Titre : Magasin Général, T6 : Ernest Latulippe
Scénaristes : Régis Loisel & Jean-Louis Tripp
Dessinateurs : Régis Loisel & Jean-Louis Tripp
Parution : Novembre 2012
« Ernest Latulippe » est le titre du sixième tome de « Magasin général ». Sa parution chez Casterman date d’octobre deux mille dix. La couverture de l’ouvrage nous présente les différents protagonistes de l’histoire en train de naviguer sr un fleuve au milieu d’une forêt accompagné par un vol de canard. Le dépaysement est immédiat et nous incite à partir à la rencontre de tout ce beau monde au plus vite. Comme les précédents, cet album est co-écrit par Régis Loisel et Jean-Louis Tripp. Chacun participe à la fois au scénario et aux dessins. Cela donne une identité assez unique à la série.
L’extrait choisi pour habiller la quatrième de couverture est le suivant : « Mais quand c’est-tu que ça va achever, cette poisse-là ! – Tout ça c’est depuis l’affaire à Marie ! – Toute cette marde ! – Voyons donc, Môman… le pont écroulé c’est pas la faute à Marie, quand même ! – Ta fille a raison, Lucienne, c’est pas Marie qui fait pleuvoir ! – Mphf… Pis la grosse chicane avec les hommes, c’est pas la faute à Marie peut-être ? … - Ben moi, Marie, elle me manque… »
Pour présenter plus précisément l’univers de cette série à ceux qui ne la connaissent pas encore, il faut savoir qu’elle se déroule dans le Québec des années vingt. La trame se construit dans un petit village perdu au milieu de nulle part nommé Notre-Dame-des-Lacs. Elle se centre autour du personnage de Marie. On la découvre veuve dans le premier opus. On apprend qu’elle tient le magasin général de cette petite communauté et est donc la source d’approvisionnement des habitants. Dans les tomes suivants, elle voit arriver dans sa vie Serge. Une affection évidente née entre eux mais ne se concrétisera pas du fait d’une révélation du nouvel arrivé. Marie ira trouver l’amour charnel qui lui manque tant dans le lit d’un jeune du village. Cela a pour conséquence de faire d’elle la paria et l’encourage ainsi à fuir pour Montréal. C’est alors que les habitants se rendent compte que sans Marie et son camion, la vie se complique très vite…
Ce sixième tome marque le retour de Marie à Notre-Dame-des-Lacs. On découvre son appréhension de retrouver des gens qui l’ont rejetée. La thématique de cet opus est donc centré au fait qu’un événement, malgré le temps qui passe, fait que la vie ne sera plus jamais comme elle était. Le côté « vase clos » des personnages fait que les relations entre eux sont exacerbées. Le fait de tous se connaitre et de vivre toujours entre eux a pour conséquence que toute parole ou tout acte est analysé et peut prendre une ampleur disproportionnée. Le retour de Marie marque donc une date importante dans la vie du village. Beaucoup y voient le retour de l’approvisionnement, d’autres y voient le retour de la femme qui a pêché et enfin les derniers voient le retour de l’amie et de la femme qu’ils appréciaient. C’est tout ce beau monde qu’on voit donc réagir au retour de Marie.
Le fait que l’histoire dure depuis plusieurs tomes a pour intérêt de nous avoir fait connaitre plutôt bien les nombreux personnages qui cohabitent dans ce hameau. On s’attache à certains, d’autre nous font rire ou nous horripile. Chaque tomme amène son lot d’événements qui affine notre regard sur chacun d’entre eux. Le retour de Marie est le plus l’important depuis l’arrivée de Serge au village. On voit naitre les divergences. Certains principes s’érodent chez certains d’entre eux. Certaines carapaces se fissurent. Mon regret est que les « intrigues » secondaires sont vraiment peu traitées et développées et fait que « Ernest Latulippe » est loin d’être le plus dense et intense des albums de cette saga. J’ai un petit peu peur que l’histoire se dilue. Il faut veiller à ne pas faire durer l’histoire au risque de lui faire perdre son rythme.
Par contre, un aspect ne baisse pas en qualité. Il s’agit des dessins. Le travail conjoint de Loisel et Tripp offre un résultat remarquable. Les planches de l’album sont de petits chefs d’œuvre. Chacune d’entre elles offre un réel dépaysement. Que ce soit par les couleurs et les décors, on ne ressent aucune difficulté à s’immerger dans ce petit village du début du siècle dernier. Les personnages possèdent également une identité propre. On prend plaisir à les voir vivre leur vie faite de hauts et de bas. Les protagonistes sont très expressifs. Les auteurs arrivent à traduire parfaitement leurs sentiments et leurs pensées. Les couleurs pastels habillent parfaitement l’ensemble.
En conclusion, ce sixième tome offre une lecture agréable mais ne marque pas réellement un nouvel envol de la série. J’ai tendance à trouver que l’histoire s’essouffle un petit peu et gagnerait à se densifier et à intensifier la narration. « Magasin général » se présente comme une chronique sociale et remplit parfaitement ce rôle. Néanmoins, il est important pour passionner le lecteur de créer un lien fort avec les personnages. Et pour arriver à cela, il est important qu’ils vivent des choses qui sollicitent nos émotions. C’est moins le cas dans cet ouvrage. J’espère donc que le septième tome intitulé « Charleston » prendra une ampleur supérieure pour mon plus grand plaisir de lecteur. Mais cela est une autre histoire…
par Eric the Tiger
Note : 13/20