Naissance d’un voilier

Publié le 05 juin 2012 par Corboland78

Dimanche dernier, tandis que la reine d’Angleterre fêtait son jubilé par un défilé nautique sur la Tamise devant des milliers de spectateurs et des millions de téléspectateurs de par le monde, un armateur peu connu du grand public, mettait son bateau à l’eau pour la première fois.

Profitant de la fête annuelle de la ville de Marly le Roi, le capitaine Jean-Marie voyait enfin son rêve se réaliser, faire naviguer son beau bateau sur le miroir du Parc. Tous ses amis et son fan club s’était déplacé pour l’occasion, nombreux étaient ceux qui n’y croyaient plus, « Je peux mourir en paix, maintenant que je l’ai vu ! » ai-je même entendu dans la foule. Le voilier baptisé le Fabimary, un acronyme d’origine familiale qui ne sera pas divulguée ici, était enfin prêt après cinq ans d’efforts et de travaux, où l’habileté manuelle n’était pas moindre que l’imagination nécessaire pour résoudre les milles problèmes de faisabilité rencontré par l’artisan concepteur du projet coiffé désormais de la casquette de capitaine. 

La mise à l’eau se présentait mal, si le samedi le soleil brillait de tous ses feux, les prévisions météorologiques pour le dimanche étaient catastrophiques. Sous les trombes d’eau annoncées, la fête dans le Parc Royal ressemblerait à un combat de catch dans la boue, une bauge à truies, un bourbier sans nom. Qu’il soit rendu hommage à la mairie, samedi soir dès la nuit tombée, une fois le feu d’artifices tiré et les spectateurs barrés, le conseil municipal dans son entier mené par son maire énergique, s’est livré à une sarabande à poil autour du bassin en implorant le Dieu de la pluie de ne pas la ramener le lendemain. Hasard ou prière exaucée, le dimanche fût acceptable. C’est du moins l’explication, pour cette météo clémente inattendue, que j’ai pu entendre racontée en rôdant autour de la buvette. 

Sous les crépitements des flashes des photographes, les encouragements des supporters et les coin-coin désapprobateurs des canards du bassin dérangés dans leur vie intime, le capitaine et ses moussaillons, se livrèrent à quelques réglages techniques après avoir monté le mât et ses voiles. Enfin vint le moment tant attendu. Malgré le vent qui risquait à tout moment de faire capoter le projet, le Fabimary porté par des mains expertes fût déposé sur les eaux, comme Moïse enfant sur le Nil. Tout le monde retenait son souffle pour ne pas créer de courants d’air contrariant avec la ventilation ambiante.

Le voilier hésita un instant, comme un jeune albatros tout juste sorti du nid, puis encouragé par son géniteur il s’éloigna lentement de la margelle du bassin, affrontant le flot et le grand large. Le bel oiseau marin prit son envol sous le regard voilé d’émotion du capitaine, quelques virages de bord pour mieux appréhender l’inconnu, quelques frémissements de voile sous la forte brise et déjà il parade sur l’onde bienveillante.