Venu concrétiser sa promesse de construire gracieusement une école, en guise de contribution à l'édification d'une Guinée nouvelle, l'Ivoirien Tiken Jah Fakoly, la méga star du reggae, a accordé une interview à un confrère guinéen. Au menu de l'entretien, des questions percutantes et bien entendu, des réponses de l'enfant d'Odienné comme toujours sans langue de bois.
Quels sont les thèmes abordés dans votre nouvel album attendu sur le marché en 2013 ? L'album va parler de fierté, d'unité africaine, de rassemblement, d'éveil de conscience. Cela dit, je ne connais pas encore le titre de l'album, je n'ai pas non plus tous les titres qui le composeront. Une seule certitude, il s'inscrira dans la continuité de ma lutte pour le panafricanisme. Car, aucun pays ne pourra tout seul s'en sortir. Si la Guinée s'en sort toute seule aujourd'hui, tous les Ivoiriens viendront ici jusqu'à étouffer les Guinéens qui finiront par exprimer leur hostilité. Exactement comme ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire. Ce pays avait connu dans le temps la prospérité économique qui a attiré assez d'étrangers et au finish, les Ivoiriens se sont dit, on est vraiment envahis par ces étrangers-là. C'est pourquoi il est souhaitable que nos pays aient tous le même élan, le même niveau pour le décollage économique. Les thèmes d'unité, de rassemblement des Africains, occupent toujours une place de choix dans mes chansons qui constituent pour moi l'unique possibilité de sortir de notre sous-développement artificiel et chronique. L' Afrique est le continent le plus riche potentiellement. La preuve, aujourd'hui en Guinée, il y a toutes sortes d'investisseurs, toutes les entreprises du monde, française, américaine, canadienne, arabe, japonaise, chinoise... Parce que simplement, il y a à manger. Nous, les Guinéens qui sommes propriétaires de ce manger précieux qu'ils viennent nous prendre-là, nous continuons à croupir dans la misère noire. Ces comportements vont changer lorsque le peuple va se réveiller. Je le dis parce que nos dirigeants ne sont pas libres. Et cela fait 40 ans que les pays africains continuent de ployer sous le poids de dettes et du sous-développement. C'est comme on me dit que cela fait 40 ans que moi je vous aide et durant toute cette période, cette aide n'a jamais pu guérir votre maladie. En dépit de tout, on continue à vous faire croire que c'est mon remède-là qui est bon pour vous. Et voilà le grand paradoxe entretenu par Babylone, qui empêche l'Afrique de s'en sortir sur le plan économique. Si le président guinéen, Alpha Condé, ou ivoirien Alassane Ouattara décide tout de suite de prendre son indépendance totale, les Blancs vont le faire chuter par un coup d'Etat bidon. Si l'un d'eux dit tout à l'heure ''Hollande ou Obama, allez vous faire foutre'', il aura signé son arrêt de mort. Je vous donne un exemple, le cas du président ATT (Amadou Toumani Touré, ndlr). Sarkozy lui a fait payer son choix par rapport à deux dossiers importants dans lesquels il a été très courtisé. Le premier choix fatal pour lui, c'est d'avoir refusé de soutenir Sarkozy dans sa guerre contre le colonel Kadhafi. Mais aussi parce qu'il a refusé de signer un document qu'on fait signer à tous les chefs d'Etat africains. Ce document donne le droit au gouvernement français d'interpeller et d'expulser nos frères africains qui vivent sur le territoire français. Puisque ATT est conscient de l'existence d'une grosse communauté malienne en France, il a refusé de le signer. Voilà les raisons fondamentales qui ont précipité la chute d'ATT au Mali. Donc, le jour où les Etats africains parviendront à parler d'une même voix, Babylone va trembler. Je sais que le combat que je mène ne sera pas gagné de mon vivant, mais le plus important est que je joue mon rôle. Parce que chaque génération doit jouer positivement le rôle qui est le sien. Nous sommes-là aujourd'hui, parce que l'esclavage a été aboli, la colonisation stoppée grâce aux combats menés par nos parents et aînés. Qu'est ce que chacun de nous doit pouvoir faire pour avoir une nouvelle Afrique différente de celle que nous connaissons aujourd'hui ? C'est la question que chaque Africain conscient doit se poser de nos jours. Je suis quant à moi, un homme de conviction. Mon existence, qu'elle soit courte ou longue, je me battrai toujours pour qu'elle serve à une bonne cause pour toute l'Afrique. C'est de cette hantise d'une Afrique unie, prospère, que je tiens ma force et mon inspiration à poursuivre la lutte jusqu'à l'atteinte de cet idéal. Le général De Gaulle disait que la France n'a pas d'amis, elle n'a que des intérêts. Les Blancs ne viennent pas ici chez nous parce qu'ils nous aiment, mais parce qu'ils ont des intérêts avec nous. Donc, à nous de savoir défendre nos intérêts devant les Blancs.