Qui lit encore François Mauriac ?
Et puis, relire, plus de quarante ans, un roman qu'on devait étudier, et dont il m'était toujours resté une image très vivace en mémoire, mais, l'adolescence est souvent légère -- sotte --, la mienne du moins l'aura été, et ne lit pas beaucoup plus loin que le bout de la ligne. Comment comprendrait-on Thérèse aujourd'hui, et les angoisses de l'auteur devant le combat du Bien et du Mal ? En tout cas, derrière ce qui semble n'être qu'un banal fait divers : une affaire d'empoisonnement, on découvre une très riche analyse morale de la bourgeoisie terrienne d'une époque révolue certes, mais dont les mœurs -- la cruauté, la mesquinerie, la froideur -- se retrouvent de nos jours chez celle de nos grandes villes. J'ai par ailleurs beaucoup goûté la peinture des personnages -- Thérèse et son mari, leurs familles -- leur complexité, admirablement mise en scène par la structure du roman où le présent et le passé s’entremêlent avec subtilité dans un monde suranné, âpre et dur, celui d'avant la Grande Guerre, où il y a encore des voitures à cheval et l'éclairage à la bougie; et que dire de la présence de la terre, qui constitue presque un personnage à part entière : les forêts de pin de la lande ?
En vérité, un roman très puissant, et qui me donne le goût d'explorer plus avant Mauriac romancier.