Magazine Culture
Il y a un mois, TerangaWeb s’est joint à l’Observatoire de la Diversité Culturelle et à mon blog littéraire pour organiser une table ronde sur le thème du rôle et de la place de l’écrivain dans nos sociétés. Sujet ouvert qui présente un intérêt certain à la fois pour le romancier, l’éditeur et le lecteur. L’ambition de cette rencontre était de permettre cette interaction entre ces trois éléments.
Pour échanger autour de cette question, les écrivains Raharimanana, Yahia Belaskri se sont prêtés à cet exercice en compagnie de Bernard Magnier, directeur de la collection Lettres africaines chez Actes Sud et organisateur du festival Littératures Métisses d’Angoulême. Ce fut un vrai plaisir de conduire ce débat dans le très beau cadre de l’Auditorium du Centre culturel Jean Cocteau des Lilas.
Les avis des auteurs furent partagés sur la définition même du concept « nos sociétés », c'est-à-dire le public éventuel que ceux-ci aimeraient toucher ou pas. On semblait percevoir chez certains intervenants, un choix par défaut, vu la difficulté de rencontrer un véritable lectorat algérien en langue française pour Yahia Belaskri par exemple. Tout en notant pour la même question une approche différente, plus optimiste de Raharimanana. Si le lectorat n’existe pas aujourd’hui, cela ne signifie pas qu’il n’existera pas demain pourrait-on en paraphrasant l’homme de lettres malgache.
Au fil des échanges, le propos s’est centré sur la littérature même, sur l’esthétique, la fonction même de l’écriture et de l’art dans nos sociétés actuelles. Des fonctions différentes suivant notre poste d’observation. Quelle perception possède l’africain de l’art ? Son esthétique ou sa fonction sociale ? Et si la difficulté de la rencontre avec le public africain venait de cette littérature africaine actuelle comme un art étranger ?
Finalement, pourquoi un écrivain se prête-il à cet exercice d’écrire et d’être publié s’il ne croit pas à la portée, à la puissance de son discours ? « D’ailleurs ne s’agit-il que d’esthétique ou également de puissance dans l’écriture des contemporains ? » posera quelqu’un dans le public.
Raharimanana dit très bien le but de son projet artistique : « Arriver à ce moment où le texte, l’œuvre littéraire prend le pas sur l’auteur, dépasse l'écrivain ».
Les écrivains ont également répondu à la question de la feuille de route, de l’ordre de mission venu d’Afrique dicté par un universitaire congolais qui ressemble sur beaucoup de points à des commentaires récurrents que j’entends au sujet de la nouvelle génération. Une terrible charge dont ils se sont vite faits de se délester. A raison sûrement.
Le terme de nouvelle génération a eu le don d’agacer, mais il n’est pas une invention du blogueur que je suis. Il était commun il y a quelques années désigner la nouvelle génération, toute la dream-team d’auteurs qu’incarnent encore aujorud’hui les Abdourahmane Waberi, Sami Tchak, Raharimanana, Alain Mabanckou, Patrice Nganang, Léonora Miano, Kangni Alem et bien d’autres. Des auteurs qui souvent se sont extraits à la fois du classicisme de l’écriture des auteurs des indépendances, et de certaines thématiques. Il me semble qu’entre Henri Lopès, Ahmadou Kourouma et Raharimanana, il y a deux courants différents, deux générations de romanciers…
« Le je a remplacé le nous des anciens » indique Bernard Magnier
La posture franche de Yahia Belaskri sur la place réelle du romancier dans les sociétés africaines, sur le poids réel, sur leur capacité d’influencer ne manquera pas d’interpeler ceux qui prendront le temps d’écouter cette rencontre. Avec tout le respect et la fascination qu’il a pour l’illustre homme de lettres algérien Kateb Yacine, il se pose la question de la réception des œuvres de Kateb Yacine aujourd’hui en Algérie.
Il n’est pas utile que j’entre dans plus de détails, la vidéo de la rencontre est disponible sur le site de Sud Plateau-TV. Visionnez et réagissez, c'est l'avantage d'un blog.