“C’était comme si elle pouvait enfin, après la mort, examiner les lois qui forment le monde. C’étaient des lois étranges qui ne ressemblaient pas du tout à celles qui sont écrites dans les livres et qu’on apprenait par coeur à l’école.”
Je n’ai pas lu grand chose de Le Clézio. Il faut dire que ma prof de français de 5ème / 4ème m’avait bassinée avec, en insistant lourdement sur les initiales J.M.G…. J’ai le souvenir de n’avoir étudié quasiment que cet auteur avec elle d’ailleurs et ça m’ennuyait profondément.
Mais, il y a peu de temps, je me suis dit qu’un prix nobel de littérature devait quand même écrire des textes marquants. J’ai donc rompu le serment “ne plus jamais lire de J.M.G. Le Clézio” et j’en ai profité pour découvrir Lullaby, un court roman destiné à la jeunesse.
Lullaby, une jeune fille, prend la décision de ne plus aller au lycée. Elle s’enfuit de chez sa mère (son père vit à Téhéran) et se réfugie au bord de la mer. Une nouvelle vie, réservant des surprises et des enchantements, commence alors : “Tout était si beau que c’était comme si l’école n’avait jamais existé.” De nombreux passages évoquent l’harmonie, la communion de Lullaby avec la nature. La jeune fille se laisse gagner “par l’ivresse étrange de la mer et du ciel vide.” et fait quelques découvertes marquantes (une maison grecque abandonnée) et la rencontre singulière d’un petit garçon rendu presque aveugle par une éclipse regardée sans lunettes filtrantes. Même si l’histoire ne m’a pas transportée, elle n’en est pas moins agréable à lire et offre une sorte de parenthèse presque onirique dans le quotidien.
Avec le recul, je comprends mieux que Le Clézio soit souvent étudié en cours. Il a presque tout pour plaire aux pré adolescents (le rapport complexe à l’école et à la figure de l’enseignant, la séparation des parents, l’appel de l’inconnu…) et aux profs, surtout ! La beauté des mots, leur dimension poétique, leur sonorité est soulignée à de nombreuses reprises et invite le jeune lecteur à faire attention à son propre langage et à la puissance évocatrice des mots qu’il peut employer. La langue de J.M.G. Le Clézio est assez riche et le texte ne fait pas l’économie d’une vraie concordance des temps (subjonctifs imparfaits compris ! ), ce qui me semble assez rare pour le noter.
Enfin, malgré le désamour de Lullaby pour l’institution et le système scolaire, elle pense très souvent à son professeur de physique, le seul adulte véritablement présent, le référent auquel elle peut se raccrocher alors que ses repères vacillent.
Lullaby m’aura donc presque réconciliée avec Le Clézio, et en tout cas donné envie de poursuivre la redécouverte de son oeuvre !