Le nouveau film de Walter Salles, Sur la route, fait beaucoup de bruit, et à raison. Le livre de Jack Kerouac dont il est une interprétation fait partie de ces maîtres ouvrages, qui vous marquent à vie. Nombre d’adolescents, dont moi-même, ont changé leur regard sur la lecture et l’objet livre suite à cette lecture, souvent dévorée, parfois réitérée, toujours source de sentiments forts.
Le livre est écrit au tournant des années 40 et 50 aux Etats-Unis, à l’aube du développement de nouveaux modes de vies, dans une époque de profonde évolution des goûts, des valeurs, des arts. Dans ces années d’intenses créations artistiques prennent ainsi naissance le folk de Dylan, le rock de Hendrix, la littérature hallucinée de William S. Burroughs, le mouvement hippies, bref tout un monde en gestation qui va profondément se démarquer des vieilles traditions européennes.
Jack Kerouac, est un auteur à part, qui se cherche dans ce monde et qui développe un mode de vie particulièrement libertaire, parfois subversif, souvent en quête d’une spiritualité rassurante. Sur la route est une quasi autobiographie de cette quête personnelle. Pendant 3 ans, l’auteur traverse les Etats-Unis de part en part ainsi qu’une grande partie de l’Amérique centrale. Le livre a été écrit d’un seul jet, en trois semaines, sur un rouleau de papier de 36 mètres de long, dans un style d’écriture personnel qualifié de prose spontanée.
Mais ce faisant, au-delà de la quête initiatique de l’auteur, il se fait l’écho d’un continent, d’une population, de valeurs communes. Ce faisant Kerouac nous entraîne à la découverte des Etats-Unis dans ce qu’elle a de plus intime, de plus local, parfois aussi de plus extrême.
En repensant à ce livre, je me faisais la remarque qu’il n’existe, à ma connaissance, aucune icône livresque de ce genre en Europe. On aurait pourtant bien besoin d’un Kerouac aujourd’hui pour voyager avec lui depuis les confins andalous jusqu’aux fjords suédois, des bords de la Tamise jusqu’aux rives du Danube.
On aurait pourtant bien besoin d’un voyage initiatique qui nous fasse vivre, de manière quasi sensuelle, les paysages, les villes, les hommes et les femmes de notre continent. Un voyage initiatique dont on reviendrait bouleversé dans nos schémas de pensées, dans nos habitudes nationales, dans nos repères. Mais un voyage dont on reviendrait emplis de cette assurance, fugace au départ, puis de plus en plus vibrante, que notre destin est plus que jamais européen.