La Zygène Ibère - Le biotope de ce papillon unique fut saccagé par le parcours d’une quantité surnuméraire de moutons et de chèvres. Aujourd’hui, le site qui supporte les derniers effectifs du précieux lépidoptère est voué à la production de charbon de bois !
La splendide Zygène Ibère, de son nom latin Zygaena nevadensis, a été découverte au Maroc dans la région d’Ifrane en 1957 par un entomologiste français de l’Institut Chérifien (aujourd’hui Institut Scientifique de Rabat). Cette unique sous-espèce africaine, qui n’existe qu’au Maroc où elle est très localisée, fut décrite sous le nom d’atlantica.
Cet insecte est inféodé à une plante locale de la famille des Vesces, une légumineuse sauvage et très fragile car par ailleurs fort prisée par le bétail. Non retrouvée durant presque un demi-siècle, le joli papillon fut porté disparu jusqu’à sa redécouverte dans les années 2000 par le naturaliste Michel Tarrrier dans un secteur protégé de la cédraie du Jbel Tarharhat (région d’Itzer, Moyen Atlas).
En dépit de son caractère de patrimoine de l’humanité, la forêt de cèdres du Maroc est devenue une fabrique de mouton. Ce surpâturage ruine irréversiblement tout l’écosystème en tuant le sol. Pour exemple, il faut savoir qu’une charge démentielle d’un million de moutons et de chèvres broute en sous-bois, rien que sur les 53.000 hectares du Parc national d’Ifrane.
Quelques années après sa redécouverte, le biotope de ce papillon unique fut saccagé par le parcours d’une quantité surnuméraire de moutons et de chèvres, suite à la suppression du périmètre inopinée de protection. Mais le comble est qu’aujourd’hui, le site qui supporte les derniers effectifs du précieux lépidoptère est voué à la production très contestable de charbon de bois !
Tout le secteur est mis à sac et c’est non seulement le chêne vert qui part en fumée mais on y remarque la destruction par vandalisme du cèdre et d’autres essences rares (if, houx, érable…), ainsi que l’anéantissement d’immenses pans de pivoines.
Alertée par le naturaliste Michel Tarrier, expert pour le Maroc auprès de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), la direction provinciale du Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et de la lutte contre la désertification a été dépêchée sur les lieux, a ouvert une enquête et des mesures de protection radicale devraient être prises en des délais records.
Comme se plaît à le dire Tarrier, un papillon est le reflet de ce qu’il y a dessous. Et ici, dessous…, il n’y a plus grand-chose.
Pour plus d’informations, lire : « Les Papillons de jour du Maroc », par Michel Tarrier & Jean Delacre, aux éditions Biotope.