Après avoir abordé l’Épanouissement puis l’Équilibre lors des deux premiers articles de ce triptyque, je vous propose maintenant de vous parler du Moment.
Le « Moment » est cet instant où les émotions nous envahissent, où notre ressenti est premier et où nous sommes « terriblement humains ».
ARTICLE 3 – Le Moment, ou le voyage immobile
Contrairement aux articles précédents, le « Moment » ne se structure pas en étapes, et ce pour une bonne raison : il s’agit d’un voyage immobile.
Comment peut-on voyager en étant immobile, me direz-vous ? Simplement parce que le « Moment » parle du présent, de ce que nous vivons dans l’instant, ici et maintenant.
Le voyage ne peut donc pas suivre des étapes, car il ne s’agit pas de s’organiser pour aller d’un point A à un point B, mais au contraire de rester sur place, au centre de nos émotions afin de les regarder, de les laisser s’exprimer, d’apprendre d’elles, car elles nous apprennent bien des choses sur nous-mêmes.
Malheureusement, bien souvent nous avons oublié le langage des émotions.
Prenons un exemple.
Lorsqu’il avait 8 ans, mon fils est rentré de l’école tout penaud. M’inquiétant de ce qui se passait, je l’interrogeais. Voici un extrait du dialogue que nous avons eu :
Moi : Tu as l’air un peu triste, que se passe-t-il ?
Mon fils : La maitresse m’a dit qu’il fallait que j’apprenne à contrôler mes émotions…
Moi (interloqué) : Ah bon ? Et que s’est-il passé ?
Mon fils : J’ai pleuré
Moi : Tu as pleuré ? Pour quelle raison ?
Mon fils : J’ai appris que je n’ai pas été élu délégué de classe aujourd’hui
Moi : Et qu’as-tu ressenti quand tu as appris cela ?
Mon fils (les yeux devenant rouges, mais faisant tout pour ne pas pleurer) : J’étais triste
Moi : Ah, tu étais triste…
Et que fait-on quand on est triste ?
Mon fils (un peu surpris) : Eh bien… On pleure ?
Moi : Oui, on pleure. Donc, tu vois que tu sais parfaitement contrôler tes émotions si tu pleures quand tu es triste, non ?
Mon fils (un peu rasséréné avec un demi- sourire) : Oui, tu as raison.
Moi : Et comment te sens-tu maintenant ?
Mon fils : Je vais mieux.
Moi : Et qu’est-ce que je vois sur ton visage ?
Mon fils : Un sourire
Moi : Et pourquoi souris-tu ?
Mon fils : Parce que je suis content que tu m’aies dit cela
Moi : Je suis content de voir que tu as compris. J’ai l’impression que tu pourrais expliquer cela à ta maitresse, car visiblement, elle n’a pas compris. Qu’en dis-tu ?
(rires)
Pour comprendre pourquoi nous en sommes là aujourd’hui, je vous propose un voyage immobile, cette fois-ci dans le temps (je n’ai peur de rien !)
Partons donc du commencement : la Terre est née quand je suis né.
Cette phrase porte en elle le germe de la mégalomanie me diriez-vous, pourtant, elle porte aussi en elle plusieurs « vérités » :
- même si je comprends qu’il peut exister un « avant » et un « après », ma présence dans ce monde commence effectivement pour moi le jour où je suis né et il se finit le jour où je meurs ;
- je ne maîtrise pas mon environnement, il existe ;
- mon expérience de ce monde ne pourra se faire que depuis ma fenêtre ;
- je traverse la vie dans le corps que j’habite ;
- je suis « en location » dans ce corps qui m’a été prêté et qui en définitive me sera retiré, sans que je sache ni comment, ni quand ;
- je n’ai pas d’autre choix, je resterai dans ce corps pour la durée de ma vie ;
- je dois « incarner » cette vie dans ce corps, avec tout ce que cela implique.
Ces « vérités » mènent bien entendu à des tas de questions notamment à propos de qui je suis et de ce que je fais sur cette terre.
