J'ai vu l'avenir de l'UMP, et ça ne sent pas très bon

Publié le 05 juin 2012 par Omelette Seizeoeufs
 

Il a suffit finalement que Nicolas Sarkozy donne son accord, pendant la campagne, pour qu'une bonne partie de la droite ex-républicaine décide de se vautrer dans la position des gardiens de la race blanche et de la chrétienitude, qui se défendent contre l'invasion sarrasine. Non seulement les vannes sont lâchées, laissant couler un flot nauséabonde de supériorité blanche, origines chrétiennes, "retour" de la charia, déclin de l'Occident, "islamo-socialo-communisme vert" (sic).

Que tout cela existe, et que l'on puisse le trouver sur l'internet n'est pas bien étonnant. La nouveauté, depuis la campagne de Sarkozy, c'est qu'il y a une continuité idéologique entre l'UMP et des gens comme Copé ou Fillon, et des stupidités rances et haineuses. Le blog que j'ai mis en lien plus haut, si vous n'avez pas envie de salir votre souris en cliquant (je comprends), par exemple, s'appelle gaullisme.biz ; le billet en question est simplement un titre : "Aux Urnes citoyens patriotes Gaullistes : Français Française barrage à la gauche islamo-socialiste -communiste vert !!" et une photo avec un drapeau français avec une croix de la Lorraine dans une manif quelconque.

La nouveauté, c'est qu'aujourd'hui, il n'est même plus ridicule d'associer de Gaulle à des thèses qui appartenaient jadis aux inconditionnels de Vichy. La guerre pour protéger la France d'une islamisation imminente et voulue par le PS justfie quelques libertés avec les principes gaullistes.

 

La nouveauté, c'est qu'aujourd'hui, cette hystérie nostalgique d'une France bien blanche se limitait au Front National ou encore à des sites très loins des sentiers battus. Désormais, la boîte de Pandore est grand ouverte, et c'est partout, ou partout à droite. Ainsi, sur Atlantico on s'interroge sur la nécessité de créer "une ligue de défense de l'homme blanc", suite aux provocations de Zemmour et à la Une "appeau de trolls"de Libé.

Et puis il y a Ivan Rioufol, qui nous livre "la France face aux effets du nouvel intégrisme socialiste". Déjà le titre : "intégrisme" va avec "islamique" même si on ne le dit pas. C'est un concentré de ce qui nous attend pendant cinq ans.

Premier thème : François Hollande n'a pas vraiment été élu :

François Hollande a vite oublié qu’il avait été élu par défaut, grâce aux votes blancs et nuls des soutiens de Marine Le Pen.

Parce que la Droite sait que tous ces votes blancs appartenaient de droit à Nicolas Sarkozy. Aucun électeur Front de Gauche ou bayroutiste n'a dû voter blanc. Reste à expliquer pourquoi tous ces braves supporters de l'UMP ont préféré gaspiller leur vote tout en laissant la victoire à François Hollande, plutôt que de mettre le bulletin "Sarkozy" dans l'urne. On cherche un bouc émissaire ; l'enquête devrait bientôt aboutir.

Deuxième thème : François Hollande a quand même été élu, mais seulement grâce au vote des islamistes :

Il va aussi devoir remercier "le vote des immigrés extra-européens naturalisés et leurs enfants et petits-enfants nés français", sans qui "le candidat socialiste aurait été difficilement élu président", comme le reconnaît dans Libération le géographe Laurent Chalard, au vu des 93 % obtenus par le chef de l’État auprès des électeurs musulmans.

Rioufol cite un vrai géographe et un vrai article de Libération, mais regardez bien. Il cite : "…nés français", fermer les guillemets, ajoute "sans qui" et rouvre les guillemets "le candidat socialiste aurait été difficilement élu président", pour embrayer sur les fameux 93 % de l'électorat "musulman". Entre la fermeture et la réouverture des guillemets, Monsieur Rioufol effectue une coupe intéressante. Voici ce qui manque à la phrase du géographe :

(leur pourcentage dans l’électorat est impossible à déterminer)

Heureusement que Monsieur Rioufol a fait sauté ce détail, car il n'aurait pas eu l'air très fin avec ses 93 %. Comme quoi, les guillemets sont bien utiles quand on est un grand journaliste. En même temps, on ne peut pas dire qu'il n'était pas au courant, il a bien fallu qu'il lise les mots avant de les couper.

Là n'est pas l'essentiel, pourtant, même si la maneouvre en dit long sur la sincérité de l'éditoraliste. D'abord, Rioufol assimile tous les descendants, "enfants et petits-enfants", à des musulmans, ce qui est contestable sur de nombreux plans, mais revient à la notion d'"apparence musulmane", en passant par l'équivalence allant de soi entre musulman et "islamiste" ou "intégriste islamique" (interprétation suggérée par le titre du billet).

Mais peu importe le motif d'exclusion, on comprend bien qu'il s'agit des gens qui ne font pas partie du grand "nous" national constitué uniquement de Français de Souche. Car pour le nostalgique d'une France blanche, tous ces gens forment nécessairement un groupe homogène capable de formuler des exigences politiques très précises. La Musulmanie française serait une sorte d'énorme CGT de la Charia.

Cette image d'une masse politique bien nette est essentielle pour le troisième thème : les musulmans sont un danger pour la Nation.

Les minorités, déjà surprotégées par l’idéologie différentialiste qui estime avoir battu la droite patriotique, n’ont pas fini d’imposer leurs exigences. D’autant que les actuels dirigeants ne montrent aucun goût à défendre la nation dans sa substance occidentale et son unité historique.

Il y a sous-thème ici qui pointe son nez : l'associations combattant le racisme seraient responsables pour la montée d'un Islam plus radical chez les jeunes "enfants et petits-enfants nés français". Il faudra y revenir dans un futur billet. L'important, c'est que cette armée (car c'est vraiment une armée, semble-t-il, avec des scimitars et tout) s'apprête à prendre pouvoir. Nous sommes en plein délire de guerre des civilisations : on va nous couper nos racines et notre histoire, notre histoire dont il faudra couper d'abord la période coloniale, avec ses invasions et ses massacres.

 

Voilà donc trois grands thèmes qui circulent dans moisisphère et qui ont désormais pignon sur rue, une couverture "intellectuelle" (comme quoi je suis charitable avec Rioufol).

Il ne faudra s'attendre à voir Copé, Fillon ou Juppé dire tout cela à la télé. Ils n'en ont pas besoin, ils ont leur propre armée de Rioufol et de Zemmour, suivis par des petits xénophobes du clavier, pour disséminer les idées de l'UMP sur ces sujets. Ils n'auront pas de salir les mains dans le cambouis idéologique de la grande lutte contre l'antiracisme. Il leur suffira de ne rien faire pour marquer leur réserve vis-à-vis de ce torrent rance, et de lâcher de temps en temps un petit signe, comme le "vous avez Taubira" de Copé, pour avancer le grand projet de la droite.