Il a fallu un bon moment pour que de coté-ci de l'Atlantique on s'intéresse à cet extraordinaire mouvement mené au départ par les étudiants, puis par une frange de plus en plus importante de la société québécoise. Or, cela fait plus de cent jours que les manifestations se multiplient et ne désemplissent pas.
Ce mouvement hors du commun dans la "Belle province", est parti de la volonté du gouvernement d'augmenter fortement les droits de scolarité pour les étudiants. Le milieu étudiant n'a pas accepté, considérant qu'il s'agit d'une remise en cause de l'accés de tous à l'enseignement supérieure. Il s'est d'abord développé dans les universités, avec les étudiants, les professeurs et les parents. Surtout, face à l'ampleur de la répression de la part du gouvernement (des centaines d'arrestations), c'est peu à peu toutes les couches de la société qui se sont senties concernées, écoeurées par la loi 78 qui restreint le droit de manifester et de se rassembler.
Ce qui se passe au Québec est exemplaire à tous points de vue. En premier lieu parce qu'il met en lumière la nature profonde du libéralisme. La culture et l'éducation comme moyens d'émancipation sont contraire à ce courant de pensée pour qui tout doit être payant, et mis au service de l'économie et de l'entreprise. Cette logique est parfaitement illustrée par un ministre québécois qui a déclaré : "Il faut mouler les cerveaux pour les entreprises". L'éducation de masse n'est pas dans l'intérêt de tous. Mais surtout, en utilisant la violence, en restreignant les libertés, l'état libéral indique qu'il fait peu de cas des aspirations démocratiques et transforme peu à peu leur pouvoir en pouvoir dictatorial.
Le second intérêt vient du fait que ce mouvement n'est pas isolé. Il s'inscrit dans cette formidable vague des "Indignés", mais aussi du printemps arabes. Evidemment, jusqu'ici, ces mouvements ont débouché sur des impasses politiques ou idéologiques, mais les brêches qu'ils ont créés dans les consciences ne s'effaceront pas. Alors que le libéralisme a mondialisé l'éconnomie, les révoltes suivent enfin le pas. Certes, en Espagne, en Grèce, au Canada, en Tunisie, chacun se bat d'abord dans son pays, dans un contexte local. La soif de liberté, d'égalité, de justice est partout la même, elle est en marche. Cela prendra du temps, il y aura des revers, mais plus personne ne pourra ignorer les aspirations profondes des peuples. Jean Charest au Québec est en train de le comprendre.