Essayer de définir l’attente qu’a pu susciter Prometheus n’est pas chose aisée. C’est
l’excitation que seuls les grands projets renvoyant à ce qui nous a fait aimer
le cinéma peuvent faire ressentir. C’est la promesse du retour d’un cinéaste
qui s’est trop souvent égaré au cours de sa carrière vers un cinéma certes impressionnant
mais trop facile, quand on sait qu’il a commencé dans la grandeur pure et
simple. C’est la possibilité que le cinéma Hollywoodien puise dans ses riches
ressources pour offrir au spectateur une aventure qui sorte du carcan du
divertissement prévisible dont il se contente trop souvent. Prometheus, c’était l’idée, l’envie que
peut-être, Hollywood allait nous offrir un de ces blockbusters qui nous file la
chair de poule et nous fait battre le cœur à cent à l’heure.
La chair de poule et le cœur qui bat, c’est l’effet en
tout cas que procurait la bande-annonce. Le genre de bande-annonce qui arrête
le temps et vous fait ressentir une irrépressible envie de voir le film qu’elle
promeut et rend difficile l’acceptation que non, le film que l’on va voir juste
après n’est pas celui que l’on vient de nous vendre à l’instant. Le genre de
bande-annonce qui donne envie à un allergique à la science-fiction de se
convertir aux aventures cinématographiques spatiales.
Forcément, avec une bande-annonce pareille, on n’en
attend pas moins du film. D’autant plus que l’on entend se murmurer depuis des
mois que le long-métrage en question serait un prequel d’ « Alien le
huitième passager », un des plus grands films SF que le cinéma ait porté.
Et quand on connait bien le film que Ridley Scott avait réalisé en 1978, et que
l’on voit la bande-annonce de celui qu’il nous offre en 2012, le doute est à
peine permis quant à la filiation entre les deux. Bien sûr que Prometheus a un lien avec Alien. C’est
une caractéristique qui a forgé l’excitation, mais c’est une telle évidence dès
les premières minutes du film, par le vocabulaire employé ou les décors aperçus
(certaines pièces du vaisseau Prometheus ressemblent assez nettement à celles
du Nostromo dans lequel se déroulait Alien),
que rapidement ce n’est plus un enjeu de curiosité ou de doute à dissiper.
Alors plus que pour aucun autre film encore cette année,
la grande question s’impose aux lèvres de tous ceux qui ne l’ont pas encore vu,
et même de ceux qui l’ont déjà vu et sont curieux de savoir ce que les autres
ont pensé de ce long-métrage tant attendu : et alors, c’est comment ?
Question incontournable dont la réponse peut pour bon nombre de films se
résumer en quelques mots si ce n’est en un seul (de « Génial ! »
au grand classique « Bof », voire « Mouais »). Mais Prometheus n’est pas de ces films qui
peuvent amener une réponse simple. Prometheus
n’est pas « Pas mal », ou « Énorme », ou « Nul ».
Prometheus est de la race des films
dont l’on pourrait discourir pendant des heures, s’interrogeant, débattant pour
tenter de trouver une vérité qui n’existe bien sûr pas.
Non, non, je vous rassure, je ne vais pas me lancer dans
une analyse détaillée et pointue du film de Ridley Scott. Ce blog n’a pas cette
vocation. Mais je répondrai tout de même à cette question : Prometheus est-il donc à la hauteur de
l’incommensurable attente qu’il avait fait naître en moi ces derniers
moi ? Non. Je suis aussi mitigé à la sortie que j’étais excité lorsque la
lumière s’est éteinte dans la salle et que le logo de la 20th Century Fox s’est
mis en branle. Je rêvais de retrouver le Ridley Scott des meilleurs jours,
celui de « Duellistes »,
« Blade Runner », et justement de « Alien, le huitième
passager ». Je rêvais d’un Ridley Scott dont l’ambition serait totale
autour d’un scénario en béton armé et d’un savoir-faire cinématographique
remarquable. Mais si l’ambition de Ridley Scott est évidente, imposant à l’écran
un sens du cadre écrasant de grandeur et un potentiel épique dans le récit, le
scénario de Prometheus laisse trop
souvent perplexe pour que le film coupe véritablement le souffle.
Je ne m’aventurerai pas sur le terrain du spoiler, mais
il suffit de dire que le mystico-religieux dans lequel le film baigne n’est pas
des plus excitants. Non que le mystico-religieux soit une mauvaise approche ("The Tree of Life" baignait dedans et je
ne m’en plains pas…), mais les questions que se pose le scénario sur l’univers,
sur la création ou Dieu amènent des phases narratives ratées et des dialogues
qui sentent bon la facilité dans le domaine.
Au-delà même de l’aspect métaphysique, le scénario souffre de quelques
situations écrites d’une incohérence folle pour ce qui est de rendre des
personnages un tant soit peu crédibles. Comme si Ridley Scott avait les yeux
tournés si haut et l’ambition si vaste qu’il en oublierait presque les bases
d’un bon film de genre. De sa part, c’est presque impardonnable.
Prometheus est-il
pour autant un plantage total ? Non bien sûr. Le sens de la grandeur du
récit est admirable, et il est facile de se laisser porter presque tout du long
tant Scott parvient à nous propulser dans un univers fascinant, inquiétant et
qui nous renvoie à tout un pan du cinéma avec lequel on a pu grandir. Et il
faut bien avouer que Michael Fassbender sait mieux que les autres acteurs
déjouer les pièges du personnage caricatural dans lequel le scénario l’enferme
peu à peu, parvenant par son seul jeu à affiner le personnage et à dévorer
l’écran.
J’aurais aimé un Prometheus
différent, inattaquable et promis à la légende. Un Prometheus qui me transporte autant que l’idée que je me faisais du
film était capable de le faire. J’ai rêvé un Prometheus trop grand, trop beau, trop parfait pour ne pas sortir
déçu du Prometheus bancal qu’a en
réalité conçu Ridley Scott. Mais le succès lui est promis, et une suite lui tend
les bras. Puis-je rêver à une suite qui rectifie le tir et m’offre le film que
j’ai tant désiré ? Je garde ce rêve dans un coin de ma tête, aussi
improbable soit-il.