Calmann-Lévy
358 pages
Résumé:
Les aventures de l’Homme à la casquette plate et de la Maison de soie ont été, d’un certain point de vue, les plus sensationnelles de la carrière de Holmes. Seulement, à l’époque, il m’a été impossible de les raconter pour des raisons qui apparaîtront clairement au lecteur. Cependant, j’ai toujours eu le désir de les écrire, afin de compléter le canon holmesien. C’était impossible plus tôt : les événements que je vais décrire étaient trop monstrueux, trop choquants pour être imprimés. Ils le sont toujours aujourd’hui. Je n’exagère rien en affirmant qu’ils pourraient mettre à mal le tissu tout entier de notre société, ce qui, particulièrement en temps de guerre, est une chose que je ne peux risquer. Une fois ma tâche accomplie, à supposer que j’aie la force de la mener à bien, j’empaquetterai le manuscrit et je l’enverrai dans les coffres de Cox and Co., à Charing Cross, où certains autres de mes papiers personnels sont conservés. Je donnerai comme instruction que, de cent ans, le paquet ne devra pas être ouvert. Il est impossible d’imaginer à quoi le monde ressemblera alors, mais peut-être mes futurs lecteurs seront-ils mieux immunisés contre le scandale et la corruption que mes contemporains. Je leur transmets ici un dernier portrait de Mr Sherlock Holmes. -Dr John Watson
Mon commentaire:
Sous-titré Le nouveau Sherlock Holmes, ce roman d'Anthony Horowitz est un pastiche autorisé par les ayants droits de Sir Arthur Conan Doyle. Il met à jour une ultime enquête de Sherlock Holmes que le docteur John Watson n'avait pu raconter à l'époque. Trop de gens connus étaient impliqués. Alors que Sherlock Holmes est mort depuis un an, Watson entreprend enfin la rédaction de cette ultime enquête. Il donne comme instruction de ne pas ouvrir le paquet avant cent ans. La maison de soie raconte cette histoire que l'on peut désormais lire, puisque le temps requis est écoulé.
J'ai aimé toute la mise en scène autour de ce dernier manuscrit, tout autant que le roman en lui-même. On retrouve avec un immense plaisir Sherlock Holmes et le docteur John Watson pour une aventure très riche en rebondissements. Le roman raconte en fait trois énigmes, plus ou moins imbriquées les unes dans les autres. On n'en comprendra la teneur et toute l'horreur qu'à la fin du livre. Comment un marchand d'art victime de cambriolage, un jeune garçon des rues retrouvé mort et une mystérieuse Maison de soie peuvent être reliés? C'est ce que devra découvrir Holmes tout en contrecarrant les plans de ceux qui veulent l'empêcher d'enquêter.
Plusieurs éléments de cette enquête m'ont plu. En fait, Watson raconte cette histoire des années plus tard, ce qui lui permet en quelque sorte de faire un retour sur ses aventures avec Holmes. Il jette un regard différent sur leur amitié, a parfois des regrets ou des réflexions intéressantes sur leurs enquêtes passées. Il y a beaucoup de clins d'oeil à travers l'histoire sur les enquêtes originales écrites par Sir Arthur Conan Doyle, de même que d'autres allusions à certains pastiches. Le roman est riche en allusion de toutes sortes autour du personnage mythique de Sherlock Holmes. Ce qui m'a totalement ravie. On voit qu'Anthony Horowitz est un grand fan de Sherlock Holmes.
Alors que dans les romans et les nouvelles de Sir Arthur Conan Doyle on parle assez peu du contexte social de l'époque où se déroulent les equêtes, Horowitz modifie un peu sa façon de raconter. John Watson, qui regrette de ne pas s'être attardé à décrire Londres telle qu'elle était à l'époque, intègre à son histoire un contexte social très typique, racontant la vie des enfants des rues qu'Holmes engage pour l'aider dans ses enquêtes. On nous parle des conditions de vie déplorables des plus pauvres de cette bonne société victorienne, où les moins bien nantis sont souvent les plus exploités et, ironiquement, les plus oubliés.
Cette enquête n'est pas à proprement parlé la dernière de Sherlock Holmes. Cependant, c'est peut-être la plus sensible. Elle touche plusieurs aspects difficiles de la société et plusieurs événements se bousculent. On y rencontre même celui qui deviendra l'ennemi numéro un de Sherlock Holmes: Moriarty. J'ai particulièrement aimé ce clin d'oeil. La façon qu'a Watson de raconter cette histoire, avec tout le recul des années écoulées, offre un roman assez riche et une certaine distance pour analyser ce qu'ils ont vécu, lui et Sherlock Holmes.
La maison de soie est donc, pour moi, un très bon pastiche des aventures de Sherlock Holmes. J'y ai retrouvé l'essence même des personnages originaux et de les retrouver dans une autre aventure, rondement menée, ne fait qu'augmenter le plaisir de lecture.
Un roman que je ne peux que conseiller, tellement j'ai passé un bon moment.
Quelques extraits:
"Cela fait un an qu'on a retrouvé Holmes gisant immobile dans sa maison des Downs, ce grand esprit pour toujours réduit au silence. Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai compris que je n'avais pas seulement perdu mon compagnon et ami le plus proche mais aussi, de bien des façons, la raison même de mon existence. Deux mariages, trois enfants, sept petits-enfants, une carrière réussie dans la médecine et l'ordre du Mérite accordé par Sa Majesté le roi Édouard VII en 1908, cela pourrait être considéré par tout le monde comme une réussite suffisante. Pas pour moi. Sherlock Holmes me manque tous les jours et parfois, quand je me promène, je m'imagine que je les entends encore, ces mots familiers: "Le gibier est levé, Watson! La partie reprend." p.12
"Holmes, vous vous obstinez à vous considérer comme une machine. Même un chef-d'oeuvre impressionniste n'est rien d'autre à vos yeux qu'une pièce à conviction qu'il convient d'utiliser dans la poursuite du crime. Peut-être qu'il vous faudrait apprécier l'art pour vous humaniser." p.75
"Personne ne connaissait le mal comme Holmes, mais il y a des aspects du mal qu'il vaut mieux ne jamais connaître. Il ne pouvait pas se réjouir de son succès sans se rappeler les lieux obscurs où il l'avait acquis." p.357