4/5
Pas forcément fan du style "Groland", c'est avec un certain étonnement que j'ai trouvé ce fameux Grand Soir (le nouveau film de Benoît Delépine et Gustave Kervern) plutôt convaincant.
On retrouve bien l'univers de ces deux scénaristes réalisateurs, cette espèce de représentation réaliste des travers de notre société dans laquelle se déplacent des personnages un peu marginaux animés par des intentions farfelues, figures poétiques ne trouvant pas leur place dans un monde de plus en plus fou.
A l'image de ses personnages qui errent sur un parking devant un supermarché, le film ne donne pas l'impression de raconter une histoire palpitante. On y suit un punk nommé Not (Benoît Poelvoorde), nouvellement investi d'une mission : convertir son frère (Albert Dupontel) - récemment viré de son job - à sa philosophie de vie totalement en marge de notre société. Oublier les conventions, les obligations, pour vivre réellement libre.
Le choix des interprètes principaux est idéal : tous deux ont une véritable facilité à apporter une touche grave et tragique à des rôles comiques en apparence, ou inversement, une touche tendre et comique à des rôles graves et tragiques. Sous certains aspects humoristiques, le jeu de Poelvoorde est tout en retenue, tout en délicatesse. Malgré de nombreuses scènes drôles, je n'ai jamais ri aux éclats, j'ai au contraire trouvé son personnage terriblement triste. Poelvoorde a un don pour rendre attachants et crédibles des personnages qui seraient des caricatures chez d'autres acteurs. Dans chaque plan, dans chaque scène, son jeu démontre tout le talent de cet acteur véritablement génial. Même lorsqu'il est au second plan, flou, sa gestuelle captive toute notre attention. Un de ses meilleurs rôles. J'ai complètement été scotché par des séquences somme toutes banales, mais qui, avec lui, deviennent poignantes. Lorsqu'il laisse son chien sur le carrefour par exemple. Et je pense que c'est le point fort du film. A partir du moment où on s'attache à Not, on peut dire que le film fonctionne. En l'écoutant raconter sa vie, on se posera forcément des questions. Quel peut être le public visé par ce film ? Aucune idée. Mais au moins, on ne peut pas rester indifférent. Dès lors, on oublie l'histoire, on oublie que le film n'est pas rythmé (enfin on va dire que son rythme est en parfaite corrélation avec ses personnages), on ne sait pas vraiment ce que sera ce "grand soir", préparé maladroitement, mais peu importe, on est avec les deux protagonistes, on les soutient moralement.
La réalisation assez simple colle bien au récit, et certaines idées sont très intéressantes, comme les nombreux plans de caméra de surveillance, commentés par des voix qui font presque froid dans le dos. On notera un travail sympa sur le son, avec ce début et cette fin où les enceintes surround renvoient ironiquement au premier dialogue de Dupontel. Quelques séquences semblent cependant superflues, comme celles avec les Wampas, trop longues et trop nombreuses, et l'ennui se fait vite ressentir. Ce n'est que du détail. Les autres acteurs sont bons, les dialogues bien qu'un poil trop "écrits" sonnent bien avec leur interprétation. Beaucoup de clins d'œil (je crois avoir deviné Benoît Delepine poussant un caddie dans un supermarché, mais je vous laisse découvrir ce qu'il contient).
Un film lent, à l'image de ses héros superbement interprétés (mention spéciale pour Poelvoorde), attachant et tendre.
Le Grand Soir
Mise en scène
Benoît Delépine & Gustave Kervern
Genre
Comédie
Production
GMT Productions & Panache Productions ; distribué en France par Ad Vitam
Date de sortie France
6 juin 2012
Scénario
Benoît Delépine & Gustave Kervern
Distribution
Benoît Poelvoorde, Albert Dupontel, Yolande Moreau & Gérard Depardieu
Durée
92 min
Image
2.35 :1 ; 16/9
Son
VF DD 5.1
Synopsis : Les Bonzini tiennent le restaurant 'la Pataterie' dans une zone commerciale. Leur fils ainé, Not, est le plus vieux punk à chien d'Europe. Son frère, Jean Pierre, est vendeur dans un magasin de literie. Quand Jean Pierre est licencié, les 2 frères se retrouvent. Le Grand Soir, c'est l'histoire d'une famille qui décide de faire la révolution... à sa manière.