Le monde du web 2.0 français était en ébullition ce matin au tribunal de grande instance de Paris. L’agrégateur lyonnais Fuzz ainsi que d’autres sites de blogueurs désargentés comparaissaient devant le président du tribunal suite à une assignation en référé de l’acteur français Olivier Martinez.
Que reproche en substance l’acteur à ces petits artisans du web, dont la majorité ne gagne même pas à la fin du mois de quoi payer leurs frais de serveurs ? Tout simplement d’avoir relayé une information visant sa vie privée, reprise par de nombreux sites et relayée en boucle de nombreuses fois ces trois dernières années. Si des sites d’éditeurs ont été attaqués, de manière plus inédite, l’agrégateur Fuzz, qui est l’un des meilleurs digg-like français, était également sur le banc des accusés. Eric Dupin, son fondateur, totalement atterré par cette assignation, a décidé temporairement de fermer son site. D’autres digg-likes ont suivi, notamment le site Linkertop qui explique en détail la menace pesant sur les sites web 2.0.
Ce matin, l’avocat d’Olivier Martinez a défendu son client en faisant prévaloir la défense de la vie privée de l’artiste, même sur des sites web peu connus et générant très peu de trafic. Ses arguments ont été tempérés par l’avocat lyonnais d’Eric Dupin, Maître Gérald Sadde, du cabinet Roche & Associés qui se trouve sur la célèbre place Bellecour : « mon client n‘est même pas l‘éditeur de l‘article en question. Il s‘agit d‘un agrégateur où un internaute a posté cette information qui, d’ailleurs, a vite été enfoui dans les archives du site. A peine une dizaine d’internautes ont pu lire cette information concernant Olivier Martinez. »
Pour Maître Sadde se pose la question de la survie des blogs français, de ces passionnées du net qui ne comptent pas leurs heures pour quelques malheureux euros gagnés à la fin du mois et qui se retrouvent à la merci d’être poursuivi en justice au même titre que la presse « people » traditionnelle : « Si l’on commence à condamner tous ces petits blogs basés sur le web collaboratif, à terme c’est la mort du net 2.0 que nous connaissons aujourd’hui. Plus personne n’osera prendre de risque et ces sites collaboratifs préfèreront fermer. On mettra fin à l‘interactivité qui existe aujourd‘hui et qui fait le succès du web »
Maître Sadde s’interroge également sur la méthode choisie par les défenseurs d’Olivier Martinez, qui ont préféré assigner en justice plusieurs sites plutôt que d’envisager une tentative de conciliation : « Je regrette que n’ayons pas reçu de mise en demeure au préalable. Si nous avions reçu un courriel ou une lettre d’avertissement, nous donnant un délai pour retirer l’article incriminé, mon client se serait exécuté sur le champ. Il aurait mieux valu prévenir les sites en question plutôt que de les assigner. »
Gerald Sadde fait ainsi référence à la jurisprudence Laure Manaudou. Fin Décembre, les photos nues de la nageuse se retrouvaient sur plus d’une centaine de blogs dans l’hexagone. Le nom de Laure Manaudou étant alors le plus recherché sur le moteur de recherche Google. Après réflexion, l’avocat de Manaudou, Didier Poulmaire (bien connu du milieu de la Formule 1) décida de contacter un par un les sites incriminés en leur donnant 48 heures pour retirer les photos indécentes de la championne olympique. Résultat : tout le monde joua le jeu et les photos furent retirés instantanément sur les blogs français. Personne ne fut assigné en justice pour avoir diffusé les photos sur le net et cela permit au buzz crée par l’affaire de se dissiper rapidement. N’était-il pas possible de faire la même chose dans le cas d’Olivier Martinez ? En tant que citoyen, la question se pose.
C’est maintenant à la justice de trancher. Le résultat du référé de Fuzz et des autres sites (on pense notamment à croixrousse.net) sera connu le 26 mars prochain. Il s’agira d’une journée chargée puisque d’autres sites d’informations dont « Surf The Info » seront assignés par les avocats d’Olivier Martinez. Selon le verdict du tribunal, c’est tout un pan de la nouvelle économie qui pourrait se retrouver en péril…
par Anthony