La marque Airbus est indissociable du secteur des avions commerciaux. Mais, depuis la mise en place du groupe EADS, les productions du constructeur espagnol Casa sont entrées dans ce cercle familial tandis que devenaient réalité des ravitailleurs en vol MRTT et, bien sûr, l’A400M. D’où l’apparition d’une gamme cohérente d’Airbus Military, gérée depuis Madrid, qui gagne peu à peu en importance et s’exporte dans le monde entier.
Antonio Rodriguez-Barberan, directeur commercial, estime à 6.300 avions le parc mondial qui correspond aux activités de l’avionneur militaire européen. Des avions dont l’âge moyen est de 27 ans, précise-t-il, en d’autres termes un marché potentiel de remplacement d’autant plus important que la demande des Etats tend à se diversifier, à s’étendre, notamment en fonction de la multiplication des missions humanitaires. Inventaire.
Le plus petit de ces appareils, le CN-235, qu’utilise notamment l’armée de l’Air française, s’inscrit dans une catégorie qui permet l’acheminement d’une cinquantaine d’hommes armés ou de 6 tonnes environ de charge utile, ou encore les évacuations médicales. En France, son utilisation permet utilement de réduire la charge de travail imposée aux C160 Transall vieillissants, qui plus est prolongés au-delà de ce qui était prévu en raison des retards enregistrés par l’A400M et qui ont conduit à un décalage du programme.
L’appellation «CN» rappelle qu’à l’origine, il s’agissait d’un appareil développé conjointement par Casa et l’avionneur indonésien Nurtanio. Ce dernier, après un long intermède lié à une forte instabilité politique, revient aujourd’hui sur le devant de la scène, affiche de nouvelles ambitions et se prépare à rétablir des liens avec Madrid. Selon l’expression consacrée, le CN-235 est un avion robuste dont 275 exemplaires ont été vendus. Le même qualificatif s’applique à son grand frère plus récent, le C-295, d’une capacité accrue (70 hommes, 108 exemplaires vendus) que l’on croise, tout comme le CN-235, sur les théâtres d’opérations les plus divers, par exemple l’Afghanistan, le Tchad, Haïti (notre illustration).
Sur ce créneau, la concurrence est sévère. Si le constructeur franco-italien ATR a eu la bonne idée (vue de Madrid tout au moins…) de renoncer à un projet d’ATR 42 militarisé doté d’une rampe de chargement arrière, Alenia Aermacchi ne s’en retrouve pas moins sur le chemin du C-295 avec le C-27J. La confrontation commerciale est permanente, y compris sur le marché de ce qu’il est convenu d’appeler les avions de mission, surveillance maritime, y compris la détection de sous-marins, reconnaissance, etc.
D’après Gustavo Garcia Miranda, responsable du marketing d’Airbus Military, les CN-235 et C-295 dominent le marché mondial de leur catégorie. Redynamisés par le contexte porteur propre à l’appartenance au groupe EADS, ils sont maintenant proposés dans de nouvelles applications, y compris la détection avancée («airborne early warning»), de véritables petits AWACS capables de tenir l’air pendant 8 heures, reconnaissables au premier coup d’œil à leur grande antenne radar montée sur le dessus du fuselage. Une version armée est également mise au point et le C-295 permet même le ravitaillement en vol (7.500 litres de carburant) de divers types d’hélicoptères. Et une application «bombardier d’eau» est également apparue, susceptible de faire concurrence au CL-415 canadien.
Tout à la fois tactique et stratégique, l’A400M, grâce à une commande initiale européenne de 174 exemplaires, désormais sorti de ses difficultés budgétaires, illustre aussi les nouvelles ambitions d’Airbus Military. Ses dirigeants estiment en effet qu’il correspond aux exigences d’un marché supplémentaire de 800 exemplaires, sur 30 ans. Les essais en vol, menés avec 5 avions, approchent de leur terme et la première livraison est prévue pour la fin décembre.
Les argumentations techniques, les démonstrations opérationnelles, rappellent à leur manière la manière de faire des équipes civiles de Toulouse. Tout d’abord parce que la technologie appliquée à l’A400M est très proche de celle des derniers-nés commerciaux : ainsi, le cockpit est directement inspiré de celui de l’A380. Et Gustavo Garcia Miranda ne craint pas de démythifier le Lockheed Martin C-130J, grand classique longtemps considéré comme indétrônable. Treize A400M, explique-t-il, suffisent à faire le travail de 29 C-130J, dont il évite de citer le nom, se contentant de le qualifier «d’avion de la génération précédente»… Voila qui promet de sérieux affrontements au fil des prochaines années.
Last but not least, Airbus Military, est-il besoin de le rappeler, affiche de grandes ambitions sur le marché des ravitailleurs en vol. L’échec sur le marché américain, l’année dernière, relevait d’une option politique de Washington et d’un fort patriotisme économique qui n’ont aucunement remis en cause les qualités de l’A330 MRTT. Lequel a par ailleurs été commandé, sous les appellations A330 ou KC-30A, par l’Australie, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et la Grande-Bretagne.
Bien entendu, du CN-235 au MRTT, les ordres de grandeur en chiffre d’affaires apparaissent relativement modestes à partir du moment où ils sont comparés aux ventes civiles d’Airbus. Mais ils n’en permettent pas moins de développer le volet militaire d’EADS, qui plus est sur des marchés prometteurs relativement peu affectés par les contraintes budgétaires qui touchent de plein fouet les commandes militaires.
Pierre Sparaco - AeroMorning