Histoires drôles et sages du célèbre maître soufi
Un livre de Jean-Louis MAUNOURY
Je vous présente aujourd’hui le dernier livre que je viens de terminer. En lisant le titre, vous vous êtes certainement demandé comment j’en suis arrivée à lire un livre sur un sage “soufi” et donc un livre qui parle de Allah, du Coran et bien entendu de musulmans, moi qui ait grandi dans les pratiques fondamentales du catholicisme…
Voici l’histoire. Je rentre chez moi vers 2h30 du matin après une petite soirée entre copines lorsqu’un homme m’interpelle dans la rue pour me demande son chemin. En gentille provinciale je lui indique la direction et biensur, attentive aux accents du monde, je commence à discuter avec cet américain, mais il est tard et donc, nous prévoyons de continuer la discussion un autre jour.
Nous revoilà quelque jours après dans une grande discussion sur les religions. Il me dit alors qu’il est “Soufi”. Etant éduquée dans la religion Catholique, je connais très mal les nombreuses religions de notre monde. Je suis malheureusement très mal placée pour parler du Soufisme, mais voici ce que j’ai trouvé sur internet :
“Le soufisme est une ancienne tradition de développement spirituel. Il prend son origine à l’intérieur de l’Islam. La racine Soufi signifie “pure”. Il correspond à l’essence des enseignements Soufi et à l’apparence spirituelle de ses meilleurs représentants. Les vrais maîtres du Soufisme, les vrais Soufis, sont en effet purs et hors du dogmatisme et du fanatisme, sont exempts des préjugés confessionnels et nationaux. Une aspiration forte à la pureté morale et impeccable, particulier aux Soufis, a aussi contribué à leur donner un autre nom dans le monde Arabe — Chevaliers de la Pureté (Sahiba-i-Safa). [...] La base du Soufisme est l’amour (mahabba, hubb). Les Soufis disent même de leurs enseignements qu’ils sont “l’hymne à l’Amour Divin” et l’appellent tassawuri — vision-d’amour. L’amour est considéré dans le Soufisme comme la puissance qui renforce le sentiment d’être contenu en Dieu. Ce processus résulte en la compréhension qu’il n’y a rien dans ce monde à part Dieu, Qui est l’Amoureux et l’Aimé en même temps.Sans vraiment nous en apercevoir, dans de nombreuses autres religions, le concept de l’amour et la base du soufisme s’y retrouvent : “Évidemment, ce concept de l’amour est identique à celui décrit dans la Bhagavad Gita et le Nouveau Testament : il a les mêmes repères et accents. L’amour vrai est considéré dans le Soufisme comme dans les meilleures écoles spirituelles de l’Hindouisme, du Bouddhisme, du Christianisme — comme seule puissance capable d’amener l’homme à Dieu”. [...] La tradition de méditation Soufie est très riche et très variée. Elle a accumulé une vaste expérience de travail avec le corps, l’esprit et la conscience.
“Dans le Soufisme il y a plusieurs choses originales. Cependant, on peut y voir une similitude remarquable aux traditions spirituelles d’autres écoles et directions — la similitude des buts, les manières de leurs réalisations, et même les méthodes. Ceci indique une chose importante : que le Soufisme, l’Hésychasme, le Taôisme, le mysticisme Bouddhiste, le yoga Hindou classique, et certaines autres directions sont basés sur les mêmes lois du développement spirituel. C’est seulement la réalisation de ces lois qui peuvent être différentes dans différentes conditions culturelles et historiques. Et il y aura toujours des gens qui — indépendamment de leurs traditions spirituelles — auront du succès sur la voie Soufie”.
Si vous souhaitez plus d’informations sur le sujet, je vous conseille ce site internet : http://fr.beautyislam.org/practices_of_sufism.html
Maintenant que vous en savez un peu plus sur le sujet, je vais pouvoir continuer ma petite histoire.
Suite à de longues discussions, je lui propose de m’accompagner à la “Nuit des musées” à l’Institut du monde Arabe. Un peu en avance, je l’attend dans la librairie de l’Institut et tombe par hasard sur ce livre : “Les Aventures de l’incomparable Nasr Eddin Hodja”, dont le titre m’a tout de suite fait penser à :”Les fabuleuses aventures d’un indien malchanceux qui devient milliardaire”. Par curiosité, je retourne le livre pour lire le résumé :
” Connu également sous le nom de Mulla Nasrudin, le célèbre et légendaire Nast Eddin Hodja est le héros d’aventures transmises oralement qui font le régal de millions de personnes en Asie et dans le monde arabe.
Savoureuses, impertinentes ou loufoques, ces fameuses histoires vous feront rire, et parfois aux éclats, mais elles sont destinées avant tout à livrer une sagesse aux multiples facettes.
