Entre racisme, xénophobie, islamophobie, antisémitisme, il est facile de s'y perdre. Nos défenseurs d'une France issue de la non-diversité sont-ils vraiment racistes ? Ou bien est-ce la religion qui les embête ? Ou la religion est-elle un prétexte pour stigmatiser une population définie autrement ? Immigrés ? ce ne sont plus des immigrés depuis des générations maintenant. Couleur de peau ? Mais finalement la couleur de peau, cela permet juste de voir qui est qui, ce n'est pas la vraie raison, c'est juste commode. Une différence culturelle alors ? C'est sans doute plus près de ce qui gêne les pourfendeurs de l'antiracisme. "Ils" sont juste différents, donc "ils" ne peuvent pas être tout à fait chez "eux" quand "ils" sont "chez nous".
J'ai toujours préféré le terme de "xénophobie", qui englobe toutes les différences. Avec le déferlement actuel des justifications de l'instrumentalisation politique du rejet de l'autre, c'est peut-être le moment de revenir au racisme, qui, est bien souvent national ou nationaliste.
Reprenons donc le racisme à la base. Sa base est biologique, c'est-à-dire la croyance en une différence biologique entre les "peuples", ou encore : la croyance que les différences entre les peuples peut s'expliquer par leur biologie. Les différences culturelles sont alors expliquées comme procédant de différences biologiques, génétiques si l'on veut.
Typiquement, on associe le racisme à la croyance en la supériorité d'une race (en général la sienne). Pourtant, il me semble que c'est presque passer l'essentiel, qui est l'enracinement de la différence dans la biologie. Car le raciste moderne, pardon l'anti-antiraciste moderne, peut prétendre reconnaître l'égalité des races, tout en continuer à estimer que la race est une catégorie pertinente pour analyser la société.
Alors, on va m'objecter : "oui, mais plus personne ne parle de biologie aujourd'hui, même Marine Le Pen, hormis des blagues de mauvais goût, n'évoque la biologie". D'abord, ce n'est pas totalement vrai. Je me souviens d'avoir vu à la télé un discours Bruno Mégret, qui disait à son public qu'ils avaient "le sang européen qui coulent dans [leurs] veines". Le Front National a mis tout cela en sourdine, mais il n'y a pas besoin de remonter bien loin ou creuser beaucoup pour le retrouver.
Et encore, qu'il y a des racistes au Front National n'est pas non plus un véritable scoop. Ce qui est presque pire, car en apparence plus anodin et donc plus dangereux, c'est que le biologisme moderne se mélange à d'autres discours, les contaminant en fixant dans la chair imaginaire une identité de groupe.
Prenons ce texte sur le site d'extrême droite Riposte laïque, dont le nom indique un souci de respect de la pensée des Lumières, mais dont la "laïcité" n'est qu'une arme idéologique pour le combat contre les "Arabes".
Prenons cet article Les Blancs sont-ils d'une race inférieure ? qui théorise longuement sur les dangers de l'antiracisme. Généreusement, l'auteur admet une vague égalité des races qui vivent bien quand elles sont séparées :
Et qu’y aurait-il de choquant dans la volonté de tous ces groupements humains à ce que Noirs, Arabes, Asiatiques, Blancs ou même Martiens veuillent vivre entre eux et distinctement des autres, ce qui ne signifie pas sans contact, ni relation, ni estime, ni sympathie ? Ce qui n’interdirait pas non plus à des personnes issus d’autres Peuples de résider sur des territoires autres que celui d’origine comme cela s’est toujours fait dans des proportions raisonnables.
Mais que font les "Martiens" là-dedans ? L'auteur cherche par là sans doute à montrer sa très grande ouverture d'esprit, ainsi que son sens de l'humour. Surtout, il révèle que la distinction entre les "Noirs, Arabes, Asiatiques, Blancs" est comparable à une différence d'espèce, et même de planète.
En passant par la notion de Peuple (avec majuscule : noblesse oblige), on arrive à une défense de la diversité :
Chaque Peuple a droit sa propre culture, à sa propre identité, à sa propre Terre qu’il lui appartient de protéger, de développer. Pourquoi s’acharner à faire disparaitre toute cette diversité, soit par racisme, soit par antiracisme ?
Ici il s'agit de confondre la race/espèce et sa Terre (majuscule, noblesse), car l'homme, telle une plante, pousse dans une Terre. La géographie vient conforter la biologie dans l'affirmation de la différence irréductible des groupes.
Je parle de "plantes", mais ce n'est pas moi qui l'imagine tout seul. Regardez :
Au XXIème Siècle, en un temps où la tendance est justement à la protection de la Nature, à la sauvegarde des espèces et des races animales, pourquoi les hommes avec leurs races, avec leurs ethnies, leurs cultures, leurs identités différentes, n’auraient-ils pas droit aux mêmes égards ? Les hommes ne feraient-ils donc pas partie intégrante de la Nature ?
Avec la race, le Peuple, la culture, l'identité et l'éthnie, nous sommes du côté de la Nature (majuscule, noblesse), et c'est finalement au titre de la biodiversité que les races doivent rester séparées. Pour leur bien, justement. Insidieusement, la catégorie biologique fonde toutes les autres dimensions d'une société, qui ne sont que les excroissances de cette réalité. Et, ce qui est assez terrifiant finalement, les excroissances remontent jusqu'à la Nation, lieu où se croisent la biologie du Peuple et la géographie d'une Terre.
Le problème de la xénophobie et du racisme, c'est justement de tout mélanger. Introduire le biologique, c'est affirmer une différence définitive entre les personnes et entre les groupes. Ce n'est qu'un premier point, cependant, et qui reste en arrière plan, soutenant les autres différences qui sont plus clairement culturelles, en suggérant qu'elles sont tout aussi définitives.
Ainsi, quand nos Rioufol et nos Zemmour et tous ceux qui fantasment sur une guerre des civilisations, ou qui cherchent à renforcer une "Identité National" en réaffirmant nos origines chrétiennes, ne sont pas explicitement dans le racial, mais ils sont eux-mêmes l'excroissance du racisme.