Presse : Les vautours prennent ils le relais de l'ours?

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

par Philippe Serpault, journaliste en Ariège

Les gazettes pyrénéennes reprennent le refrain de l’attaque des troupeaux par l’ours, mais aussi par les vautours qui sont devenus la nouvelle bête noire des éleveurs, pour des prédations qui restent marginales au regard des pertes en estive.

Quand ce ne sont pas les ours, ce sont les vautours qui doivent entrer dans le box des accusés.

La scène se passe en Basse Ariège sur le Terrefort.Des vautours auraient été observés par un éleveur, s’attaquant à ses veaux. Les Zorros de l’Ariège « contre l’ensauvagement du monde rural » sont immédiatement avertis, alors que les experts en la matière sont les agents de l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage), lesquels se rendent sur place mais se seraient bien passés de la présence de la presse locale et de la pression exercée par l’ASPAP, association pour la Sauvegarde du Patrimoine d’Ariège Pyrénées. (NDLB: Ou Association départementale de défense des intérêts pastoraux?)
Ils savent, ces agents, qu’ils n’ont plus les moyens de faire le travail indispensable d’expertise qui permettra de déterminer si les veaux victimes de l‘attaque étaient bien viables. D’emblée, on parle «d‘inquiétude sur les estives», en omettant bien d’être plus précis. Les outrances atteignent des sommets sur le nombre supposé de vautours, le site d’information en ligne de l’Ariège avançait le nombre de 7000 individus, alors que selon la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) : « Aucune estimation précise n’a été réalisée pour l’ensemble de la population de vautours en France depuis 2010 », celle-ci était alors estimée à environ 1000 couples dont la moitié dans les Pyrénées.
On ne compte plus les vidéos sur le Web, censées prouver la dangerosité de l’animal. L’image est bien pratique dans ce cas et nous a amplement démontré qu’elle pouvait être détournée. « Dans les Pyrénées, des milliers de carcasses sont éliminées gracieusement des pâturages chaque année par les vautours pour quelques cas suspects en dix ans d’intervention sur des animaux en difficulté », annonce Philippe Serre de la LPO qui appelle à se doter à nouveau d’expertises vétérinaires indépendantes, lesquelles, selon lui, «  permettraient de donner du crédit à la parole des éleveurs. »
Des vautours de plus en plus nombreux et affamés ?

La LPO reconnaît cependant des cas de prédation par le vautour sur les animaux d’élevage en difficulté, reconnaissant «  une source d’inquiétude et une perte sèche pour le revenu de l’éleveur », mais constate : «  À l’échelle des Pyrénées et du cheptel présent sur le massif, ces cas d’interventions restent toutefois des accidents ponctuels liés au statut sanitaire dégradé ou à une situation de faiblesse du bétail. »
De fait, en pleine polémique, les crédits de l’Etat pour la prise en charge du coût des expertises vétérinaires sur des cadavres d’animaux signalés par des éleveurs ont été suspendus. « Ces expertises vétérinaires permettent d’apporter la preuve ou pas d’une intervention ante-mortem par les vautours, ces analyses avaient d’ailleurs disculpé les vautours dans l’extrême majorité des cas entre 2007 et 2009 », seulement voilà, il est plus facile de s’en prendre aux vautours et de réclamer le droit à « la régulation de l’espèce », comme le fit le représentant de l’ASPAP en Basse Ariège.
Curieusement, il ne propose pas de réguler la population de chiens errants dans le monde rural, celle-ci se renforçant singulièrement dans les semaines qui suivent l’ouverture de la chasse. Cette année, il sera officialisé par les autorités publiques la création de placettes d’équarrissage dans les Pyrénées-Atlantiques. Ce dispositif permettra de garantir aux éleveurs un service d’équarrissage gratuit en accord avec le règlement européen du 25 février 2011 et de réduire le coût de la Contribution Volontaire Obligatoire qu’ils doivent payer pour l’élimination des carcasses par les filières industrielles.
De manière à connaître précisément les effectifs de l’espèce sur le versant nord des Pyrénées, un inventaire des couples nicheurs est en cours, il est effectué par les structures partenaires du programme Pyrénées Vivantes animé par la LPO. Les conclusions sur les effectifs et la répartition de l’espèce seront disponibles à l’automne prochain. D’ici là, il sera permis d’affirmer n’importe quoi, et les justiciers autoproclamés du pastoralisme ne s’en priveront pas.

Philippe Serpault, 24 mai 2012
Source : Médiapart 

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