De retour chez elle, elle retrouve Andrew Thorpe, son ancien professeur de littérature qui, après avoir mené sa propre enquête, a écrit un livre à succès, sur le modèle du roman-vérité de Truman Capote: «De sang froid» Il y désigne Peter McConnell comme le seul meurtrier possible. Ellis, sa principale source de renseignements, en a été longtemps convaincue aussi. Cependant, avec le carnet et la sympathie que lui a inspirée Peter, elle commence à douter et entreprend d’enquêter à son tour, en remettant en cause les méthodes et les preuves sur lesquelles le romancier s’appuyaient jusqu’ici, concentrant toute son attention sur un seul homme. Jusqu’au dernier moment la question de la vérité reste au cœur du roman: vérité des preuves, des évidences, des enquêtes imaginaires, des récits romancés, des biographies, des sciences elles-mêmes. Même les souvenirs des proches ne l’atteignent pas. Une pensée de Pascal à ce sujet est mise en exergue:
On peut avoir trois principaux objets dans l’étude: l’un de la découvrir quand on la cherche; l’autre de la démontrer quand on la possède; le dernier, de la discerner d’avec le faux quand on l’examine.
J’ai beaucoup aimé ce récit mené de main de maître, sans les longueurs que je craignais sur les énoncés mathématiques, bien au contraire. Ce n’est pas à proprement parler ce qu’on appelle un polar ni un thriller. Comment le caractériser, ce récit, sinon comme une recherche de la vérité sous toutes ses formes, une remise en case des apparences et de la vérité artistique et mathématique? J’ai été séduite.Ellis aurait peut-être été plus prudente et moins certaine de détenir l'identité du meurtrier si elle avait moins suivi les cours d'écriture et de Littérature américaine contemporaine de son célèbre professeur qui affirmait:
"En fait, tout tient aux personnages. L'intrigue, le décor, le style, tout cela ne vaut rien si vous n'avez pas de personnages intéressants, de préférence en situation de conflit." C'était précisément ce qu'il recherchait, c'était l'effet que son livre allait produire qui lui importait.Il ne me reste plus maintenant qu'à aller me documenter sur le photographe hongrois, Martin Munkacsi, ainsi que sur le biologiste Reginald Punnett qui croit que les gènes récessifs continueront à apparaître indéfiniment, à un taux constant, dans la population.
En ont fait un billet: Clara,Cathulu,Le carnet de la mathématicienne de Michelle Richmond. (Buchet. Chastel, 2012, 416 p) Roman traduit de l'américain par Sophie Aslanides. Titre original: No One you Know
Michelle Richmond est l’auteur de trois romans dont L’année brouillard (l2009) et Le Rêve d’Amanda Ruth (2011). Née à Mobile dans l’Alabama et lauréate de plusieurs prix littéraires, elle vit aujourd’hui avec son mari et son fils à San Francisco où elle enseigne les techniques d’écriture et publie sur le Web Fiction attic, une revue littéraire.Livre lu dans le cadre de l'opération Masse critique de Babelio