Ce disque a priori anodin, qui pourrait aisément se noyer dans la masse des projets du genre, a fini je ne sais trop comment par tourner très régulièrement sur ma platine ces dernières semaines. Il y a quelque chose de joyeusement réconfortant dans cet assemblage de nu disco, de synth-pop, de house et de new-wave, dans ces mélodies lumineuses bien que simplettes, ces sons chauds et veloutés. Quelque chose de profondément estival, qui invite au plaisir et à la luxure autant qu’à la danse. Actif depuis plus de 10 ans, Phillip Lauer est la moitié de Tuff City Kids et surtout d’Arto Mwambe, et s’est également fait connaître en solo grâce à de gros EPs parus entre autres sur Permanent Vacation et Live At Robert Johnson. De bonnes références, donc. En 2012, il continue la tournée des meilleures crèmeries teutonnes puisque son premier long-format sort chez Running Back, à qui l'on doit par exemple le Ragysh de Todd Terje, ou les derniers albums de Tiger & Woods et de Boof, alias Maurice Fulton.
Si Lauer nage en plein dans la folie vintage si bien analysée par Simon Reynolds dans Rétromania, ce n’est pas à coup de samples grillés et d’edits de classiques funk ou disco. Tous les morceaux sont de véritables compositions où il démontre des talents impressionnants de mélodiste. Les moments les plus dancefloor du disque ("Coppers", "Trainmann"…), entre gimmicks italo et claviers deep house, sont en plein dans les standards de production actuels d’autres artistes allemands comme les Hambourgeois Lovebirds, Doctor Dru ou Tensnake (justement auteur de deux remixes de "Trainmann"). Ce qui n’est pas pour me déplaire, surtout que Lauer y ajoute sa touche personnelle, une sorte de romantisme désuet, de lyrisme kitsch qui donne, paradoxalement, toute son élégance à l’album.
Indéniablement doué pour faire bouger les culs, le Francfortois s’en sort aussi très bien quand il s’agit de confectionner des midtempo lunaires ou des ballades électronica aux accents new-wave ("Sandalscene", "Frontex Slowfox"…). Il y a dans ces titres une sensibilité pop qui distingue Lauer de la plupart des musiciens de sa catégorie. Il n’est d’ailleurs pas rare de croiser des arpèges de guitare acoustique au fil de ce Phillips sans véritable faille - sauf peut-être "Miamisync", hommage un brin vulgaire à Jan Hammer. Malgré la multiplication des clins d’œil aux années 80 et la variété des tempos, qu’il s’agisse de house façon Chicago, de balearic ("70000ac") ou d’électro industrielle ("Sheldor"), la cohérence est là, servie par une grande maîtrise des outils analogiques et une rafraîchissante simplicité de la production et du propos.
En bref : sous le vernis eighties bien kitsch de ce premier album s’affirme un excellent mélodiste doublé d’un producteur habile, capable de concilier disco, électronica, house et new-wave en un tout fluide et cohérent. Idéal pour l’été qui s’annonce.
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