François Mauriac à l'ère du numérique". Caroline Casseville évoque la publication sur le Web des textes journalistiques de François Mauriac. Comment distinguer journalisme et littérature ? Question préalable que suivent des questions qui font voir ce qu'est la matérialité d'un média : faut-il publier l'article comme une photocopie de la publication originale ? Quel travail d'annotation faut-il effectuer, jusqu'où faut-il aller dans le détail pour rendre lisible aux lecteurs éloignés (de l'époque) ce qui allait de soi pour les lecteurs de la publication originale ? Réflexion féconde sur deux genres dont le voisinage aux XIXe et XXe siècle a donné ses propriétés à l'un et à l'autre (cf. Baudelaire, Zola, Camus, Sartre...). 
  • "Face à l'écran : l'écriture en représentation". Jacques A. Gilbert suit l'écriture dans ses différentes technologies, manuelle, à la machine, avec l'ordinateur. Il pose des questions essentielles sur la relation du corps à toutes ces machines pour écrire (ordinateur, tablettes, smartphone, dictaphones), et les outils qui les ont précédées.
C'est un livre stimulant sur la transition de l'analogique au numérique, un livre qu'il faudra enrichir, reprendre, corriger car on perçoit que les auteurs connaissent mieux les oeuvres de papier que les oeuvres numériques. Le principe même de la confrontation et de l'accumulation d'expériences médiatiques diverses, qui fonctionne comme une variation éidétique, permet de mieux percevoir et approcher l'essence des médias.