Kyrielle, d'après le Petit Larousse Illustré 2006 : n.f. (de Kyrie). Longue suite ininterrompue.
Autant se lever et écrire...
D'abord, se faire un thé. Observer les feuilles aiguilles du kukicha. Elles tombent en pluie de la cuillère de bambou dans la boule à thé en silicone bleu. Régler le timer. Quand le bip-bip amical retentit, verser le liquide dans mon bol vert du Japon. Celui taché par la théine, incrusté dans l'émail tellement je l'utilise. Des marques d'amour et de respect.
Nourrir le lapin. Régler comme du papier à musique, la bestiole ! Dès qu'elle me voit, elle attend sa pitance et une gratouille sur le museau. Opération réussie sans me faire arracher une phalange. C'est un lapin vorpale.
Il y a des risques.
Toujours, dans ma tête, les mots s'agitent, s'animent, dansent et s'accouplent en phrases bâtardes, tordues. A force de les laisser dans leur chaos allègre, de les observer, comme les feuilles du thé, je discerne des formes, des récurrences. Les phrases me paraissent soudain sibyllines. Elle s'enchaînent, une suite ininterrompue.
Une kyrielle jolie, structurée.
Parfois une spirale, parfois, quelques aller-retour, un flash-back. Parfois un ralenti quand elles s'allongent en circonlocutions compliquées. Parfois une accélération. Des phrases courtes, puis juste des mots mitraillettes. Je fais confiance, je suis le mouvement.
Et cette longue kyrielle colorée, joyeuse comme des lampions flottants sur une rivière pour un matsuri d'été, amène dans son sillage, mon histoire. Le récit se déplie, se déroule, suit le flot. La narration s'emmêle, fluide. Tout me paraît facile. J'oublie les heures à chercher de la documentation. J'oublie les heures de cogitation à agencer des pièces d'un puzzle qui refusent obstinément de s'emboîter. Des heures à contempler les trous béants du dit puzzle en cherchant à les glisser à la périphérie, pour ne pas nuire au tableau.
J'oublie les digressions, j'oublie le casse-tête de modéliser dans ma modeste cervelle un champs des possibles infini. Quantique. Des milliers d'arbres immenses avec autant de racines entrelacées que de branches enchevêtrées.
J'oublie les angoisses fébriles, l'envie dévorante.
Moi aussi, je suis le flot de la kyrielle de mots. Elle me guide, amicale, lumineuse, nourricière.
La journée commence bien !
Le projet Japonisme est en collaboration avec mes supers copines Anne et Viny.Copyright : Marianne Ciaudo