Petite rencontre impromptue sur le web entre Lyon et La Rochelle avec ma CM préférée – aussi appelée Pilou pour les intimes – comprenez ma chère Pascale Mimran dirigeante de Pile ou Strass (social media management et formation pour les TPE). Cela fait un moment que je voulais aborder un sujet qui nous tient à cœur toutes les deux : la notion de tribu et de communauté autour d’une marque.
Sur le web depuis 1999 dans les rôles variés de « modératrice en chef » sur des forums d’athlètes et tisseuse de liens pour ses clients, inutile de vous dire que Pascale avait beaucoup de choses à dire sur le sujet. Je vous laisse découvrir ces premiers échanges. Elle nous parle d’authenticité et de valeurs, de partage avec ses publics. Inutile de vous dire que je me sens vraiment en phase !
Toutes les deux nous partageons un intérêt pour les “tribus” et ce lien qui se crée entre les marques et leurs publics. Comment le décrirais-tu ? As-tu des exemples de liens forts et durables entre certaines marques et leurs publics ?
Ce qui surprend toujours les personnes avec lesquelles je travaille, c’est que je leur demande d’oublier un moment leur marque et leur entreprise, et de me dire de quel artiste, de quel sportif elles sont fans. Et surtout, pourquoi.
Nous avons tous été fan, mais nous n’avons pas forcément cherché à comprendre pour quelles raisons. Ce lien est souvent intense et il peut paraître assez irrationnel, dans le fond. C’est un attachement affectif, avec une certaine loyauté. Très souvent, quand on l’analyse, on en arrive à des explications qui sont du domaine de l’émotionnel. Telle personne me touche parce que je me reconnais en elle, parce qu’elle véhicule une valeur à laquelle je tiens…
Cela débouche aussi sur un sentiment d’appartenance à un groupe.
Une marque établit d’abord un lien de confiance avec son public en lui proposant un service ou un produit de qualité. Mais le vrai lien va se créer grâce à un petit quelque chose en plus, qui touche personnellement son public, et qui arrive à le fédérer.
Dior, par exemple, en joue régulièrement en déclinant ses parfums. La maison revisite ses classiques en retouchant un flacon et une fragrance pour les mettre au goût du jour, et les adapter à une nouvelle cible. Mais sans rompre avec l’original, qui a pu être porté par la mère ou la grand-mère de ses clientes. Elles ont donc un produit qui leur correspond, éventuellement attaché à une personne qui leur est chère, et elles s’inscrivent dans une continuité, une “lignée”: l’attachement se transmet d’une génération à l’autre.
Quels sont les ingrédients qui, selon toi, créent un lien durable et affectif entre une entreprise et ses clients ? As tu trouvé la recette magique pour l’instaurer ?
Ah, si seulement il y avait une recette magique ! D’un autre côté, ça mettrait beaucoup de monde au chômage, et ça limiterait la créativité, non ?
Sans basculer dans le monde des Bisounours, je crois qu’il est préférable de prendre un peu de distances avec le marketing. Ou plutôt, de le repenser. Il y a des facteurs très différents – la crise, l’émergence des réseaux sociaux… – qui font que le monde change, et que les attentes et les exigences du public évoluent. Les gens ne sont plus disposés à subir un message calibré ou à consommer tout et n’importe quoi. Ils aspirent à davantage d’authenticité, mais aussi à être écoutés (et même à participer !).
Je crois que pour créer un lien durable, les marques doivent se rappeler que la communication marche dans les deux sens : si elles demandent à leur public de s’attacher à elles, elles doivent aussi avoir un minimum de considération pour lui, et lui faire sentir qu’il ne représente pas juste du chiffre d’affaire potentiel. Elles sont nombreuses à avoir tenté le “public, je t’aime” artificiel. Mais le public est loin d’être stupide, et ça ne fonctionne pas sur du long terme.
Est-ce que tout le monde peut devenir un Chef de Tribu dans le monde de l’entreprise ?
Tu sais, je ne suis pas persuadée que toute Tribu ait besoin d’avoir un chef. Dans mon métier, je suis confrontée quasi-quotidiennement à des entreprises qui craignent de se lancer sur les réseaux par peur que la situation ne leur échappe et que leur image n’en soit abîmée. Bien sûr, je comprends ces préoccupations. Mais je viens du sport : c’est un domaine dans lequel le public est très passionné. Et il a souvent des réactions épidermiques… pour le meilleur comme pour le pire!
Si tu prends un club de foot comme la Juventus de Turin, il a un dispositif de com’ assez impressionnant. Le club est présent sur tous les réseaux sociaux sans exception, il a bien sûr son site et ses applications pour tous les supports… Il n’empêche qu’il y a une quantité de pages, sites et blogs non officiels assez effarante, sur lesquels le club n’a aucune prise ni aucun contrôle. Et ces sites sont souvent beaucoup plus animés que les comptes officiels. Le club a aussi ses détracteurs, d’ailleurs, mais ses supporters se chargent très bien de le défendre.
Bien sûr, c’est un exemple un peu extrême et surtout très spécifique. Mais je crois que ce que les marques doivent apprendre, c’est une certaine forme de lâcher-prise: ne pas essayer de contrôler et de “commander” son public à tout prix. Si les gens se reconnaissent dans les valeurs d’une marque, ils peuvent beaucoup lui donner. Il ne faut pas avoir peur de les laisser faire.
Pour finir, que conseillerais-tu à une entreprise qui se lance et qui démarre tout juste ses relations commerciales ?
Je lui proposerais de se concentrer sur ce qu’elle est : sur son identité et sur ses valeurs. Encore une fois, il ne s’agit pas d’occulter les réalités économiques, ni d’éradiquer le marketing. Mais c’est un fait : on ne peut pas plaire à tout le monde. Alors, je pense que j’inviterais une entreprise qui démarre ses relations commerciales à oser l’authenticité. Et je lui suggèrerais de ne pas tenter de capturer son public, mais plutôt de le captiver !
Merci Pascale, ça fait du bien de le redire ! Retrouvez Pascale sur son blog.