À mesure que les plans sociaux s’amoncellent (Fralib, Petroplus, ArcelorMittal, Peugeot-Aulnay, …), la tâche d’Arnaud Montebourg, le Ministre du Dressement Reproductif, ne s’annonce pas simple. Pourtant, il l’a dit clairement dès son arrivée au gouvernement : «Notre objectif est de défendre notre outil industriel». Et pour cela, il a déjà une petite idée sur la façon dont il faut procéder : le protectionnisme.
Au passage, on pouffera de l’exemple que le gentil Arnaud aura pris pour illustrer les bienfaits du protectionnisme :
Le secrétaire américain au commerce, John Bryson, m’a expliqué sa méthode pour relocaliser les activités. Il utilise le protectionnisme. Il a imposé une taxe de 32 % sur les panneaux photovoltaïques d’importation chinoise pour protéger les filières américaines. Je vous rappelle qu’elles font faillite en Europe. Vous voyez qu’on peut, comme M. Obama, être un protectionniste de pratique et signer des communiqués au G8.
On pourra rappeler au frétillant ministre un peu déconnecté de l’actualité la vibrante réussite d’Obama dans le domaine des panneaux solaires, incarnée de façon exemplaire par l’entreprise Solyndra dans laquelle le gouvernement américain, sous l’impulsion de son président, aura englouti plus de 500 millions de dollars sous forme de prêts, et qui se sera traduite par … une faillite retentissante.
On pourrait espérer que Montebourg ne souhaite pas la même vigueur de la part de son ministère, mais c’est déjà mal enquillé : on sent l’histrion prêt à pousser encore et encore sur sa fabuleuse idée de protectionnisme (d’ailleurs aussi en vogue au FN et au FdG) – décidément, c’est l’idée à la mode qu’il faut avoir en politique actuellement si l’on est étatiste, qu’on soit de droite ou de gauche.
Manifestement, le gouvernement Ayrault, taraudé par le besoin de montrer qu’il fait quelque chose de vigoureux, viril et volontaire pour sauver l’emploi en France, aura donc bien du mal à nous épargner un bon protectionnisme des familles, avec de jolies taxes à l’import, des incitations étatiques plus ou moins finement ouvragées destinées à encourager tel ou tel secteur commercial…
Seulement voilà : le protectionnisme, ça ne marche pas. On peut avoir l’illusion que cela protège, on peut croire qu’il s’agit d’une bonne idée, mais les consommateurs sont perdants, les contribuables sont perdants, et, si les mesures durent suffisamment longtemps, tout le monde est perdant (même si à court terme, bien sûr, le protégé sourit, et ne l’oublions pas, un protégé qui sourit c’est un vote qui s’empile).
Pour illustrer, je prendrai le cas très éclairant du Japon.
C’est pratique, parce que c’est un archipel et que, depuis 2005, le gouvernement japonais a décidé, un peu à la Montebourg et sa réindustrialisation – démondialisation française, d’augmenter le niveau d’autosuffisance du pays en augmentant les tarifs douaniers, en posant des contingents tarifaires et en versant des aides aux agriculteurs, à l’instar d’une PAC qui ne dit pas son nom. Le but : produire local, produire plus, produire de la bonne qualité japonaise. Miam. Et question subventions à l’agriculture, on n’y va pas avec le dos de la cuillère au Pays du Soleil Levant : elles atteignent ainsi près de 15 fois celles de l’Union Européenne lorsqu’on les rapporte à l’hectare cultivé (676$/ha en UE, 9709$/ha pour le Japon).
Le riz, par exemple, dont une bonne partie partait à l’export, a donc été quelque peu remplacé par des productions locales de fruits et de légumes ; il subit en outre un contrôle étatique des prix de vente (avec un plancher très supérieur aux cours mondiaux), et de très fortes taxes (700%) à l’import.
Du point de vue d’Arnaud (et de Marine et de Jean-Luc, ne soyons pas sectaires), cette action pour le moins vigoureuse de protection aux frontières permet clairement d’assurer une excellente protection de la production locale. Youpi, donc.
Sauf que, de fil en aiguille, les fruits et légumes sont devenus un produit de luxe au Japon (et on découvre même que certains achètent des lots de melons à 10.000€) ; non seulement, les produits locaux sont à des prix prohibitifs, mais les importations sont violemment taxées ce qui les rend, elles aussi, inabordables :
Attention, n’allez pas croire que c’est moins cher si ça vient d’ailleurs. Cette logique, qui s’applique partout, ne fonctionne pas au Japon, car le pays tient avant tout à protéger son marché intérieur. Les taxes sur les fruits importés peuvent atteindre des pourcentages incroyables. C’est notamment le cas des oranges, qui, en saison, sont taxées à hauteur de 32% de leur prix. Si cela vous intéresse, vous pouvez consulter ces taxes en détails ici, sur le site du Ministère des finances japonais. Ajoutez ensuite la TVA, et boum, vous avez un prix final explosif.
Et quand les fruits et les légumes coûtent beaucoup plus cher, et qu’à côté de ça, les viandes et les poissons restent abordables, on mange moins des premiers et plus des seconds. Je n’irai pas jusqu’à dire que leur consommation de thon rouge et de baleine a augmenté en proportion de l’augmentation du prix des fruits et des légumes, mais force est de constater qu’à défaut de se remplir le ventre de tomates et de melon, les Japonais n’hésitent pas à le faire avec des espèces réputées en voie de disparition. Ironiquement, une bonne idée pour protéger les baleines et les thons rouges serait peut-être de baisser drastiquement les taxes à l’import et les subventions à la production locale de fruits et de légumes…
Plus sérieusement on pourra s’attarder sur l’exemple diamétralement opposé d’un autre archipel, la Nouvelle-Zélande, qui a choisi une libéralisation assez profonde de son économie et particulièrement de son agriculture dans les années 90, débouchant sur une forte hausse des revenus agricoles, une augmentation de la production, et (oui oui) une hausse de la population rurale.
On pourra rappeler que ce sont les agriculteurs néo-zélandais eux-mêmes qui s’étaient insurgés contre les subventions, celles-ci bénéficiant à certaines catégories plus qu’à d’autres ; ceci est à comparer avec les agriculteurs français qui se battent au contraire pour que ces subventions touchent le maximum de monde possible (à commencer par eux-mêmes), alors qu’en pratique, ce sont surtout les grosses exploitations qui sortent gagnant de la distribution d’argent gratuit.
Le résultat est que les Néo-Zélandais disposent, eux, de fruits et de légumes peu chers. On m’objectera que la nature du terrain et la localisation géographique du pays sont très favorable aux productions locales. Mais justement : si le Japon est à ce point défavorisé pour produire localement, autant importer depuis ces pays qui peuvent le faire à moindre coût, et bénéficier ainsi de productions bon marché, au lieu de surtaxer et tenter une concurrence frontale qui s’avère ruineuse pour les producteurs, les consommateur et le gouvernement nippons…
La solution de protectionnisme que préconisent nos socialistes du cru, qu’ils soient à la solde du gouvernement ou se débattent dans de pathétiques campagnes électorales, n’est en réalité qu’une mesure supplémentaire pour accroître l’emprise de l’État, en lui donnant le pouvoir de décider ce qui est bon ou pas à l’import, ce qui doit, finalement, être cher ou bon marché sur les étals des Français. Le protectionnisme, sous couvert de « protéger » une catégorie bien spécifique de personnes, le fait au détriment direct des autres, qui financent le différentiel de prix observé.
Mais ça, Arnaud n’en a cure. Car si le protectionnisme coûte à tous, il reste très lucratif électoralement parlant.