Bien entendu, nous ne nous sommes pas toujours posé ces vérités, et même, quand nous étions enfants, nous ne nous les posions pas du tout ! Je me souviens qu’étant enfant, quand je jouais aux cow-boys, si j’étais tué par les Indiens je tombais là où j’étais tué, même si c’était en plein milieu d’une flaque de boue, sans me préoccuper de ce que ma mère dirait lors de mon retour à la maison…. Ce qui était étrange pour moi lorsqu’elle me « passait un savon », ce n’était pas le sentiment d’avoir mal fait, mais le fait que les adultes ne pouvaient pas comprendre qu’un cow-boy ne pouvait pas mourir 3 mètres plus loin juste pour ne pas se salir.
Les adultes me paraissaient alors bien peu logiques et bien peu rationnels…
Bien plus tard, face à mes enfants revenant du sport couverts de boue, je me sentais bien incapable de leur faire la leçon en leur expliquant qu’il valait mieux « encaisser » un but que de salir son survêtement…
Cette histoire évoque pour moi la transition que nous devons tous faire quand nous devenons adultes : arrêter de nous occuper d’aujourd’hui pour nous préoccuper de demain. En faisant cette transition, nous abandonnons souvent les émotions en chemin. Le travail du « Moment » va recréer le lien brisé.
Les domaines du Moment
Contrairement aux principes de « l’Épanouissement » et de « l’Équilibre », le « Moment » n’a pas d’étapes proprement dites.
Le coach est en face du ressenti de son client, il ne s’agit pas de dérouler un processus, mais de « rester présent » avec lui dans le « Moment », dans « l’ici et maintenant ».
Avant de lire la suite, imaginez juste que vous êtes au centre d’une croix :
Le « Moment » va vous permettre d’explorer toutes les dimensions de votre vie en les rapportant au moment présent.Vivre l’instant présent
Le domaine de l’instant présent parle de notre difficulté à simplement rester dans ce qui se passe.
Faites l’expérience suivante :
- demandez à quelqu’un de vous raconter un moment de sa vie particulièrement plaisant, des vacances, un moment intense, riche en émotions, et observez-le, regardez ce qui se passe, comment il vit le souvenir de ce qu’il a ressenti.
- Demandez-lui ensuite de vous raconter un moment particulièrement difficile, pénible ou souffrant, observez-le, regardez ce qui se passe.
Il y a fort à parier que, sauf s’il s’agit d’une personne qui se complait dans son malheur, il va rapidement « évacuer » l’émotion, par une pirouette ou en partant sur autre chose. Pourquoi cela ?
Retournons un instant dans notre dimension d’enfant.
En tant qu’enfant, nous sommes centrés sur nous-mêmes, nos besoins ne nous sont perceptibles que lorsqu’ils se manifestent.
Nous ne ressentons pas le besoin de les prévoir étant donné que l’environnement (nos parents, ou les adultes) y pourvoira.
Pour un enfant, l’instant présent est donc de fait le seul instant important.
Le passage à l’âge adulte requiert donc de notre part une transition d’importance : nous devons rapidement être en mesure de trouver dans notre environnement nos propres moyens de subsistance. Devenir adulte c’est donc développer un ensemble de capacités propres nous permettant de gérer, anticiper, prévoir, planifier, organiser, etc., bref l’évolution naturelle pour qui découvre la nécessité de s’alimenter par lui-même.
Notre capacité à être dans le moment présent diminue donc progressivement tout au long de notre vie et nous nous appuyons de plus en plus sur notre passé qui s’allonge, pour prévoir notre futur qui se raccourcit. Cette prévision, ou « gestion » est donc une capacité majeure de notre vie d’adulte.
Malheureusement les émotions se déclenchent dans l’instant, ce qui pose un problème de « gestion » à nous autres les adultes.
Le coaching du « Moment » va donc consister dans un premier temps à nous concentrer sur ce qui est présent, dans l’instant, dans « l’ici et maintenant », afin de revenir à ce qui n’existe que dans le présent : notre corps, qui est à la source de nos émotions.
Le pouvoir de l’esprit sur la chair
Pourquoi les émotions apparaissent-elles, aux citadins que nous sommes devenus, comme des « effets de bord », des « bugs » de nos corps incapables de se plier aux exigences de notre esprit et qui de plus provoquent des situations « contre-productives » ?
Afin que mes clients puissent visualiser, je prends souvent la métaphore de la « cocotte-minute » (que voulez-vous, je suis un grand fan de cuisine !)
