En Blu-ray : S'il est un cinéaste français sous-estimé, oublié, quand il n'est pas moqué, c'est bien Philippe de Broca. Et c'est injuste car il a apporté un style unique au cinéma hexagonal, un style fait de comédie et d'action, où la poésie et la mélancolie affleurent, où le rire est intelligent, les propos plus profonds qu'ils n'en ont l'air, où la mise en scène allie simplicité et inventivité. Comédies d'aventure (Les Tribulations d'un Chinois en Chine, L'Homme de Rio qui inspira Steven Spielberg himself, Le Magnifique, L'Incorrigible...), comédies policières (Le Diable par la Queue, Tendre Poulet, On a volé la cuisse de Jupiter), films de cape et d'épée (Cartouche, Le Bossu) et tant d'autres oeuvres inclassables (Le Roi de Coeur, Les 1001 Nuits...) ponctuent la filmographie de ce grand monsieur.
Gloire à Gaumont qui édite en Blu-ray les deux premiers opus du réalisateur : Le Farceur et Les Jeux de l'Amour. Deux petits bijoux de légèreté et de joie de vivre, d'où la noirceur n'est toutefois pas absente. Deux longs-métrages réalisés au début des années 1960 et qui contiennent déjà tous les thèmes, tout le style du cinéaste. D'un côté, Les Jeux de l'Amour, Ours d'argent à Berlin en 1960, est une sorte d'antithèse de Jules et Jim et de vrai-faux ménage à trois ; de l'autre, Le Farceur narre les tribulations d'un Casanova qui découvre l'amour, enfin, croit le découvrir.
Au coeur de chaque histoire, un hurluberlu exalté, horriblement égocentrique mais terriblement attachant. Il est incarné dans les deux films par un Jean-Pierre Cassel au sommet de son art : il danse, chante, virevolte, joue avec une classe folle. Souvenez-nous du discours ému de Vincent Cassel lorsqu'il a reçu son César pour Mesrine et de l'hommage en vidéo à son père dansant (à 2:31) : la scène était justement tiré du Farceur. Cassel qui gambade sur les toits, qui cavale dans les rues, qui joue les bouffons et cache son spleen... Il annonce Belmondo dans Les Tribulations ou L'Homme de Rio !
Les scénarios et dialogues sont cosignés par Daniel Boulanger - c'est drôle, méchant aussi, toujours juste. Et les partitions sont signées de l'immense Georges Delerue : tantôt enjouées, elles accompagnent le mouvement ; tantôt mélancoliques, elles lui apportent un contrepoint saisissant. Et la réalisation de Philippe de Broca est déjà pleine de virtuosité mais d'une virtuosité qui ne cherche pas à en mettre plein la vue.
Quant aux éditions de Gaumont, elles sont magnifiques. L'image haute déf met bien en valeur les superbes noir et blanc. En bonus, deux sketchs tirés de films à sketchs coréalisés par de Broca : La Gourmandise (Les Sept péchés capitaux, 1962) dans Les Jeux de l'Amour et Mademoiselle Mimi (Le Plus vieux métier du monde, 1967) dans Le Farceur. Ainsi qu'un passionnant documentaire sur le cinéaste : une partie dans un Blu-ray, la suite dans l'autre. Les fans seront aux anges, ceux qui connaissent peu ou mal de Broca trouveront là l'occasion de découvrir un cinéaste qui après avoir aidé Chabrol et Truffaut à leurs débuts a imposé un regard tendre, gai et désabusé sur le monde.
Anderton