Les hautes sphères de la gastronomie parisienne ne sont pas très bien représentées dans le sud de Paris. Heureusement Le Quinzième de Lignac sauve l’arrondissement. C’est une cuisine inventive de haute volée que le jeune chef aveyronnais prépare depuis 2005 dans son joli restaurant près du parc André Citroën.
Injustement boudé par la critique et par ses pairs, il a enfin obtenu sa première étoile en février 2012 alors qu’il ne l’attendait plus. Ce n’est que justice de récompenser autant de travail et de talent.
Le menu Découverte à 49 € débute par quelques mises en bouche. Cube de saumon façon tataki, royale d’asperges, crème légère sur sablé au parmesan et le must : cette petite palourde farcie mangue paprika et servie dans sa coquille.
Le beurre vient bien sûr de chez Bordier (Saint-Malo). La photo rend hommage à sa couleur jaune tirant sur le vert. Il est au sel fumé. Un vrai régal avec le petit pain aux céréales tout chaud. A goûter absolument la focaccia qui sort du four. On s’écouterait on pourrait en faire son repas.
Ce qui va le plus me surprendre et me séduire durant ce déjeuner est l’extrême précision dans la réalisation des plats et le travail d’orfèvre de dressage. Ce gros bloc de foie gras de canard de Vendée est bien plus appétissant qu’une tranche à plat dans l’assiette. La subtile gelée, parfumée au gingembre, revient sur l’assiette sous forme de gouttes. Le tout est servi avec de la brioche toastée.
Durant ses voyages en France pour M6, Cyril Lignac va à la rencontre des petits producteurs locaux. Des amitiés se lient et des collaborations voient le jour. C’est au détour d’un voyage en Corse que le chef a rencontré François Sisti, producteur de brocciu. Voilà à quoi sont farcis ces macaronis : brocciu, blettes et basilic. C’est régressif comme plat, flatteur pour le palais. J’admire le côté yin et yang de la présentation et ce jus de veau fabuleux (un des grands points forts du chef).
La selle d’agneau de Lozère Elovel est rôtie au lard de Colonnata, c’est fondant et croustillant. Les asperges vertes semblent braisées, le jus d’agneau à l’ail des ours est une fois de plus divin. Certains jus cuisent 24 heures, ils sont comme confits.
Le merlan de ligne des côtes bretonnes a cuit très doucement au beurre demi-sel parfumé à la noix de coco. L’exotisme est rappelé dans cette magnifique brunoise de légumes avec la coriandre.
Alors qu’on croit avoir fait le tour de tous les talents du chef, vient le dessert. Sa passion. Le Madagascar est une crème légère de chocolat au lait Tanariva montée comme un millefeuille tout rond avec des strates de croustillant praliné. Le chocolat est fin comme du papier, une sauce tiède au chocolat est servie tout autour et fait légèrement s’effondrer les couches pour que les textures se mélangent en bouche. Le citron vert apporte l’acidité et la fraîcheur nécessaire pour casser le sucre. J’ai tellement aimé que j’en ai fait la photo de couverture du blog.
A l’intérieur de cette drôle de sphère onctueuse à la vanille Bourbon (réalisation parfaite encore une fois) se cache un coeur de caramel fondant. L’ensemble est délicatement posé sur un tapis sablé et croustillant.
Mention spéciale à Daniele, notre serveur italien, parfait dans son rôle : souriant, intelligent, sachant raconter les recettes du chef.
D’ailleurs il est là le chef, il rôde, surveille les assiettes, vient saluer les clients avec son accent chantant. Pour ajouter au folklore certains demandent des autographes, des photos avec lui. Il se prête au jeu, sympathique, disponible.
Le Quinzième. 14 rue Cauchy. 75015. Tél : 01 45 54 43 43. Fermé lundi midi, samedi midi et dimanche. Métro Javel. Menu Découverte midi 49 €. Menu Dégustation 130 €, Menu Dégustation Accord mets/vins : 175 €. Site.