S’il faut identifier des responsables de l’entrée en bourse ratée de Facebook, on peut bien montrer du doigt les sites SharePost et SecondMarket. Pierre-Antoine Dusoulier, Président de Saxo Banque, croît que depuis l’avènement des sites de transactions gré-à-gré (hors bourse) les offres initiales ne peuvent plus être comme avant. L’action de Facebook pouvait facilement s’échanger AVANT son IPO et ainsi, tout le jus qui pouvait en être tiré, l’a été! Ces marchés hors des circuits habituels comblent ainsi chaque faille de la réglementation et empêchent les places boursières traditionnelles d’exercer leur monopoles d’autrefois. Voici l’explication complète de monsieur Dusoulier:
« L’introduction en bourse de Facebook a été longtemps attendue. Pendant des mois, les spéculations les plus folles étaient patiemment distillées pour faire monter progressivement les enchères. Il y a un an (déjà !) nous publions une tribune sur ce sujet. A l’époque, la valeur de Facebook était d’environ 75 milliards de $, une valorisation calculée à partir des prix affichés sur des sites spécialisés dans l’achat et la vente de gré à gré d’actions d’entreprises non cotées. Ces sites (sharespost.com ou secondmarket.com par exemple) se sont fait une spécialité de permettre aux détenteurs d’actions d’entreprises en prè-IPO de monnayer leurs actions et stock-options en faisant miroiter de juteuses plus-values lors de l’entrée en bourse.
Facebook est désormais cotée au Nasdaq. Nous ne reviendrons pas sur les péripéties de cette IPO et sur l’évolution désastreuse du cours de l’action qui a tout de même perdu 26% de sa valeur en moins de trois semaines. Cependant, il nous semble que ce qui s’est passé avec Facebook, la surévaluation manifeste du titre et sa chute rapide post IPO, s’explique en grande partie par les transactions préalables qui ont pu se réaliser grâce à ces sites d’échanges de gré à gré. Ainsi, 78% des transactions pré-IPO réalisées grâce à SecondMarket ont été conclues à partir de 2011 à des prix supérieurs à la valeur actuelle de l’action. Juste avant l’IPO, l’action Facebook s’est même négociée à 44$, très au-dessus du cours d’introduction de 38$. En clair, la plupart des investisseurs qui pensaient faire une excellente affaire en achetant l’action Facebook avant même son introduction en bourse ont perdu de l’argent et ne sont pas près de se récupérer.
Au-delà de l’exemple de Facebook, ces marchés privés rendent et rendront de plus en plus difficile de réussir une introduction sur les marchés publics (la bourse). Il se pourrait même que l’investissement pré-IPO dans des start-up ressemble de plus en plus au marché de l’art : un marché réservé aux plus riches heureux de posséder des titres rares et donc chers, une qualité qui s’évapore dès l’introduction en bourse et rend l’investissement plus que hasardeux.
Les marchés privés pré-IPO surévaluent les valeurs des start-up car, face à une offre très réduite (les rares collaborateurs détenteurs de titres), la demande s’emballe portée par le buzz. Avec Facebook, la bulle spéculative de la Silicon Valley incarnée par les marchés privés l’a emporté sur Wall Street, le marché public. Ne cherchons plus le coupable du Facebook flop.
Enfin et pour le seul plaisir, je me permets de rappeler la conclusion de ma tribune de juin 2011 sur ces marchés privés : « Faut-il se risquer sur ces marchés ? Faut-il surfer sur la bulle ? Mon conseil : ne pas être le dernier à partir. »