C'était la semaine dernière, ou peut être il y a dix jours de ça : j'ai entendu parler de Pop'Pea sur France Inter.
Brièvement.
On annonçait que le théâtre du Chatelet allait accueillir un opéra rock qui consisterait en l'adaptation du couronnement de Poppée de Monteverdi avec au programme Benjamin Biolay, Carl Barât et Fréderika Stahl.
Frémissements d'excitation.
Les souvenirs du Rocky Horror Picture Show et de Tommy me viennent immédiatement à l'esprit, je trépigne et m'enthousiasme beaucoup trop pendant que je me rue sur le net pour dénicher une place abordable (donc très très très haut perchée) me réjouissant d'avance du spectacle qui m'attend.
Rocky Horror Picture Show original trailer par mangovideo
Bel endroit, distribution on ne peut plus prometteuse, ambition affichée admirable : je compte les jours qui me séparent de l'instant.
Afin de ne pas me gâcher le plaisir de la découverte, je prends garde à ne pas me laisser aller à parcourir un quelconque billet à propos de Pop'Pea. Hors de question de me priver de ce plaisir là.
Le soir venu je découvre tout d'abord Benjamin Biolay en biker (j'ai peur), juché sur une grosse cylindrée, interprètant un morceau qui m'évoque un peu The Smiths. Alors j'aime bien.
Le second plateau est l'occasion de faire un clin d'oeil au hip-hop côté danse et musique. Un peu étrange ce changement de registre qui intervient si tôt dans le spectacle mais pourquoi pas après tout. Petite moue quand même.
Le titre suivant est l'occasion d'assister à un joli duo Valérie Gabail (Soprano)/Carl Barât (ex-Libertines). La perspective de vivre de vrais beaux moments réapparait mais elle est bien vite gâchée par l'effet grotesque de mise en scène qui consiste à intégrer Néron (joué par Carl Barât) dans un plateau de pâtisseries colorées où le cupcake tient la vedette. Immédiatement les images du Marie-Antoinette de Coppola me viennent, je les chasse vivement car il s'agit ici d'une idée qui ne provoque rien d'autre chez moi qu'un effet comique violent qui provoque d'ailleurs un éclat de rire retentissant. Moquerie.
Déception un peu aussi. Car la grandeur décadente parait ici singée et qu'il me semble qu'on est bien loin du perfectionnisme esthétique de Sofia Coppola. La séquence se réduisant vaguement à un parallèle grossier.
Oui parce que l'idée (géniale, dans l'absolu) de ce spectacle est AUSSI de jouer avec des effets d'incrustation. Tantôt c'est plutôt réussi, en général quand le décor choisit l'option de la sobriété, tantôt c'est franchement raté.
Je me permets de te citer un exemple supplémentaire : Imagine Benjamin Biolay réduit à la taille d'un crottin de Chavignol (oui-oui), installé sur un plateau de fromages, non loin d'une saucisse de Morteau (symbole phallique un peu facile si je peux me permettre) qu'une cruelle Poppée viendra trancher sauvagement sans même y toucher et qu'un danseur avalera goulument à l'écran en gros plan). Bon. Voilà. Tu as une idée du genre de choses auxquelles j'ai pu assister (tu n'as pas vomi pendant la description, au moins, dis?).
Moi là je parle de blasphème pictural. Parce que si je n'ai jamais trouvé que Benjamin Biolay est une beauté académique, je lui reconnais un magnétisme animal qui échappe à toute forme d'explication objective mais sidère quiconque se situe dans son périmètre immédiat (j'en ai fait l'expérience, c'est troublant crois moi). Alors l'installer comme ça, dans un décor kitsch au possible et esthétiquement repoussant, vraiment, NON! Je crie au crime de lèse-majesté!
Côté direction d'acteurs (puisque les chanteurs jouent et déclament aussi à l'occasion) je m'étonne de certains passages, notamment de celui dans lequel Carl Barât, en gros plan, s'empiffre comme un goret. Ca m'a un peu collé la nausée.
Alors bien sûr il y a des clins d'oeil à la pop culture (il y a du Lady Gaga dans cette Poppée, de la Marylin Monroe dans Drusilla ou c'est moi?) et on s'en amuse franchement. Bien entendu il y a de belles idées. Mais vraiment mon sentiment à l'issue de la représentation était très partagé.
Entre la déception de voir cette idée grandiose n'être pas travaillée de sorte à donner le meilleur de ce qu'on était en mesure d'en attendre (plus de panache et encore davantage de rock) et le plaisir d'avoir partagé de très beaux instants malgré tout. Souvent lors des solos. En particulier ceux de Marc Almond (Sénèque), grandiose.
Les projections vidéos lorsqu'elles sont réalisées sur plusieurs écrans (un en fond de scène, l'autre, translucide, devant celle-ci) permettaient de créer un effet 3D et étaient elles aussi de toute beauté (je pense à l'aquarium et surtout au rideau de sang). Par contre, les séances avec incrustation, si elles créent un effet intéressant (du point de vue intellectuel plus encore que du point de vue esthétique en lui même) sont souvent désolantes, à mon sens (voir exemples concrets plus haut).
Je crois que je regrette surtout le manque de subtilité des effets qui étaient systématiquement trop facilement lisibles, qui appuyaient lourdement sur l'ambiance générale instaurée par la musique et le jeu des acteurs-chanteurs. Quelques métaphores de temps en temps, le remplacement des décors surchargés par une projection monochrome d'un coloris soigneusement sélectionné auraient peut être donné un relief différent à l'ensemble qui aurait gagné en subtilité (?).
Car devant l'abondance d'informations parfois redondantes, on perd parfois un peu le fil de l'intrigue.
Mais enfin l'énergie est là, peut-être pas toujours autant qu'on aurait pu le souhaiter, espérant davantage de fougue débridée de la part de l'anglais Carl Barât mais les prestations de Frederika Stahl et Marc Almond sont parfois sidérantes d'émotion vive.
L'ensemble n'est pas désagréable au fond, mais restera pour moi une grosse déception.
L'idée était ambitieuse et le projet louable mais je regrette un peu la lourdeur générale de ce Pop'Pea.
Trop d'idées, trop de façon de les présenter, trop de genres brassés si bien qu'au fond le spectateur peut parfois être dans un état de confusion devant toute cette accumulation.
J'aurais aimé que ce couronnement de Poppée revisité gagne en lisibilité.
Avant de te quitter je ne résiste pas à te donner 3 mauvaises raisons d'aller voir Pop'Pea :
Si tu veux voir Benjamin Biolay travesti en femme (ou chantant assis sur un chabichou)
Si tu veux voir Carl Barât en jupette (de garde romain mais enfin bon)(quand même)
Si tu veux voir un squelette faire du vélo