Les faux-semblants fragilisent une famille d’immigrés turcs jusqu’à la faire imploser. Saisissant.
Les traits tirés, le regard las, Fatma contemple son reflet dans un miroir usé. Presque aussi usé qu’elle. Quel âge a-t-elle, au juste ? Quarante, cinquante, soixante ? Difficile à dire : son foulard parfaitement ajusté lui confère une grâce de Madone. Fatma s’est dévouée à son mari Mustafa et à leurs six enfants comme d’autres s’offrent à Dieu, pleinement et sans remords. Maintenant que le cancer la ronge, il lui faut trouver une remplaçante, une créature dotée du même esprit de sacrifice qu’elle. Elle jette son dévolu sur Ayse, une jeune fille turque de dix-neuf ans, qu’elle ramène avec elle à Vienne pour servir de seconde femme à Mustafa.
Dans ce premier long métrage (le réalisateur autrichien Umut Dag s’était fait remarquer en 2011 avec Papa), tout est affaire d’apparences et de faux-semblants : le plus important est de préserver l’honneur et le prestige social de la famille, quitte à recourir à des mensonges et à des supercheries grossières. Fatma décide de faire passer Ayse pour l’épouse de son fils et de dissimuler sa maladie autant que faire se peut. Sourire, toujours sourire. C’est la seule solution qu’elle ait trouvée pour empêcher les voisins de répandre leur venin, eux qui profitent du moindre faux-pas pour vous mettre à terre et vous dévorer tout cru. La majeure partie du film se déroule au sein de l’appartement familial, cocon ou prison dans lequel s’enferment les femmes afin d’échapper aux soupçons. Mais les vautours rôdent. La moindre sortie au supermarché, la moindre connaissance croisée sur le palier devient une menace, capable de percer à jour le secret de Fatma et d’Ayse. Les miroirs sont là pour ramener les personnages à la réalité : dans la salle de bain, le soir venu, les foulards et les masques tombent enfin.
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