On aurait tort de prendre Nasr Eddin Hodja uniquement pour un idiot ou un vieillard qui a perdu la tête. Nasr Eddin Hodja est aussi un maître qui joue le bouffon pour mieux dénoncer les travers de l’être humain : la vanité, la bêtise, la lâcheté, la cupidité, la bigoterie…
Délectez-vous de ces contes, sottises et paraboles qui vous permettront de voir, comme l’enseigne la tradition Soufie, la vérité derrière les apparences”.
Et bien moi, ce petit résumé m’a donné envie de le lire. Alors me voilà plongée dans ces aventures. Seulement 4 jours pour me délecter de près de 340 histoires. Certes, tous ne sont pas drôles, certains sont même tristes, et d’autres très vulgaires, mais à la fois très courtes et très surprenantes, j’avais envie de tourner les pages, encore et encore pour découvrir une nouvelle histoire…
Le personnage : Nasr Eddin vit en général à Akşehir (Turquie) où il a sa tombe canular vide. Ses histoires ont parfois pour protagonistes le terrible conquérant Tamerlan (Timour Lang), pour qui il joue le rôle de bouffon insolent bien que la situation soit anachronique. D’autres histoires mettent en scène son âne et sa première femme Khadidja ; il exerce parfois la fonction de Cadi voire d’enseignant dans une médiras. Il aurait vécu au VIIIe siècle à Koufa, un village d’Irak mais deux tombes existeraient : l’une dans un village d’Anatolie et l’autre en Algérie.
Comme le dit si bien le résumé, Nasr Eddin Hodja aborde de nombreux sujets et souvent de la même manière :
La première partie pose le décor. Il explique la situation et souvent met en scène la vie quotidienne. Dans la seconde partie, il s’adresse à son ou ses interlocuteurs avec qui il est en situation de conflit, ou de déséquilibre, parfois, il est son propre interlocuteur. Enfin, dans la troisième partie : La chute : inattendue, sidérante, contradictoire, qui va justement mettre beaucoup d’humour dans l’histoire.
Mais attention, il est important de préciser que les histoires de Nasr Eddin Hodja peuvent être appréciées “pour l’absurdité amusante apparente de la plupart des situations, mais peuvent aussi être interprétées de différentes manières, comme des contes moraux ou des histoires spirituelles”. N’oublions pas que ces histoires viennent d’un maître Soufi… elles vous laissent parfois dubitatives ou alors, vous n’avez simplement pas du tout compris où l’histoire voulait en venir et vous rester quelques minutes à vous demander si l’histoire avait un véritable sens, ou non.
Pour vous donner une petite idée des histoires, voici celles que j’ai apprécié :
La Lettre
“Dans la petite ville d’Akshéhir où il habite, Nasr Eddin passe pour très savant.
Un jour, une vieille dame paysanne vient le trouver, une lettre à la main. C’est la première fois qu’elle en reçoit une, et elle ne sait pas lire.
- Nasr Eddin, je te prie, lis-moi cette lettre. Pourvu qu’elle ne m’apporte pas une mauvaise nouvelle !
Nasr Eddin prend la lettre et la parcourt des yeux. Au fur et à mesure qu’il avance dans sa lecture, sa physionomie s’assombrit et soudain il fond en larmes, au grand émoi de la paysanne.
- O Nasr Eddin, ne me fais pas languir davantage. J’ai perdu ma soeur Aïcha, c’est cela ?
Mais Nasr Eddin continue sa lecture sans répondre et, peu à peu, les larmes laissent place à un sourire de plus en plus épanoui, qui à la deuxième page, se transforme en un éclat de rire, en un fou rire irrépressible qui ébranle jusqu’à son turban.
La vieille n’y tient plus :
- Nasr Eddin, tu me feras mourir ! D’abord tu pleures, ensuite tu ris, Aie pitié de moi !
- Ah ! ma bonne vieille, réussit enfin à articuler Nasr Eddin, ne te fais aucun souci. Si je pleure, c’est tout simplement parce que tu ne sais pas lire.
- Mais pourquoi ris-tu alors ?
- Parce que moi non plus.
Heureux Evenements
La femme de Nasr Eddin est prise en pleine nuit des douleurs de l’enfantement. La sage femme arrive bien vite pour l’assister. Nasr Eddin voudrait s’enfuir mais la sage-femme l’arrête :
- Ne veux-tu donc pas être là pour la naissance de ton enfant ? Tiens, prends cette bougie, tu vas nous éclairer.
Et Nasr Eddin, bon gré mal gré, voit venir au monde son premier-né. Très impressionné, il s’éloigne de nouveau quand la sage-femme le rappelle :
- Mais reste donc là, Nasr Eddin ! Je crois bien qu’il y en a un deuxième.
Nasr Eddin revient donc et il voit venir au monde le jumeau du premier. Il souffle alors la bougie.
- Rallume, Nasr Eddin, on n’y voit plus rien.
- Non, non, il vaut mieux éteindre, Ne vois-tu pas que la lumière les attire ?