♥ ♥ ♥ ♥
« Le monde est une longue narration mais c’est nous qui en ourdissons l’intrigue, grande ou petite. »
L’auteur :
Lídia Jorge est née à Boliqueim dans l’Algarve en 1946. Diplômée en philologie
romane de l’université de Lisbonne, elle se consacre très tôt à l’enseignement.
En 1970, elle part pour l’Afrique (Angola et Mozambique), où elle vit la guerre coloniale, ce qui donnera lieu, plus tard, au portrait de femme d’officier de
l’armée portugaise du Rivages des
murmures (Métailié, 1989).
La Couverture du soldat, 2000 a eu le Prix Jean Monnet 2000 (Cognac)Le Vent qui siffle dans les grues, 2004 a eu le Grand Prix du Roman de l’Association Portugaise des Ecrivains 2003, Premier Prix « Correntes d’escritas » 2004 (Povoa da Varzim, Portugal), Prix Albatros de la Fondation Günter Grass 2006 (Allemagne). (Présentation de l’éditeur)
L’histoire :
Notre monde contemporain, mû par un instinct sauvage de l'avenir, croise dans ce roman un monde plus ancien dans lequel une vieille usine abrite le destin d'une famille nombreuse récemment arrivée d'Afrique. Des mondes apparemment inconciliables que le hasard met en contact par l'intermédiaire de Milena Leandro, l'étrange jeune fille aux yeux de laquelle tout naît pour la première fois et dont la simplicité va tout bouleverser.
Dans un Algarve tragique et sauvage, Milena évolue entre une famille attachée à ses privilèges et à son image sociale et une tribu cap-verdienne vivace pour laquelle la musique irrigue la vie.
Milena nous conduit à travers la mort vers un amour impensable, un crime, une trahison et un silence à jamais scellé. Son regard toujours neuf sur la vie, le bien et le mal, sa vision de la valeur du monde constituent la matière même de ce roman.
Dans son oeuvre, Lídia Jorge fouiIle toujours au plus profond de la cruauté primaire des êtres. Ici, pour la première fois, elle nous découvre la perversité et la lâcheté qui l'accompagnent.
Cet extraordinaire roman a reçu le Prix de l'APE, l'un des prix littéraires les plus prestigieux du Portugal.
PRIX DES LECTEURS 2005 du Salon de la Littérature Européenne de Cognac
Ce que j’ai aimé :
Des mots qui envoûtent le lecteur comme ils envoûtent la jeune héroïne, Milène... Cette jeune fille fragile qui aimerait trouver les mots justes pour dire le monde est touchante de vérité. Parce que les mots sont création, et qui les maîtrisent est maître du monde, proche de Dieu et des anges.
« Elle sentait à l’intérieur de sa tête un nuage en spirale, un carrousel d’informations, de détails proches et lointains, tous pêle-mêle, dont elle n’arrivait pas à extraire l’essentiel devant ces visages plantés autour d’elle dans l’attente de ses paroles alors qu’elle ne leur répondait pas. Elle se dit qu’elle pourrait peut-être faire vite. Elle dépassait parfois le nuage semblable à un carrousel qui tournait, un peu comme un poisson dont la vision circulaire rend tout proche et équidistant, et elle trouait le nuage pour en sortir à toute vitesse. » (p. 50)
Deux familles antagonistes qui n’ont pas le même langage et vont même jusqu’à créer un mot qui les sépare davantage encore : le mot « vague ». Deux vagues ne peuvent pas se rencontrer, l’une efface l’autre. Et pourtant… Deux gouttes vont se frôler, ceci grâce à un personnage étrange : la grand-mère de Milène, venue mourir aux portes de la « troisième vague ». Comme si les personnes âgées se situaient déjà au-delà des mots, au-delà du monde, dans la compréhension. Milène et Antonino vont s’aimer en inventant alors leur propre langage : celui du sentiment.
Un magnifique roman sur le pouvoir créateur des mots mais aussi sur le mal qu’ils peuvent engendrer.
Le style poétique nous emporte au Portugal, le lecteur devient un personnage du roman par l’intermédiaire de cette cousine qui raconte et semble dotée de pouvoirs omniscients. Mais il n’en est rien, elle ne fut que spectatrice et restera étrangère au monde magique de Milène et Antonino, tout comme nous, lecteurs. Nous sommes seulement conscients d’avoir froler les anges et la perfection.
Un roman qui reste gravé dans nos mémoires…
Premières phrases :
« En ce chaud après-midi d’août, le long corps de la Vieille Fabrique était encore là, étendu dans le soleil. Pas intact à proprement parler, puisque déjà à l’époque la toiture verdâtre était gondolée comme si l’ondulation de la mer se prolongeait sur la couverture de l’édifice. »
Vous aimerez aussi :
Autre : La nuit des femmes qui chantent de Lidia JORGE
D’autres avis :
TELERAMA, Michèle Gazier
A l'écrit comme à l'oral, il y a chez Lidia Jorge une patience et une virtuosité de brodeuse, et l'expression d'une sensualité charnelle.
LIRE, Isabelle Fiemeyer
« Prodigieux d'étrangeté, ce long roman mélodieux et sinueux [...] est à l'image de l'œuvre tout entière, labyrinthique, poétique, musical, envoûtant. »
ELLE, Olivia De Lamberterie
"Le Vent qui siffle dans les grues" est un roman exigeant qui laisse une impression tellement durable et profonde que cela vaut vraiment la petite peine qu'on a à y entrer. On est saisi, rarement on a vu décrite si implacablement la cruauté humaine, au travers d'une conjuration minable de notables, de leur résolution à couper les ailes d'une des leurs, au nom de leur prétendue normalité. (…) Au travers de ce nœud de vipères grouillant de secrets, Lídia Jorge signe un roman somptueux, sur le pouvoir des mots et l'intranquillité de ceux qui ne les maîtrisent pas, sur la force des passions et les lâchetés auxquelles elles conduisent, sur une femme comme neuve. Son regard est plein de compassion pour son héroïne, son roman excite la terreur et la pitié. Vraiment très impressionnant.
L'HUMANITE, Alain Nicolas
L'art de Lidia Jorge est de laisser le récit se mettre en place, de faire avancer le lecteur dans la lenteur d'une de ces journées accablantes, guidé par ce personnage auquel on s'attache avant de comprendre ce qui lui arrive. Ce très beau roman, moins baroque que la Couverture du soldat gagne en intériorité, en subtilité. L'intrigue, réfractée par la multiplicité des regards des personnages, donne au lecteur une vision à la fois intimiste et polyphonique, à l'image des bifurcations de ce récit terrible de cruauté et d'espoir.
SERVICE LITTERAIRE ; Emmanuelle de Boysson
« Anne-Marie Métailié à l’extrême bon goût de publier des chefs d’œuvres.Le Vent qui siffle dans les grues, de la Portugaise Lídia Jorge, a reçu le Prix de l’APE au Portugal. L’auteur y creuse la perversité et la lâcheté des êtres. »
Le vent qui siffle dans les grues, de Lidia Jorge, traduit du portugais par Geneviève Leibrich, Métailié, mars 2004, 22 euros