Donc, imaginez une « cocotte-minute » dont l’eau chauffe. La vapeur représente vos émotions. Vous avez un couvercle en main, et dès que l’eau bout, vous mettez le couvercle dessus en appuyant de toutes vos forces.
Je vous laisse imaginer le résultat si vous pensez réussir à tenir longtemps !
Vouloir maîtriser ses émotions revient à mettre le couvercle sur la « cocotte-minute » dont l’eau bout :
- Dans l’instant, l’environnement sera paisible, la vapeur sera contenue, la situation sera maîtrisée.
- Dans l’instant.
- Dans les faits, l’eau continue de bouillir, et le couvercle, quand il sautera (et il sautera vous pouvez en être sûrs !) le fera quand la pression sera trop forte.
Toutefois, certains m’opposeront qu’il suffit de laisser passer la pression en tant voulu et de façon maîtrisée, et que cela garantira que l’explosion n’aura pas lieu.
C’est exact, la plupart du temps, c’est que nous faisons tous de façon naturelle. Toutefois, cela ne marche pas à tous les coups, et cela ne marche plus du tout quand on a 10 « cocottes-minute » à gérer et qu’il faut aller faire les courses en même temps !
Le coach, un « manager » d’émotions ?
Comment gérer ses émotions alors ?
De façon très simple, je répondrai par une bonne et une mauvaise nouvelle :
- la bonne nouvelle, c’est que c’est possible en vivant ce qui est présent dans l’instant ;
- la mauvaise nouvelle, c’est que nous avons oublié comment faire.
Comme illustration de cette situation, prenons le cas d’une personne n’ayant qu’un seul type de réponse face à ses émotions :
- quand j’ai peur : je mange,
- quand je suis triste, je mange,
- quand je suis heureux, je mange.
Il parait évident qu’une réponse unique face à une multitude d’émotions est très certainement inadaptée, mais qu’en est-il de nous ?
Nos réactions face à nos émotions sont bien entendu plus variées, mais fondamentalement, nos réponses sont celles que nous dicte notre cerveau et non notre corps. Cela peut provoquer sur le long terme un sentiment d’inconfort, parfois même s’aggraver vers une perte du désir que l’on connait sous le nom de « dépression ».
Rétablir le dialogue corps-tête est donc un objectif pour le coach dans le principe du « Moment ».
Quelle est la récompense du Moment ?
Enrichir sa palette décisionnelle : le « Moment » permet de s’appuyer sur son ressenti et ses émotions pour se positionner face à son environnement ; les émotions deviennent donc un indicateur permettant de laisser « résonner » la situation sur ses valeurs en toute confiance.
Renforcer les liens avec les autres : grâce au « Moment », les émotions ne sont plus des phénomènes parasites impromptus et dérangeants, mais un moyen de générer de la proximité avec les autres êtres humains. Savoir vivre ses émotions, c’est également savoir les exprimer, elles « n’agressent » plus notre environnement et nous-mêmes, mais au contraire génèrent du lien.
Savoir lâcher la pression : le « Moment », c’est le moyen privilégié pour exprimer nos émotions. Cette certitude apaise, non les émotions elles-mêmes, mais le besoin impérieux de les exprimer immédiatement. Grâce au « Moment », je peux utiliser l’énergie des émotions de façon positive.
Identifier le coupable : souvent, notre lecture erronée de nos émotions nous induit en erreur sur ce qui se passe vraiment. On tourne sa colère sur les autres, on ne supporte plus untel, on se sent coupable d’avoir été en colère, etc.
Le « Moment » permet de ressentir d’où vient l’émotion et de faire le lien avec le véritable déclencheur de l’émotion. Il en résulte généralement des relations apaisées avec l’environnement et avec soi-même.
En conclusion…
À travers ces trois articles j’espère vous avoir fait découvrir ce qu’est l’essence du coaching, ce qu’il y a de passionnant, d’authentique, de profond à y découvrir sur soi-même.
Le coaching est un métier passionnant, car chaque nouvelle rencontre parle d’un univers inconnu, avec ses terres inexplorées, ses trésors enfouis, ses temples perdus, ses civilisations inconnues. Pour moi le coaching est avant tout une aventure humaine, une de celles que l’on peut vivre sans traverser la planète, et j’espère vous avoir fait partager ma passion.