Daniel Dupont, l’as gestionnaire de portefeuilles canadiens chez Fidelity, trouve beaucoup de points en commun entre sa méthodologie de gestion et celle des Athletics d’Oakland au tournant du millénaire, telle qu’elle est décrite dans le fabuleux livre Moneyball de 2003 (qui a inspiré le film à succès mettant en vedette Brad Pitt).
« Le directeur général, Billy Beane, est pris dans un monde où la « qualité » des joueurs se mesure à leur physique et à leur stature sur le terrain. Les dépisteurs emploient des termes comme « costaud », « gros bras » et « lanceur technique ». Ils se fient à leurs perceptions et présument avoir raison la plupart du temps. Or, ils n’ont jamais testé cette méthode plutôt intrigante et ne se sont jamais demandé s’il existait un meilleur moyen de faire du dépistage, jusqu’au jour où Billy Beane l’a fait par nécessité. Les A’s d’Oakland avaient la plus petite masse salariale du baseball majeur et il a été obligé de trouver une solution de rechange.
Du côté offensif, l’équation est simple : tout repose sur le nombre de parties remportées (il faut autour de 95 victoires pour se rendre en séries éliminatoires) et pour gagner des parties, il faut marquer des points. Pour marquer des points, il faut être capable de placer des joueurs sur les buts et en placer beaucoup. Il en a conclu que le pourcentage de joueurs sur les buts est le meilleur indicateur du potentiel de points marqués.
Quand on y pense, c’est tout à fait logique. Obtenir un but sur balles a la même valeur qu’un simple, même si c’est beaucoup moins impressionnant ou intéressant pour les spectateurs. Pas besoin d’un joueur « costaud » pour obtenir un but sur balles. C’est cette révélation qui a incité Billy Beane à réunir suffisamment de « gros receveurs » capables de se placer sur les buts pour rester dans la course.
Résultat? En 2002, les A’s d’Oakland ont battu un record de la Ligue américaine en remportant 20 victoires consécutives, record atteint avec une masse salariale de 40 millions $, la moins élevée de la ligue, alors que la masse salariale des Yankees s’élevait à 126 millions $.
Lorsque les joueurs sont des actions en bourse
Source de la photo: Conseiller.ca
Notre méthode de placement consiste à analyser les placements sous un angle différent, sans trop nous laisser influencer par ce qui semble a priori normal ou logique. En appliquant la stratégie de Billy Beane aux placements, certaines constatations nous sautent aux yeux :
1) Contrairement au baseball, habituellement, dans le monde des placements, les titres sous-évalués ne sont pas les titres offensifs, mais bien les titres défensifs. Les titres moins volatils ou moins risqués ont tendance à performer aussi bien, et souvent mieux, que les titres plus risqués.
2) Souvent, les entreprises prometteuses qui enregistrent des pertes ne changent pas. Quant aux sociétés en phase de démarrage, elles peuvent sembler attrayantes mais, en moyenne, au fil des ans, elles sous-performent fortement les sociétés bien établies.
3) On trouve parfois des aubaines parmi un groupe de sociétés très appréciées, mais ce n’est habituellement pas le meilleur endroit où investir. Les sociétés qui éprouvent des difficultés temporaires ou dont les déboires défraient la manchette, mais qui ont de solides assises et de bonnes perspectives à long terme, ont beaucoup plus de chances d’être sous-évaluées. Par conséquent, vous devriez vous attendre à voir davantage de placements comparables aux « gros receveurs » (p. ex. : BP, Vivendi) et moins de « costauds » dans le portefeuille du fonds.
Même si les A’s ont remporté leur vingtième partie consécutive en frappant un coup de circuit à la fin de la neuvième manche, cette série de victoires est le fruit de beaucoup de patience au marbre. Attendre le bon lancer au baseball, comme dans les placements, c’est la clé du succès.
Étant donné que nous accordons beaucoup d’importance à la méthode, le fonds obtient plus que sa juste part de buts sur balles et se fait rarement retirer. Tandis que nos rivaux y vont pour le coup de circuit et se font retirer plus souvent qu’autrement, nous demeurons concentrés et rigoureux. Ma devise est la même que Billy Beane : tout est dans la méthode. »